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04/08/2017 | FRANCE | N°16PA02175

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 août 2017, 16PA02175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 1er février 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé son pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Val d'Oise a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600986 du 11 février 2016, la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, appuyée d'une pièce compléme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 1er février 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé son pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Val d'Oise a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600986 du 11 février 2016, la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, appuyée d'une pièce complémentaire enregistrée au greffe de la Cour le 18 avril 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner à l'administration de communiquer son entier dossier en application du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) d'annuler le jugement n° 1600986 du 11 février 2016 de la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Val d'Oise du 1er février 2016 décidant sa reconduite à la frontière, fixant son pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur des arrêtés contestés ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière ;

- la décision portant reconduite à la frontière est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour illégale ;

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande, dès lors qu'il n'a pas pris en compte l'ancienneté de sa présence sur le territoire français et son intégration sociale et professionnelle et n'a pas examiné sa situation au regard de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, dès lors qu'il établit résider sur le territoire français depuis plus de quatorze ans ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, le préfet ne pouvant se fonder sur les dispositions de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre un arrêté de reconduite à la frontière à son encontre, alors qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de placement en rétention administrative est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 551-1, L. 561-2 et L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen préalable de la possibilité de l'assigner à résidence ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- l'article R. 553-14-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de l'article 18 du décret du 8 juillet 2011 est inconventionnel, dès lors qu'il méconnaît l'alinéa 4 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par sa décision du 23 mai 2012, Gisti, n° 352534 ; en conséquence, la décision de placement dans un centre de rétention dans lequel le contrôle des associations prévu par l'article R. 553-14-5 souffre d'une restriction illégale est elle-même entachée d'irrégularité ;

- les dispositions du 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE, selon lesquelles l'étranger placé en rétention doit se voir communiquer la possibilité de contacter des organisations et instances nationales et internationales, non gouvernementales, n'ont pas été transposées, ce qui a pour effet d'entacher d'inconventionnalité la décision le plaçant en rétention ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'il justifiait de garanties de représentation et que le préfet ne démontre pas l'existence d'un risque de fuite ;

- l'intégralité des pièces dont dispose l'administration ne lui a pas été transmise, le privant ainsi de la possibilité de préparer utilement sa défense, en violation du droit à un procès équitable prévu à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val d'Oise, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Bernard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité égyptienne, relève appel du jugement du 11 février 2016 par lequel la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 1er février 2016 décidant sa reconduite à la frontière et fixant son pays de destination, ainsi que de l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a ordonné son placement en rétention administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. "

3. Il ressort du dossier de première instance, d'une part, que le préfet du Val d'Oise a communiqué au Tribunal les 6 et 11 février 2016 la totalité des pièces sur la base desquelles il avait pris les arrêtés contestés et, d'autre part, que ces pièces ont été communiquées à l'avocat de M. A... préalablement à la tenue de l'audience le 11 février 2016. Par suite, le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que l'intégralité des pièces dont dispose l'administration ne lui aurait pas été transmise, le privant ainsi de la possibilité de préparer utilement sa défense, en violation du droit à un procès équitable prévu à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté comme manquant en fait. Par conséquent, il pourra être statué sur la requête sans qu'il soit besoin d'inviter l'administration à communiquer les pièces en cause.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des actes appelant une réponse commune :

4. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun au point 4 du jugement attaqué, d'écarter le moyen soulevé par M. A... tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés contestés.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision portant reconduite à la frontière :

5. D'une part, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun aux points 5 à 11 du jugement attaqué, d'écarter les moyens soulevés par M. A... tirés de ce que la décision portant reconduite à la frontière serait fondée sur une décision de refus de séjour illégale, serait insuffisamment motivée, serait entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il se trouvait en situation irrégulière, aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

6. D'autre part, M. A... soutient que le préfet du Val d'Oise n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de décider sa reconduite à la frontière. A cet égard, il se prévaut tout d'abord de la circonstance que l'arrêté contesté ne mentionne pas l'ancienneté de sa présence en France et ne fait pas état de son intégration sociale et professionnelle. Toutefois, cette seule circonstance ne suffit pas à établir un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, alors que l'arrêté contesté mentionne que l'épouse et les enfants de M. A... résident en Egypte. Le requérant se prévaut également de ce que le préfet n'aurait pas examiné sa situation au regard de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, M. A... ne soutient ni n'établit qu'il se trouverait dans l'un des cas prévus par les dispositions de cet article. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

7. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun aux points 13 et 14 du jugement attaqué, d'écarter les moyens soulevés par M. A... tirés de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale, dès lors, d'une part, qu'elle serait fondée sur une décision portant reconduite à la frontière entachée d'illégalité et, d'autre part, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté de placement en rétention administrative :

8. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun aux points 16, 17 et 24 du jugement attaqué, d'écarter les moyens soulevés par M. A... tirés de ce que l'arrêté le plaçant en rétention serait fondé sur une décision portant reconduite à la frontière entachée d'illégalité, qu'il serait insuffisamment motivé et qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation.

9. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Val d'Oise a procédé à un examen préalable de la possibilité de l'assigner à résidence plutôt que de le placer en rétention.

10. En troisième lieu, M. A... soutient que, dans sa version issue de l'article 18 du décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011, l'article R. 553-14-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissait l'alinéa 4 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE susvisée, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par sa décision du 23 mai 2012, Gisti, n° 352534. Ce moyen ne peut toutefois qu'être écarté comme inopérant, dès lors que les dispositions critiquées n'étaient plus en vigueur à la date de l'arrêté contesté, l'article R. 553-14-5 ayant été modifié par l'article 2 du décret n° 2014-676 du 24 juin 2014.

11. En dernier lieu, aux termes des dispositions du 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE susvisée : " Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4 ". Ces dispositions sont mises en oeuvre, en France, par celles du deuxième alinéa de l'article L. 553-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles : " Dans chaque lieu de rétention, un document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice, est mis à disposition des personnes retenues ". Le moyen tiré de ce que les dispositions du 5 de l'article 16 de la directive 2008/115/CE n'auraient pas été transposées ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val d'Oise.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 août 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02175
Date de la décision : 04/08/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-08-04;16pa02175 ?
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