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11/02/2016 | FRANCE | N°14VE03480

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 11 février 2016, 14VE03480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 6 novembre 2013 par laquelle le directeur de l'Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) a préempté un ensemble immobilier cadastré section M, n°167-215-242 situé au 39 rue Carnot à Romainville.

Par un jugement n° 1400195 en date du 16 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en

réplique et un mémoire en production de pièces enregistrés respectivement le 15 décembre 2014, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 6 novembre 2013 par laquelle le directeur de l'Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) a préempté un ensemble immobilier cadastré section M, n°167-215-242 situé au 39 rue Carnot à Romainville.

Par un jugement n° 1400195 en date du 16 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire en production de pièces enregistrés respectivement le 15 décembre 2014, le 22 juillet 2015 et le 9 novembre 2015, présentés par Me Rivoire, avocat, l'ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ÎLE-DE-FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement précité du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° de rejeter la requête de M.C... ;

3° de mettre à la charge de M.C... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'EPFIF soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la motivation de la décision était suffisamment précise et permettait de connaître la nature du projet ; le projet s'inscrit dans le cadre d'une opération de renouvellement urbain, liée à la création de nouvelles infrastructures de transport ;

- la réalité d'un projet peut être établie, même si l'occupation de la parcelle n'est pas encore définie avec précision ; il résulte du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) que les parcelles en cause sont situées dans le périmètre du secteur Carnot, identifié comme devant faire l'objet d'opérations d'aménagement ; une étude de faisabilité a été réalisée à partir du mois de juin 2013 et envisage plusieurs scénarios de requalification ; il est prévu de créer sur l'emprise concernée des bâtiments, des parkings et des espaces verts ; les parcelles se situent dans le périmètre de veille foncière ; cette étude de faisabilité a été livrée le 24 septembre 2013 ;

- les parcelles en cause se situent bien dans le secteur de la place Carnot, dont elles ne sont éloignées que de 170 mètres ; les circonstances que la commune aurait aliéné un bien lui appartenant dans le secteur et qu'elle n'aurait pas préempté un autre bien mis en vente dans le même secteur n'ont aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

- en ce qui concerne le moyen nouveau en appel et tiré de l'incompétence de l'EPFIF, il n'y avait pas eu de transfert de compétence à la communauté d'agglomération à la date de la décision attaquée ; les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme relatives au transfert de plein droit du droit de préemption urbain n'étaient pas applicables ; le maire pouvait donc légalement déléguer ce droit à l'EPFIF ;

- en ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction, aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, en cas d'annulation d'une décision de préemption et si le transfert de propriété a déjà été effectué, le titulaire du droit de préemption doit proposer aux anciens propriétaires d'acquérir le bien ; ce n'est que si ces derniers refusent expressément que l'acquisition peut être proposée à l'acquéreur évincé.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Errera,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour l'EPFIF.

1. Considérant que, par une décision en date du 6 novembre 2013, le président de l'ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) a exercé le droit de préemption urbain de la commune de Romainville, qui lui a été délégué par décision du maire en date du 8 octobre 2013, sur un ensemble immobilier cadastré section M, n° 167-215-242, situé

39 rue Carnot à Romainville ; que, par un jugement n° 1400195 en date du 16 octobre 2014, dont l'EPFIF relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé [...] " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption urbain pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre qu'elle a délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si

celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie ;

3. Considérant que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif a jugé, en premier lieu, que sa motivation était insuffisante, dans la mesure où la décision ne contenait aucune référence à une opération en cours ou envisagée, ce dont il découlait qu'il n'était pas possible de connaître la nature du projet portant sur les parcelles concernées ; que le tribunal a, en second lieu, également jugé que l'EPFIF ne justifiait pas, pour les parcelles en cause, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre contenant la décision de préemption attaquée expose que le bien en litige " est situé dans un périmètre de veille foncière de l'EPFIF lié à l'arrivée prochaine du métro et du tramway place Carnot ", que " ce périmètre fait l'objet d'études urbaines de la part de la commune de Romainville et de l'EPFIF ", que " l'arrivée de ces transports confère un intérêt général à la maîtrise foncière des propriétés du secteur " et que cette maîtrise foncière " participe à la politique de renouvellement urbain, de requalification et de redynamisation urbaines menée par la ville de Romainville " ; que les politiques urbaines ainsi évoquées sous des termes vagues ne sont précisément décrites que dans la convention d'intervention foncière signée entre la commune de Romainville et l'EPFIF le 25 juin 2008 ; que si l'EPFIF pouvait légalement, pour répondre aux exigences de motivation de sa décision de préemption, se borner à faire état d'objectifs généraux et se référer, s'agissant du détail des opérations, à un document ou à un texte plus précis, il résulte de l'examen de la lettre du 6 novembre 2013 adressée au propriétaire du bien qu'aucun des termes de cette lettre n'invite son destinataire à se rapporter à ladite convention dont les modalités de consultation ne sont d'ailleurs pas précisées ni n'est de nature à lui permettre d'appréhender le lien qui existe entre la convention du 25 juin 2008, le projet d'aménagement devant être réalisé sur le terrain préempté et les politiques dites " de renouvellement urbain, de requalification et de redynamisation urbaines " envisagées par la commune ; que si une étude de faisabilité, produite pour la première fois en appel et établie le 23 septembre 2013, soit avant la décision attaquée, envisage de manière détaillée deux scénarios d'aménagement possibles pour la zone où se trouvent les parcelles préemptées, la décision attaquée ne comportait pas davantage de référence spécifique à ce document ; qu'il suit de là que l'EPFIF, qui n'a pas mis M. C...à même de connaître la nature du projet prévu, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré du défaut de motivation ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ; qu'aucun autre moyen n'est susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision attaquée ; qu'en effet, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'EPFIF justifiait, grâce aux documents mentionnés au point 4, soit d'une part la convention d'intervention foncière signée entre la commune de Romainville et l'EPFIF le 25 juin 2008 et, d'autre part, l'étude de faisabilité du 23 septembre 2013, de la réalité du projet d'aménagement envisagé par la commune sur le terrain faisant l'objet de la préemption attaquée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EPFIF n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de préemption en date du 6 novembre 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M.C... :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. (...) " ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. À défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 " ;

9. Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi, cette annulation implique que le titulaire de ce droit, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'il est à ce titre tenu de proposer aux propriétaires initiaux ou à leurs ayants cause puis, à défaut, à l'acquéreur évincé si son nom était inscrit dans la déclaration d'intention d'aliéner, d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement injustifié de l'une quelconque des parties les conditions de la cession à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ;

10. Considérant qu'en l'espèce, la décision de préemption illégale du 6 novembre 2013 a eu pour effet de faire échec à la vente auprès de M. C...du terrain litigieux par le propriétaire initial, M. E... D... ; qu'il ressort des pièces du dossier que le transfert de propriété au profit de l'EPFIF a eu lieu le 8 novembre 2013, l'acte authentique de vente ayant été établi le 17 février 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'EPFIF ait revendu le bien à un tiers et que la consistance du bien ait été modifiée ;

11. Considérant, toutefois, que les dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme font obstacle à ce que M. C...demande à la Cour d'enjoindre à l'EPFIF de lui proposer d'acquérir le bien illégalement préempté, ces dispositions faisant obligation au titulaire du droit de préemption de proposer l'acquisition en priorité aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel ; qu'il suit de là que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EPFIF demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner l'EPFIF à verser à M. C...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ÎLE DE FRANCE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...sont rejetées.

Article 3 : L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ÎLE DE FRANCE versera à M. C...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14VE03480 3


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Antoine ERRERA
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : SCM MONCEAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 11/02/2016
Date de l'import : 23/02/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14VE03480
Numéro NOR : CETATEXT000032063954 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-02-11;14ve03480 ?
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