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18/02/2016 | FRANCE | N°13VE03427

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 février 2016, 13VE03427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Dhuysienne de Chaleur a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS à lui verser la somme de 1 557 105 euros HT, au besoin à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2012 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'obligation qui lui a été faite, par une mise en demeure du maire de la commune en date du 16 octobre 2009, de poursuivre, pour la période

du 17 octobre 2009 au 15 octobre 2010, la fourniture en chauffage et eau chaud...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Dhuysienne de Chaleur a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS à lui verser la somme de 1 557 105 euros HT, au besoin à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2012 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'obligation qui lui a été faite, par une mise en demeure du maire de la commune en date du 16 octobre 2009, de poursuivre, pour la période du 17 octobre 2009 au 15 octobre 2010, la fourniture en chauffage et eau chaude sanitaire des résidents des copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, malgré l'absence de souscription de nouvelles polices d'abonnement.

Par un jugement avant dire droit n° 1201223 du 17 septembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déclaré la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS responsable du préjudice subi par la Société Dhuysienne de Chaleur au titre des prestations fournies aux résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu pour la période courant d'octobre 2009 à octobre 2010, d'autre part, avant de statuer sur la demande indemnitaire de la société, décidé de procéder à une expertise en vue de l'évaluation de ce préjudice.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le

19 novembre 2013 et le 13 octobre 2014, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS, représentée par la Scp Sartorio-Lonqueue-Sagalovitsch et associés, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la Société Dhuysienne de Chaleur devant le tribunal administratif ;

2° de mettre à la charge de la Société Dhuysienne de Chaleur le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en vertu du contrat de concession, notamment de ses articles 12 et 40, la

Société Dhuysienne de Chaleur était tenue d'assurer la fourniture en chauffage et eau chaude sanitaire à destination de l'ensemble des usagers du service public et ce, même en l'absence de souscription de police d'abonnement ; en particulier, l'article 12 du contrat, qui contient une définition contractuelle de la notion d'usager et qui ne fait pas la distinction entre " usagers/abonnés " et " usagers/non abonnés ", doit être interprété, compte tenu de la commune intention des parties, comme mettant à la charge du concessionnaire une obligation générale de fourniture en chauffage et eau chaude sanitaire à destination de l'ensemble des usagers et ce, conformément au principe d'égalité des usagers devant le service public ; en outre, l'article 40 du contrat, qui traite de la situation nécessairement temporaire dans laquelle peuvent se trouver des usagers entre la fin d'une police d'abonnement et la conclusion d'une nouvelle police, quelle que soit la cause de la fin de la précédente police, prévoit que le concessionnaire demeure, en tout état de cause, tenu de fournir du chauffage et de l'eau chaude aux usagers ; cet article s'appliquait ainsi en l'espèce où l'ancienne police d'abonnement de la Société coopérative immobilière pour le chauffage urbain (SCICU), qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, a été remplacée par quatre nouvelles polices souscrites par les anciens membres de la SCICU ; en application de cet article, la Société Dhuysienne de Chaleur était donc tenue, entre le

30 juillet 2009 et le 18 octobre 2010, d'assurer la fourniture en chauffage et en eau chaude sanitaire des copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu ; en méconnaissant ainsi ses obligations contractuelles, elle a commis une faute justifiant la mise en demeure du

16 octobre 2009 du maire de la commune l'enjoignant de poursuivre l'alimentation en chauffage et en eau chaude sanitaire des copropriétés concernées ;

- en méconnaissance de l'article 1er du règlement de service, qui a été modifié à la demande de la Société Dhuysienne de Chaleur, cette dernière n'a jamais proposé à la commune un cadre juridique permettant de trouver une solution à la situation dans laquelle se sont trouvées les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu à la suite de la liquidation de la SCICU ; la proposition consistant à ce que le maire saisisse le préfet pour qu'il fasse usage de ses pouvoirs de réquisition ne saurait correspondre aux exigences de ce règlement ; en outre, s'agissant de la solution proposée par la commune, consistant pour l'administrateur judiciaire de la résidence du Chêne Pointu et des bâtiments 11, 12 et 18 de la résidence de l'Etoile du Chêne Pointu d'assurer, à titre transitoire et pour le compte du concessionnaire, la gestion des appels de charges concernant le chauffage et l'eau chaude sanitaire en attendant la modification des règlements de copropriété, la condition à laquelle la Société Dhuysienne de Chaleur a subordonné sa mise en oeuvre, à savoir une garantie des impayés par la commune, revêtait un caractère illégal, le risque d'exploitation incombant, dans le cadre d'une concession de service public, au délégataire ; en particulier, un avenant au contrat de concession, engageant la commune à prendre en charge les impayés, aurait été, en procédant à une modification d'un élément essentiel du contrat, à savoir le risque d'exploitation, illégal ; par ailleurs, si la société avait rencontré des difficultés pour obtenir la souscription d'une police d'abonnement auprès de propriétaires récalcitrants, elle disposait d'une voie de droit auprès des tribunaux judiciaires, celle de la responsabilité pour enrichissement sans cause ; la Société Dhuysienne de Chaleur a ainsi eu un comportement fautif ;

- la Société Dhuysienne de Chaleur a également manqué à ses obligations contractuelles, au regard de l'article 12 du contrat de concession, en ne concluant pas de polices d'abonnement individuelles avec chacun des copropriétaires des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, qui en avaient exprimé le souhait ; de plus, la conclusion de telles polices d'abonnement individuelles n'aurait pas eu pour effet de conférer à la société l'exploitation du réseau secondaire et rien ne s'opposait à l'installation, par la société et dans chaque logement concerné, d'une sous-station et d'un compteur individuel ; par ailleurs, c'est abusivement que la société a refusé de signer la convention de délégation de gestion avec le cabinet de gestion Gexio, afin de lui confier les appels de charges auprès des copropriétaires des résidences concernées, alors qu'elle était en mesure de fournir la liste à jour des copropriétaires ainsi que la clé de répartition des charges entre copropriétaires, qu'à défaut de ces informations, les appels de fonds auraient été effectués sur la base des fichiers en possession de l'administrateur judiciaire et que le délégataire n'est jamais assuré de recouvrer les redevances afférentes à ses prestations ;

- en cessant d'alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, la Société Dhuysienne de Chaleur a en conséquence commis une faute grave justifiant, en application de l'article 78 du contrat de concession, la mise en demeure qui lui a été adressée le 16 octobre 2009, afin d'assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public, alors que les copropriétaires concernés sont des usagers du service public, que la société disposait de solutions pour recouvrer auprès d'eux les charges de chauffage et d'eau chaude sanitaire et qu'elle connaissait la situation de la SCICU, mais a tenté d'éviter de poursuivre une activité déficitaire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement le 8 septembre 2014 et le 31 mars 2015, la Société Dhuysienne de Chaleur, représentée par la Selarl Cabanes, Neveu et associés, avocats, conclut :

1° au rejet de la requête ;

2° à la mise à la charge de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS du versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS, et de MeA..., pour la Société Dhuysienne de Chaleur.

1. Considérant que, par un contrat du 14 février 1997, la COMMUNE DE

CLICHY-SOUS-BOIS a concédé à la Société Dhuysienne de Chaleur son réseau public de distribution de chauffage urbain et d'eau chaude sanitaire ; que la Société coopérative immobilière pour le chauffage urbain (SCICU) a souscrit, auprès de la Société Dhuysienne de Chaleur, une police d'abonnement afin d'alimenter en chauffage et eau chaude sanitaire plusieurs copropriétés situées sur le territoire de la commune, dont celles du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, chacun des copropriétaires concernés étant sociétaire de la SCICU et cette dernière ayant pour objet d'appeler et de recouvrer les charges de chauffage et d'eau chaude sanitaire auprès des différents copropriétaires ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la SCICU, prononcée par un jugement du 30 avril 2009 du Tribunal de grande instance de Bobigny, la Société Dhuysienne de Chaleur a procédé à la signature de nouvelles polices d'abonnement avec les copropriétés concernées, à l'exception toutefois de celles du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, dont les règlements ne conféraient pas aux syndicats de copropriétaires une compétence en matière de gestion du service collectif du chauffage et de l'eau chaude, compétence déléguée à la SCICU ; que la Société Dhuysienne de Chaleur ayant fait part à la commune de son intention de ne plus fournir ses prestations aux résidents de ces deux copropriétés en l'absence de polices d'abonnement, le maire de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS l'a mise en demeure, par un courrier du 16 octobre 2009, de poursuivre la fourniture de ses prestations aux résidents de ces deux copropriétés, malgré l'absence de souscription de nouvelles polices d'abonnement, sous peine de mise en régie en application de l'article 78 du contrat de concession ; que la Société Dhuysienne de Chaleur a déféré à cette mise en demeure ; qu'à la suite des jugements du 5 octobre 2010 par lesquels le Tribunal de grande instance de Bobigny a modifié les règlements de copropriété des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu afin qu'ils prévoient, notamment, que le chauffage central est assuré par le syndicat des copropriétaires, qui souscrit une police d'abonnement auprès du concessionnaire du service public, l'administrateur provisoire a signé, pour le compte des syndicats des copropriétaires des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, deux polices d'abonnement entrées en vigueur le 17 octobre 2010 ; qu'estimant que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS avait fait un usage irrégulier de ses pouvoirs de coercition à son endroit, la Société Dhuysienne de Chaleur a recherché la responsabilité pour faute contractuelle de la commune pour l'avoir obligée, par la mise en demeure du

16 octobre 2009, à poursuivre, pour la période du 17 octobre 2009 au 15 octobre 2010, la fourniture en chauffage et eau chaude sanitaire de ces deux résidences, prestations pour lesquelles elle n'a perçu aucune redevance faute de contrats d'abonnement conclus avec leurs bénéficiaires ; que, par un jugement du 17 septembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déclaré la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS responsable du préjudice subi par la Société Dhuysienne de Chaleur au titre des prestations fournies aux résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu pour la période courant d'octobre 2009 à octobre 2010, d'autre part, avant de statuer sur la demande indemnitaire de la société, décidé de procéder à une expertise en vue de l'évaluation de ce préjudice ; que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS soutient, en premier lieu, qu'en refusant initialement d'alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire les résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, alors qu'elle était tenue, en vertu du contrat de concession, en particulier ses articles 12 et 40, d'assurer la fourniture de ses prestations à destination de l'ensemble des usagers du service public même en l'absence de polices d'abonnement, la Société Dhuysienne de Chaleur a commis une faute grave justifiant, en application de l'article 78 du contrat de concession, la mise en demeure qui lui a été adressée le 16 octobre 2009 et qu'ainsi, elle n'a pas fait un usage irrégulier de son pouvoir de coercition à l'égard de son concessionnaire ; qu'elle soutient, en second lieu, que la Société Dhuysienne de Chaleur a eu un comportement fautif en ne lui proposant pas, en méconnaissance des exigences de l'article 1er du règlement de service pourtant modifié à sa demande le 20 octobre 2009, un " cadre juridique " permettant de trouver une solution à la situation dans laquelle se sont trouvées les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu à la suite de la liquidation de la SCICU et, par ailleurs, en déclinant les différentes solutions qu'elle lui a suggérées afin de lui permettre de gérer les appels de charges concernant le chauffage et l'eau chaude sanitaire auprès des copropriétaires concernés ;

Sur la faute de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS à avoir fait usage de son pouvoir de coercition, sous peine de sanction, prévu à l'article 78 du contrat de concession :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 78 du contrat de concession du

14 février 1997 : " Sanction coercitive : la mise en régie provisoire. / En cas de faute grave du concessionnaire, notamment (...) si le service n'est exécuté que partiellement, le concédant prendra toutes les mesures nécessaires, aux frais et risques du concessionnaire. / Cette mise en régie provisoire sera précédée d'une mise en demeure, sauf circonstances exceptionnelles (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 12 de ce contrat :

" Le concessionnaire développe le réseau en application des dispositions prévues à l'article 23 ci-après pour les travaux neufs. Les usagers se raccordent au réseau ainsi établi ou existant en application des articles 40 et 41 ci-après, relatifs à l'obligation de fourniture et aux nouveaux raccordements. / En outre, le concessionnaire est tenu de réaliser sur demande de la collectivité ou des propriétaires intéressés, toutes extensions particulières du réseau de canalisation et tous renforcements des installations qui en sont la conséquence si le concédant ou les intéressés fournissent au concessionnaire des garanties de souscription de puissance et participent aux frais de premier établissement (...) " ; qu'aux termes de l'article 40 du même contrat :

" Le concessionnaire est tenu de fournir, aux conditions du présent contrat et dans le respect des conditions techniques des anciennes polices d'abonnement et ensuite de celles qui s'y substitueront, la chaleur nécessaire aux bâtiments dans la limite des puissances souscrites par les abonnés pour le chauffage et/ou la production de l'eau chaude sanitaire (...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte clairement des stipulations du contrat de concession et des dispositions du règlement du service concédé que la Société Dhuysienne de Chaleur est tenue, en vertu de ses obligations contractuelles, d'assurer la distribution de chauffage et d'eau chaude sanitaire aux personnes physiques ou morales ayant contracté auprès d'elle une police ou contrat d'abonnement, chaque police ayant pour objet, notamment, de définir les prestations fournies par le concessionnaire, la puissance souscrite par l'abonné, les conditions thermiques de livraison de la chaleur par le réseau primaire géré par le concessionnaire au réseau secondaire de l'abonné, l'inventaire des équipements et propriétés du concessionnaire et de l'abonné ainsi que les moyens servant au transfert et au comptage de l'énergie délivrée, moyennant la perception d'une redevance, conformément à un tarif, sur chaque personne abonnée ; qu'en revanche, contrairement à ce que soutient la commune, ni les stipulations précitées de l'article 12 du contrat de concession ou celles de l'article 40, ni aucune autre stipulation de ce contrat n'imposent au concessionnaire une obligation de fourniture des prestations en cause à toute personne, qui serait raccordée au réseau, mais qui n'aurait pas souscrit ou qui ne bénéficierait plus d'une police d'abonnement ; qu'en particulier, les stipulations de l'article 12, qui porte sur les conditions du développement du réseau, n'imposent pas une telle obligation " générale " de fourniture, comme le prétend la commune, à destination " de l'ensemble des usagers du service public ", y compris ceux qui n'auraient pas la qualité d'abonné au sens et pour l'application du contrat de concession, faute d'avoir souscrit une telle police ou n'étant plus liés contractuellement, quelle qu'en soit la cause, avec la

Société Dhuysienne de Chaleur ; qu'il en est de même de l'article 40, qui rappelle que la fourniture des prestations par le concessionnaire s'effectue dans les conditions du contrat de concession et dans le respect des conditions techniques des polices d'abonnement souscrites, mais qui n'a pas vocation à régler la situation particulière dans laquelle se sont trouvées, lors de la saison de chauffe 2009-2010, les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu à la suite de la liquidation de la SCICU le 30 avril 2009, la police d'abonnement souscrite par cette société ayant été résiliée du fait de cette liquidation et les syndicats de copropriétaires n'étant pas compétents, avant la modification des règlements de copropriété qui n'est intervenue qu'au mois d'octobre 2010, pour souscrire eux-mêmes une police d'abonnement auprès du concessionnaire ; que, par suite, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS n'est pas fondée à soutenir qu'en vertu de ses obligations contractuelles, la Société Dhuysienne de Chaleur aurait été tenue, même en l'absence de polices d'abonnement, d'assurer la fourniture de ses prestations à destination de l'ensemble des usagers du service public, y compris, par suite, à destination des copropriétaires des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu pour la période courant d'octobre 2009 à octobre 2010 au cours de laquelle ils n'étaient titulaires d'aucune police d'abonnement ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne saurait être davantage sérieusement soutenu que la Société Dhuysienne de Chaleur aurait manqué à ses obligations contractuelles en ne cherchant pas à conclure des polices d'abonnement individuelles avec chacun des copropriétaires des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, qui en auraient exprimé le souhait ; qu'à cet égard, aucune stipulation du contrat de concession ni aucune disposition du règlement du service concédé n'obligeaient le concessionnaire à solliciter chaque copropriétaire des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu aux fins de souscrire une police d'abonnement et, par suite, de régulariser sa situation ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement allégué que tout ou partie des copropriétaires concernés auraient demandé expressément à la Société Dhuysienne de Chaleur à bénéficier d'un contrat d'abonnement individuel, ni a fortiori que ladite société aurait refusé la conclusion de tels abonnements ; qu'au demeurant, la mise en oeuvre d'une telle solution aurait notamment soulevé des difficultés pratiques et techniques incontestables tenant, en particulier, au nombre des copropriétaires et à la configuration des bâtiments et des installations propres à la distribution du chauffage et de l'eau chaude sanitaire ;

7. Considérant qu'il suit de là que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant, dans un premier temps, d'alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire, en l'absence de toute police d'abonnement, les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, la Société Dhuysienne de Chaleur aurait manqué à ses obligations contractuelles et commis ainsi une faute grave de nature à justifier la mise en demeure qui lui a été faite le 16 octobre 2009 sur le fondement de l'article 78 précité du contrat de concession de poursuivre cette fourniture ;

8. Considérant, enfin, que si la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS invoque le principe de continuité du service public et celui de l'égalité des usagers devant le service public, il résulte de ce qui précède qu'elle n'a pas fait usage en l'espèce du pouvoir de modification unilatérale dont la personne publique dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs et qui lui permet, pour un motif d'intérêt général, d'apporter unilatéralement des modifications à la consistance des services et à leurs modalités d'exploitation, le cocontractant, tenu de respecter ses obligations contractuelles ainsi modifiées, ayant droit, dans ce cas, à l'indemnisation du préjudice qui est résulté pour lui de ces modifications ; que, faisant usage du pouvoir de " sanction coercitive " prévu à l'article 78 du traité de concession, elle a refusé le principe de toute indemnisation à la Société Dhuysienne de Chaleur à raison de l'injonction qui lui a été faite d'assurer, malgré l'absence de polices d'abonnement et, par suite, de paiement des redevances afférentes à ses prestations, la fourniture de ses prestations aux habitants des copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS ne peut utilement invoquer les principes de continuité du service public et d'égalité des usagers devant le service public pour justifier l'obligation qu'elle a imposée à son concessionnaire, certes pour un motif d'intérêt général, mais en lui refusant tout droit à indemnité, d'assurer ou de poursuivre cette fourniture au cours de la période concernée ;

Sur l'existence d'un comportement fautif de la Société Dhuysienne de Chaleur postérieurement à la mise en demeure :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du contrat de concession : " Un règlement du service concédé intervient pour l'application aux usagers des stipulations du présent contrat. / Le règlement du service comprend notamment le régime des abonnements, les dispositions techniques relatives aux conditions de livraison de l'énergie calorifique et aux compteurs, les conditions de paiement et toutes autres dispositions qui n'auraient pas été réglées par le contrat. / Le règlement de service sera arrêté d'un commun accord entre le concessionnaire et le concédant, après délibération de ce dernier, annexé au présent contrat dans un délai de six mois à compter de sa date d'entrée en vigueur et remis à chaque abonné (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du règlement de service, modifié par une délibération du conseil municipal de la commune en date du 20 octobre 2009, soit, au demeurant, postérieurement à la mise en demeure du 16 octobre 2009 : " Le présent règlement a pour objet de définir les rapports entre les abonnés et le concessionnaire. / (...) Lorsqu'une situation exceptionnelle se produit (par exemple la liquidation judiciaire d'un abonné) qui empêche la poursuite d'une police d'abonnement ou soumet la conclusion d'une nouvelle police d'abonnement à l'accomplissement de formalités ou de procédures indépendantes de la volonté du concessionnaire et de nature à retarder sa conclusion, celui-ci porte immédiatement cette situation à la connaissance du concédant. / Le concessionnaire soumet alors à l'autorisation du concédant le cadre juridique qui lui permettra d'assurer provisoirement la fourniture de chaleur aux usagers concernés et notamment de facturer et recouvrer ses prestations jusqu'à la signature d'une nouvelle police d'abonnement avec ces derniers. " ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que la Société Dhuysienne de Chaleur aurait eu un comportement fautif en n'ayant jamais proposé à la commune, en application des dispositions précitées de l'article 1er du règlement du service qui a d'ailleurs été modifié à la demande même de la société, un " cadre juridique " qui lui aurait permis d'assurer provisoirement, en l'absence de polices d'abonnement et de modification des règlements de propriété, la fourniture de chaleur aux résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu et de percevoir les redevances y afférentes ; qu'en effet, il résulte de l'instruction, notamment des courriers du concessionnaire en date des 6 octobre 2009,

16 octobre 2009 et 18 février 2010 adressés au maire de la commune, que des échanges substantiels et prolongés ont eu lieu entre la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS et la Société Dhuysienne de Chaleur afin de parvenir à une solution permettant au concessionnaire, mis en demeure dès le 16 octobre 2009 de poursuivre la fourniture de ses prestations à destination de ces deux résidences, de percevoir les redevances correspondantes selon des modalités pratiques et juridiques conformes à la législation en vigueur et aux obligations contractuelles des parties ; qu'en particulier, dès le 6 octobre 2009, le concessionnaire a souscrit à la solution proposée par la commune et consistant à confier à l'administrateur provisoire de la résidence du Chêne Pointu et des bâtiments 11, 12 et 18 de la résidence de l'Etoile du Chêne Pointu, le soin d'assurer, pour le compte du concessionnaire, la gestion des appels de charges concernant le chauffage et l'eau chaude sanitaire, sous réserve de certaines conditions et, notamment, celle tenant à une modification du contrat de concession, d'ailleurs envisagée par la commune elle-même comme le démontre la délibération du conseil municipal en date du

20 octobre 2009, et du règlement de service aux fins d'y prévoir expressément la possibilité de percevoir des redevances en l'absence de police d'abonnement, et celle tenant à un engagement de la commune, compte tenu du caractère exceptionnel et dérogatoire de la solution envisagée, de l'indemniser du préjudice pouvant résulter de la mise en oeuvre de ce dispositif, notamment en cas de difficultés de recouvrement des redevances auprès des usagers ; qu'au demeurant, cette solution n'a finalement pas été agréée par l'administrateur judiciaire, compte tenu notamment des limites conférées à sa mission par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ainsi que des dispositions des règlements de copropriété alors applicables ; qu'en outre, la commune, qui a refusé de donner suite aux propositions ainsi formulées par son concessionnaire, ne démontre pas qu'un " cadre juridique " approprié autre que celui ainsi proposé aurait pu être envisagé ; que, par ailleurs, elle n'est pas fondée à soutenir que la demande de la Société Dhuysienne de Chaleur tendant à bénéficier d'un droit à indemnité dès lors qu'elle acceptait d'aller au-delà des termes de ses obligations découlant du contrat de concession, aurait été, dans ces conditions, injustifiée, en particulier au regard des dispositions de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales en vertu duquel, s'il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics à caractère industriel ou commercial, le conseil municipal peut toutefois décider une telle prise en charge lorsque " les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement " ; qu'enfin, les dispositions précitées de l'article 1er du règlement de service ne sauraient, en l'absence d'un accord sur un " cadre juridique " approprié entre la commune et le concessionnaire, obliger ce dernier à assurer la fourniture en chauffage et en eau chaude sanitaire de personnes n'ayant pas souscrit de polices d'abonnement ; que, par suite, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la Société Dhuysienne de Chaleur aurait méconnu ces dispositions ;

11. Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la Société Dhuysienne de Chaleur aurait également eu un comportement fautif en refusant de signer le projet de convention de délégation de gestion envisagée par la commune, convention par laquelle le concessionnaire aurait délégué au cabinet de gestion Gexio, syndic assistant de l'administrateur provisoire des copropriétés concernées, la gestion des appels de charges concernant le chauffage et l'eau chaude, auprès des usagers finaux, du syndicat des copropriétaires de la résidence du Chêne Pointu et de trois syndicats secondaires de la résidence de l'Etoile du Chêne Pointu ; qu'en effet et comme le relèvent d'ailleurs les termes de ce projet de convention, une telle solution aurait notamment soulevé des difficultés juridiques en matière d'appel et de recouvrement des créances en question, ni le concessionnaire, en l'absence en particulier de toute police d'abonnement, ni d'ailleurs, compte tenu des dispositions des règlements de copropriété alors applicables, l'administrateur judiciaire ou son syndic assistant ou encore les syndicats de copropriétaires concernés ne bénéficiant d'un titre juridique incontestable aux fins de procéder à de tels appels de charges ; qu'au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté que la situation des copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu à la suite de la liquidation de la SCICU impliquait la modification, soit par les assemblées générales des copropriétaires, soit par décision de justice, des règlements de copropriété afin de permettre aux syndicats des copropriétaires ou à l'administrateur provisoire de souscrire de nouvelles polices d'abonnement, solution pérenne et juridiquement valide qui ne s'est concrétisée, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'au mois d'octobre 2010, les délais de mise en oeuvre de cette solution ne pouvant être imputés à la Société Dhuysienne de Chaleur ;

12. Considérant qu'il suit de là que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la Société Dhuysienne de Chaleur, qui, à la suite de la mise en demeure du 16 octobre 2009, a effectivement assuré la fourniture de ses prestations aux résidents des copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu, aurait eu, en ne proposant pas, en application de l'article 1er du règlement de service, un " cadre juridique " adapté ou en déclinant les solutions qu'elle lui avait suggérées, un comportement revêtant un caractère fautif de nature à l'exonérer pour partie de la responsabilité encourue par elle à raison du préjudice résultant pour le concessionnaire de la mise en demeure du 16 octobre 2009 ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en obligeant la Société Dhuysienne de Chaleur à fournir, au profit des résidences du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu pour la période courant d'octobre 2009 à octobre 2010, des prestations pour lesquelles elle n'a perçu aucune redevance faute de contrats d'abonnement souscrits avec leurs bénéficiaires, la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de son concessionnaire ; que par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'a déclarée responsable du préjudice subi par la Société Dhuysienne de Chaleur, d'autre part, avant de statuer sur la demande indemnitaire de la société, a décidé de procéder à une expertise en vue de l'évaluation du préjudice subi ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Société Dhuysienne de Chaleur, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS une somme de 2 000 euros à verser à la Société Dhuysienne de Chaleur sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS versera à la Société Dhuysienne

de Chaleur une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la Société Dhuysienne de Chaleur tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CLICHY-SOUS-BOIS et à la Société Dhuysienne de Chaleur.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, président de chambre,

M. Le Gars, président assesseur,

M. d'Haëm, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2016.

Le rapporteur,

R. d'HAËMLe président,

C. SIGNERIN-ICRELe greffier,

C. YARDE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 13VE03427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03427
Date de la décision : 18/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités. Droit à indemnité des concessionnaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SCP SARTORIO - LONQUEUE - SAGALOVITSCH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-02-18;13ve03427 ?
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