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24/03/2016 | FRANCE | N°13VE02352

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 mars 2016, 13VE02352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Léon Grosse a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le SYNDICAT INTERDEPARTEMENTAL POUR L'ASSAINISSEMENT DE L'AGGLOMERATION PARISIENNE (SIAAP) à lui verser une somme de 270 421 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2011 et de leur capitalisation, en paiement des travaux de renforcement du pont aqueduc de Colombes par butonnage et en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt des travaux de réhabilitation de la cité de l'eau et

de l'assainissement.

Par un jugement n° 1203748 du 7 mai 2013, le Tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Léon Grosse a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le SYNDICAT INTERDEPARTEMENTAL POUR L'ASSAINISSEMENT DE L'AGGLOMERATION PARISIENNE (SIAAP) à lui verser une somme de 270 421 euros HT, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2011 et de leur capitalisation, en paiement des travaux de renforcement du pont aqueduc de Colombes par butonnage et en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt des travaux de réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement.

Par un jugement n° 1203748 du 7 mai 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le SIAAP à verser à la société Léon Grosse une somme de 172 921 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2011 et de la capitalisation à compter du

4 juillet 2012, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet 2013 et

31 août 2015, le SIAAP, représenté par Me Patrimonio, avocat, demande à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Léon Grosse devant le tribunal administratif ;

2° à titre subsidiaire, de réformer le jugement et de limiter l'indemnisation à 25 % du montant demandé ;

3° de mettre à la charge de la société Léon Grosse la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de la société Léon Grosse était irrecevable dès lors qu'elle n'a pas transmis de mémoire en réclamation dans le délai de 45 jours prévu par l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux à compter du courrier qu'il a adressé le 8 novembre 2005 au maître d'oeuvre ;

- le délai prévu par l'article 50-32 du CCAG de travaux était dépassé lorsque la société Léon Grosse a saisi le tribunal administratif ; par ailleurs, il appartenait à la société Léon Grosse de lui adresser un mémoire complémentaire développant son refus d'accepter le décompte général dans le délai de trois mois conformément à l'article 50-21 du CCAG de travaux ;

- le mémoire en réclamation du 20 mai 2011 ne comporte pas l'énoncé d'un différend et n'expose pas de façon détaillée et précise les chefs de contestation en se bornant à renvoyer à un courrier adressé six ans plus tôt qui manque par ailleurs de précision ;

- la demande de la société Léon Grosse n'est pas fondée ; le préjudice allégué ne peut être indemnisé en application de la théorie des sujétions imprévues, que le tribunal administratif n'a d'ailleurs pas retenue ; la société Léon Grosse ne démontre pas que les travaux de confortement du pont aqueduc étaient indispensables ; en outre, la cause ne peut être considérée comme extérieure à la société dès lors qu'elle a pris une part prépondérante dans l'apparition des désordres ; enfin, ces frais ont déjà été réglés à l'occasion du second marché conclu avec la société ;

- l'autorité de la chose jugée s'oppose au paiement des sommes demandées pour une part supérieure aux 25 % retenus par le Tribunal administratif de Versailles dans son jugement du 3 avril 2009, confirmé par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du

3 février 2011 ; en conséquence, il ne peut être tenu au paiement de sommes supérieures à 26 980,25 euros au titre des travaux et de 65 000 euros au titre des frais d'arrêt de chantier ;

- la société Léon Grosse ayant demandé le paiement de la somme de 130 000 euros au titre des frais liés à l'arrêt du chantier, le tribunal administratif ne pouvait augmenter cette somme à 260 000 euros ; en outre, si l'expert a retenu une somme de 187 896 euros, dont 130 000 euros au titre de l'arrêt de chantier, il appartient à la société de justifier de la réalité des frais qu'elle a exposés, ce qu'elle ne fait pas par les pièces qu'elle produit.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant Me Patrimonio pour le SIAAP et celles de MeC..., substituant MeB..., pour la société Léon Grosse.

1. Considérant que le SYNDICAT INTERDEPARTEMENTAL POUR L'ASSAINISSEMENT DE L'AGGLOMERATION PARISIENNE (SIAAP) a conclu, le

9 août 2002, avec la société Léon Grosse un marché de travaux ayant pour objet la réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement à Colombes ; qu'à la suite de travaux de construction d'un parking souterrain inclus dans les travaux de réhabilitation de bâtiments industriels sur le terrain de l'usine de traitement des eaux de Colombes, une fissure transversale est apparue sur la chaussée du pont aqueduc attenant au terrain d'assiette de ladite cité, le 13 décembre 2002 ; que la société Léon Grosse a exécuté, en urgence, des travaux de confortement de ce pont aqueduc par la pose de butons puis, ayant conclu un nouveau marché en 2003 avec le SIAAP, des travaux de confortement définitif du pont par la pose de tirants ; que le SIAAP a, en sa qualité de maître de l'ouvrage, recherché la responsabilité contractuelle des intervenants aux travaux, dont la société Léon Grosse, pour obtenir réparation des frais engagés par lui à la suite des dommages occasionnés à la rampe d'accès au pont aqueduc de la ville de Colombes ; que, par un jugement du 3 avril 2009, confirmé par un arrêt de la Cour de céans du 3 février 2011, le Tribunal administratif de Versailles a, notamment, condamné conjointement et solidairement la société Léon Grosse et deux autres sociétés à verser au SIAAP la somme de 43 422 euros avec intérêts, au titre des travaux de réfection de la rampe d'accès du pont ; que, par une demande enregistrée le 26 avril 2012, la société Léon Grosse a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le SIAAP à lui verser la somme de 270 421 euros HT, avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts, en paiement des travaux de renforcement du pont aqueduc de Colombes par butonnage et en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt des travaux de réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement ; que, par un jugement du 7 mai 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné le SIAAP à verser à la

société Léon Grosse la somme de 172 921 euros, avec intérêts au taux légal à compter du

4 juillet 2011 et capitalisation à compter du 4 juillet 2012, et a rejeté le surplus de la demande de la société ; que, par la requête susvisée, le SIAAP demande à la Cour, à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la société Léon Grosse et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnité allouée à la société à 25 % des préjudices allégués ; que, par la voie de l'appel incident, la société Léon Grosse demande que la somme arrêtée par le tribunal administratif au titre des travaux de renforcement du pont aqueduc et des frais d'arrêt du chantier liés à ces travaux soit portée de 107 921 euros HT à 237 921 euros HT, sans préjudice de la somme de 32 500 euros HT allouée au titre du préjudice subi du fait de l'arrêt de chantier résultant du sinistre ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le SIAAP :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est (...) de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...). " ; et qu'aux termes de l'article 13-45 du même CCAG : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de (...) quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. " ;

3. Considérant que le SIAAP se prévaut des circonstances que la société représentant le maître d'oeuvre lui a transmis, par courrier du 10 octobre 2005, le décompte final et qu'il a répondu au maître d'oeuvre, le 8 novembre 2005, en mentionnant les réserves à apporter au projet de décompte final, et soutient que, par suite, la demande de la société Léon Grosse était irrecevable faute pour elle d'avoir transmis un mémoire en réclamation dans le délai de 45 jours prévu par l'article 13-44 précité du CCAG à compter du courrier qu'il a adressé le

8 novembre 2005 au maître d'oeuvre ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la suite de ces courriers, aucun décompte général, signé par la personne responsable du marché, n'a été transmis par ordre de service à la société Léon Grosse ; que la circonstance que la société

Léon Grosse aurait eu connaissance de la teneur des deux courriers des 10 octobre 2005 et

8 novembre 2005 n'est pas de nature à faire regarder ces courriers comme constituant le décompte général prévu par l'article 13-42 du CCAG, le dernier courrier mentionnant d'ailleurs que le décompte général devra être transmis par le maître d'oeuvre conformément à sa mission ; qu'ainsi, en l'absence de notification régulière d'un décompte général, la société Léon Grosse n'était pas en mesure de transmettre un mémoire en réclamation dans le délai de 45 jours prévu par les articles 13-44 et 13-45 susmentionnés ; que cette fin de non-recevoir doit ainsi être écartée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 50-21 du CCAG applicable aux marchés de travaux : " Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. " ; et qu'aux termes de l'article 50-22 : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage " ;

5. Considérant, d'une part, qu'un litige relatif au décompte général doit être regardé comme un différend opposant la personne responsable du marché à l'entrepreneur ; d'autre part, que si le paragraphe 50-22 précité du CCAG fait obligation à l'entrepreneur, en cas de litige avec la personne responsable du marché, de lui adresser un mémoire de réclamation, l'entrepreneur, confronté à l'absence de notification d'un décompte général par le maître de l'ouvrage, s'acquitte de cette obligation en mettant ce dernier en demeure d'en établir un ; que cette mise en demeure doit être regardée comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 50.22 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de notification d'un décompte général par le maître de l'ouvrage, la société Léon Grosse a, par courrier du 20 mai 2011, mis en demeure le SIAAP d'établir le décompte général ; que cette mise en demeure doit donc être regardée comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 50-22 susmentionné ; que ce mémoire en réclamation, qui ne peut avoir pour objet de formuler des réserves ou de refuser de signer un décompte général notifié par le maître d'oeuvre, ne saurait dès lors comporter l'énoncé d'un différend ou exposer de façon précise des chefs de contestation au sens d'un mémoire en réclamation formé sur le fondement des articles 13-44 et 13-45 du CCAG ; que, par ailleurs, le SIAAP ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la société Léon Grosse n'a pas adressé de mémoire complémentaire comme le prévoit l'article 50-21 du CCAG dès lors que cet article est applicable au règlement des différends survenant entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur et non aux litiges survenant directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur ; que, par suite, les fins de non-recevoir tirées d'une insuffisance du mémoire en réclamation adressé par la société Léon Grosse le 20 mai 2011 et d'une méconnaissance de l'article 50-21 du CCAG applicable aux marchés de travaux ne peuvent qu'être écartées ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 50-31 du CCAG applicable aux marchés de travaux : " Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché " et qu'aux termes de l'article 50-32 : " Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. " ;

7. Considérant que le SIAAP ayant implicitement rejeté, à l'issue d'un délai de trois mois prévu par l'article 50-31 précité, la réclamation adressée par la société Léon Grosse par courrier du 20 mai 2011, cette société pouvait saisir sans condition de délai le tribunal administratif compétent, le délai de six mois prévu par l'article 50-32 susmentionné n'étant prévu qu'en cas de notification d'une décision expresse ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée d'une saisine tardive du tribunal administratif ne peut qu'être écartée ;

Sur le paiement des travaux supplémentaires :

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, auxquelles ne déroge pas le cahier des clauses administratives particulières applicable au marché en cause, qui prévoient l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service du maître d'ouvrage, pour des montants, dans le cas des marchés à prix forfaitaire, excédant le vingtième de la masse initiale, ne font pas obstacle à l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, si ceux-ci ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, quel qu'en soit le montant ; qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport de l'expert judiciaire que le pont aqueduc attenant au terrain d'assiette de la cité de l'eau et de l'assainissement de Colombes n'était pas destiné à l'origine à supporter les charges du trafic actuel et que les travaux de renforcement en litige, et notamment le remplissage en partie haute des voûtes par du béton, étaient indispensables à la sauvegarde de cet ouvrage et, par suite, à l'opération de réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement ; qu'au demeurant, l'expert a relevé qu'ils avaient été exécutés à la demande du maître d'oeuvre ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le SIAAP, la société Léon Grosse était fondée à lui demander le paiement de ces travaux supplémentaires ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement du 3 avril 2009 du Tribunal administratif de Versailles, visé au point 1, que le tribunal, d'une part, a jugé que les travaux supplémentaires correspondant au confortement du pont aqueduc auraient dû être engagés par le SIAAP en sa qualité d'affectataire de l'ouvrage indépendamment des fautes commises par les constructeurs lors des travaux de réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement, de sorte que le coût de ces travaux n'entrait pas dans les conséquences dommageables desdites fautes, d'autre part, n'a retenu la responsabilité du maître de l'ouvrage, à hauteur de 25 %, que s'agissant des conséquences des désordres ayant affecté le pont aqueduc du fait des travaux de réhabilitation de la cité ; que, par suite, le SIAAP n'est pas fondé à soutenir que l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement ferait obstacle à ce qu'il soit condamné à payer à la société Léon Grosse, dont la responsabilité n'est pas engagée à ce titre, plus de 25 % du coût des travaux supplémentaires en cause dans le présent litige ;

10. Considérant, enfin, que le montant de ces travaux a été évalué par l'expert judiciaire, sur la base du devis établi par la société Léon Grosse le 7 mai 2003, à la somme de 108 000 euros laquelle n'a pas été contestée par les parties lors de l'expertise et n'est pas pertinemment contestée par le SIAAP ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que cette somme aurait déjà fait l'objet d'un paiement ; qu'il suit de là que le SIAAP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à verser à la société Léon Grosse la somme de 107 921 euros en paiement des travaux réalisés par cette société ;

Sur les frais résultant de l'arrêt des travaux de réhabilitation :

11. Considérant, en premier lieu, que le SIAAP soutient que la société Léon Grosse aurait demandé en première instance le paiement des sommes de 107 921 euros au titre des travaux de renforcement du pont aqueduc par butonnage et de 130 000 euros au titre des frais d'arrêt du chantier et que le tribunal administratif aurait majoré cette dernière somme à

260 000 euros ; que, toutefois, il ressort de la demande de première instance que la société

Léon Grosse a chiffré ses conclusions à la somme totale de 270 421 euros, soit 107 921 euros au titre des travaux supplémentaires, 130 000 euros au titre des frais de l'arrêt de chantier résultant de ces travaux et 32 500 euros au titre des frais de l'arrêt de chantier résultant des désordres survenus sur le pont aqueduc, soit 25 % de ces frais évalués à 130 000 euros ; que le tribunal administratif, qui a alloué à la société Léon Grosse la somme totale de 172 921 euros, dont 107 921 euros au titre des travaux et 65 000 euros au titre des frais d'arrêt de chantier, a donc statué dans la limite de la somme demandée, outre qu'il ne s'est pas mépris sur les demandes qui lui étaient soumises ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert judiciaire et d'un devis dressé par la société Léon Grosse le 5 juin 2003, dont l'expert indique également qu'il n'a pas fait l'objet d'observations de la part des parties, que les frais liés à l'interruption du chantier se sont élevés, s'agissant de la société Léon Grosse, à la somme de 260 000 euros ; que le SIAAP ne conteste pas sérieusement l'évaluation détaillée proposée par la société Léon Grosse et retenue par l'expert judiciaire ;

13. Considérant, en troisième lieu, que la société Léon Grosse soutient que c'est à tort que le tribunal administratif ne lui a alloué que 65 000 euros, soit 25 % de 260 000 euros, au titre des frais résultant de l'arrêt des travaux de réhabilitation de la cité de l'eau et de l'assainissement dès lors que cet arrêt serait, pour moitié, dû aux travaux de renforcement réalisés sur le pont aqueduc, à raison desquels sa responsabilité n'est pas engagée ; que, toutefois, elle n'établit aucunement qu'en l'absence de fautes commises par les constructeurs et par la maîtrise d'ouvrage, les travaux de confortement du pont n'auraient pas pu être intégrés au planning du chantier de sorte qu'aucun arrêt des travaux n'aurait été occasionné lors des travaux de réhabilitation ; que, dès lors, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la totalité des frais liés à l'interruption des travaux de réhabilitation pendant la période du 7 avril 2003 au

26 mai 2003, évaluée à 260 000 euros par la société Léon Grosse, doit être comprise comme étant la conséquence des désordres intervenus sur le chantier ; que la société Léon Grosse n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal administratif a fait une appréciation insuffisante du montant de ce chef de préjudice en fixant, après prise en compte de la responsabilité du SIAAP fixée à 25 % des désordres, à 65 000 euros HT la somme que ce dernier est tenu de lui payer en réparation des frais résultant de l'arrêt du chantier ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le SIAAP n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise l'a condamné à verser à la société Léon Grosse la somme de 172 921 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2011 et de la capitalisation des intérêts à compter du 4 juillet 2012 et, d'autre part, que la société Léon Grosse n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal a limité à ladite somme le montant de l'indemnité que le SIAAP est condamné à lui verser ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que la société Léon Grosse n'étant pas la partie perdante, le SIAAP n'est pas fondé à demander qu'une somme soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SIAAP, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros à verser à la société Léon Grosse ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du SYNDICAT INTERDEPARTEMENTAL POUR L'ASSAINISSEMENT DE L'AGGLOMERATION PARISIENNE est rejetée.

Article 2 : Le SYNDICAT INTERDEPARTEMENTAL POUR L'ASSAINISSEMENT DE L'AGGLOMERATION PARISIENNE versera une somme de 2 000 euros à la société Léon Grosse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la société Léon Grosse et le surplus de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 13VE02352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02352
Date de la décision : 24/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL RODAS DEL RIO NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-03-24;13ve02352 ?
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