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11/05/2017 | FRANCE | N°15VE00704

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 11 mai 2017, 15VE00704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société INTERFACE SAS a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler le marché conclu entre le ministère de la défense et la société Cisia Ingénierie et, à défaut, de prononcer la résiliation de ce contrat et, d'autre part, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser à titre principal la somme de 874 664 euros et à titre subsidiaire, la somme de 858 298,10 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du f

ait de son éviction illégale du marché.

Par un jugement n° 1106181 du 18 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société INTERFACE SAS a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler le marché conclu entre le ministère de la défense et la société Cisia Ingénierie et, à défaut, de prononcer la résiliation de ce contrat et, d'autre part, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser à titre principal la somme de 874 664 euros et à titre subsidiaire, la somme de 858 298,10 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale du marché.

Par un jugement n° 1106181 du 18 décembre 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 3 mars 2015, 18 février 2016, 3 mars 2016 et 30 mars 2017, la société INTERFACE SAS, représentée par Me Hourcabie, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler le marché de réalisation de documentations techniques à usage aéronautique conclu entre l'Etat et la société Cisia Ingénierie/ Atexis ;

3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 874 664 euros, subsidiairement, la somme de 858 298,10 euros sauf à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant, d'une part, de la réponse donnée au moyen tiré de l'illégalité de la méthode de jugement des offres tarifaires et, s'agissant, d'autre part, de la réponse faite au moyen tiré de ce que l'attributaire n'avait pas justifié de la viabilité économique de son offre ;

- sa candidature a été irrégulièrement écartée pour défaut de certificat EN 9100 sans examiner les références produites, en méconnaissance des dispositions de l'article 45 du code des marchés publics, ainsi que cela résulte des courriers de l'administration des 22 mars et 29 juin 2011, du rapport de présentation du marché et des écritures contentieuses du ministère ;

- la décision de rejet de sa candidature est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle a attesté de ses capacités techniques à mener à bien l'exécution du marché, par un moyen de preuve équivalent à la norme EN 9100 et, notamment, par la production de nombreuses références des deux sociétés membres du groupement dans les activités en cause et de certificats de qualité, outre le " projet de plan management qualité " conçu selon les exigences de la certification EN 9100 ;

- ni l'objet du marché ni la nature des prestations à réaliser, qui portaient sur la mise à jour des documents, le traitement des images, l'impression et la reprographie et non sur la création du contenu même de la documentation technique, ne justifiait que soit exigé des candidats qu'ils détiennent le certificat EN 9100, norme qui s'applique avant tout aux constructeurs et de façon beaucoup plus marginale aux prestataires de services ; l'attributaire ne détient d'ailleurs pas cette certification, non plus que les services de l'Etat ; une telle exigence, non posée dans le cadre du précédent marché, méconnaît le principe de libre accès de la commande publique ;

- le ministère était tenu, en vertu de l'article 55 du code des marchés publics et du principe d'efficacité de la commande publique tel qu'il est consacré à l'article 1er du code, d'écarter l'offre de la société Cisia Ingénierie/Atexis, faute pour cette dernière d'en avoir établi la viabilité économique alors qu'elle avait été suspectée d'être anormalement basse par l'administration ;

- les modalités d'analyse du critère du prix n'ont pas été portées à la connaissance des candidats ;

- la méthode consistant à additionner les différents prix unitaires du bordereau sans prendre en considération la circonstance que toutes les unités d'oeuvre ne sont pas destinées à être commandées dans les mêmes proportions est irrégulière dès lors qu'elle ne permettait pas de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse ;

- le pouvoir adjudicateur aurait dû communiquer à l'ensemble des soumissionnaires toutes les informations nécessaires à l'établissement d'un chiffrage optimal de leur offre, tel que le détail estimatif des quantitatifs, qu'il avait nécessairement élaboré ou le montant des quantités commandées dans le cadre du précédent marché, afin de rétablir une égalité avec la société titulaire du précédent marché ;

- elle est fondée à demander la réparation de son préjudice résultant du manque à gagner qui, compte tenu du montant et de la durée du marché, d'une marge bénéficiaire nette de 15%, de la part qu'elle devait exécuter au sein du groupement et en prenant en compte les chiffres de la première année d'exécution du marché, doit être évalué à la somme de 874 664 euros ou, à défaut, à la somme de 858 298,10 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Van Muylder,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société INTERFACE SAS.

Vu la note en délibéré, enregistrée 28 avril 2017, présentée pour la société INTERFACE SAS, par MeA....

1. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 18 décembre 2010, le ministre de la défense a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d'un marché ayant pour objet la réalisation de documentations techniques à usage aéronautique ; que, par un courrier en date du 29 juin 2011, le ministre de la défense a indiqué à la société INTERFACE, qui avait candidaté en groupement avec la société Assystem à ce marché, que son offre n'avait pas été retenue et que le marché avait été attribué à la société Cisia Ingénierie/Atexis ; que, par une demande préalable en date du 27 octobre 2011, qui a été rejetée, la société INTERFACE a demandé au ministre de la défense de lui verser la somme de 852 842,80 euros, en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son éviction illégale du marché en cause ; qu'elle a saisi le Tribunal administratif de Versailles aux fins d'annulation ou, à défaut, de résiliation du marché, et aux fins d'indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction illégale de ce marché ; que la société INTERFACE relève appel du jugement en date du 18 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la société INTERFACE soutient que le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'illégalité des modalités de jugement des offres tarifaires ; qu'il ressort, toutefois, du jugement attaqué que les premiers juges ont, au point 9 de ce jugement, indiqué qu'il ne ressortait pas du rapport d'analyse des offres que le ministre se serait borné à faire la somme de chacun des prix unitaires du catalogue des unités d'oeuvre mais qu'il avait opéré une comparaison respective des offres sur chacune des unités d'oeuvres et constaté que la société Cisia était compétitive sur 75 unités alors que la société INTERFACE ne l'était que sur 29 ; que le jugement répond, dès lors, de manière suffisamment motivée au moyen ainsi soulevé ; que, si la société requérante fait valoir en outre que les premiers juges n'auraient pas apprécié le bien fondé de ce moyen au regard de l'ensemble des pièces produites, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

4. Considérant, en second lieu, que la société INTERFACE soutient que le jugement est insuffisamment motivé quant à sa réponse au moyen tiré de ce que le marché a été attribué à une entreprise dont l'offre avait été suspectée d'être anormalement basse et qui n'a pas apporté de justifications permettant d'en établir la viabilité économique ; que les premiers juges ont cependant répondu à ce moyen de manière circonstanciée au point 7 du jugement attaqué et ont notamment relevé que le ministre devait être regardé, dans son courrier en date du 13 mai 2011, comme s'étant borné à opérer, ainsi que l'article 59 du code des marchés publics l'y autorisait, une demande de précision sur la teneur des offres ; que, dans ces conditions, ce jugement est suffisamment motivé et, n'est, dès lors, pas entaché d'irrégularité de ce chef ;

Sur les conclusions en contestation de la validité du marché :

5. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; qu'il appartient alors au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 45 du code des marchés publics alors en vigueur : " Le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques qu'ils produisent des certificats de qualité. Ces certificats, délivrés par des organismes indépendants, sont fondés sur les normes européennes. / Pour les marchés qui le justifient, le pouvoir adjudicateur peut exiger la production de certificats, établis par des organismes indépendants, et attestant leur capacité à exécuter le marché. / Pour les marchés de travaux et de services dont l'exécution implique la mise en oeuvre de mesures de gestion environnementale, ces certificats sont fondés sur le système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ou sur les normes européennes ou internationales de gestion environnementale. / Dans les cas prévus aux trois alinéas précédents, le pouvoir adjudicateur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres. " ;

7. Considérant qu'en application de ces dispositions, l'article 5-1° du règlement de la consultation applicable au marché litigieux a exigé des candidats qu'ils produisent les renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat comprenant soit b-1) la déclaration du candidat figurant dans le formulaire DC2 et notamment la production de la certification EN 9100 ou équivalent, soit b-2) tout document permettant d'évaluer ces capacités, contenant les renseignements indispensables, parmi lesquels la certification EN 9100 ou équivalent ;

8. Considérant, d'une part, que la norme EN 9100 est une norme de certification européenne qui atteste du système de management de la qualité de l'entreprise et qui s'applique à l'ensemble du secteur de l'aéronautique, que ce soit les constructeurs ou les fournisseurs de biens et de services ; qu'eu égard à l'objet du marché en litige, qui porte sur la réalisation de documentations techniques à usage aéronautique, à savoir pour chaque élément ou matériel utilisé dans les forces armées ou aériennes, le recueil des données d'utilisation et d'entretien applicables notamment pour assurer le maintien de la navigabilité et le maintien en conditions opérationnelles des appareils, et à l'enjeu en terme de sécurité, laquelle requiert un haut niveau de fiabilité de la documentation éditée, et même si le marché ne portait pas sur la conception des données techniques, le pouvoir adjudicateur pouvait légalement, sur le fondement des dispositions précitées du II de l'article 45 du code des marchés publics, demander aux candidats de produire le certificat EN 9100 ou tout moyen de preuve équivalent, alors même que ce certificat n'avait pas été exigé lors du précédent marché et que les services de l'Etat, qui assure en régie une part des missions de réalisation de documentation technique, n'en disposent pas ; que le moyen tiré d'une restriction illégale au libre accès à la commande publique pour ce motif doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant, d'autre part, que, si dans la lettre du 29 juin 2011 informant le groupement Assystem-France-Interface que son offre était rejetée, le pouvoir adjudicateur a relevé que le certificat EN 9100 détenu par la société Assystem France ne correspondait pas aux activités demandées, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de présentation des offres, qui dresse la liste des éléments dont le groupement a fait état à titre de moyens de preuve équivalents à la norme exigée, que la réponse du groupement à la demande de précisions qui lui avait été adressée le 22 mars 2011 sur ce point a bien été examinée ; qu'il y est précisément rappelé que le groupement a entendu faire état de moyens de preuve équivalents à la norme exigée et a invoqué la qualité des capacités professionnelles, techniques et financières de ses membres, la mise en place chez Assystem de la norme exigée dans le site de Montigny-le-Bretonneux pour toutes les prestations de documentations aéronautiques et l'engagement de la société INTERFACE à mettre en place cette démarche de certification EN 9100 pour les activités visées dans l'appel d'offres en supplément de la certification ISO 9001 : 2008 ; que, dans ces conditions, la société INTERFACE n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de l'article 45 du code des marchés publics en lui opposant l'absence de certificat EN 9100 sans avoir examiné les moyens de preuve équivalents dont le groupement s'était prévalu ;

10. Considérant, enfin, que la société INTERFACE soutient qu'elle justifie de moyens de preuve équivalents à la norme EN 9100 ; que, toutefois, d'une part, la norme ISO 2001 : 2008 détenue par la société requérante pour les prestations objet du marché est moins exigeante que la norme EN 9100 et ne peut, dès lors, être regardée comme équivalente ; qu'à cet égard, si la société INTERFACE fait valoir qu'elle a engagé les démarches de certification EN 9100, il est constant qu'à la date de sa candidature, elle ne disposait pas de cette certification ; que, d'autre part, le certificat EN 9100 de la société Assystem France, qui devait assurer le management et le pilotage des prestations alors que la société INTERFACE devait en assurer la réalisation technique, ne concerne pas les activités de réalisation de documentation technique mais les activités de prestations de bureau d'études en aéronautique ; que, par ailleurs, le projet de plan de management qualité de la société Assystem France constitue un document interne non certifié par un organisme tiers indépendant ; qu'enfin, les références dont se prévaut la société INTERFACE dans le secteur aéronautique, relatives notamment à des prestations de documentation technique pour le groupe Safran, la société Aerazur entre 2006 et 2010 et la société Aircelle en 2009-2010, et celles dont s'est prévalue la société Assystem France pour le groupe EADS, qui ne sont pas suffisamment décrites et ne sont assorties d'aucune attestation sur la qualité de ces prestations, ne permettent pas de certifier d'un système de management de la qualité équivalent à celui attesté par la norme en litige ; que, dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que le dossier de candidature du groupement Assystem France- Interface, qui ne respectait pas une exigence posée à l'article 5-1 b-1 du règlement de la consultation, était irrégulier ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 1er du code des marchés publics alors en vigueur, rappellent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché (...) / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. / (...) III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue (...) " ; qu'aux termes de l'article 55 dudit code : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies (...). / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le candidat (...) " ;

12. Considérant que le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public ; qu'il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé ; que si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre ;

13. Considérant que la société INTERFACE soutient que l'offre de la société Cisia Ingénierie/Atexis avait été suspectée d'être anormalement basse et que les justifications apportées par cette société ne permettaient pas d'en établir la viabilité économique ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, par un courrier en date du 13 mai 2011, le ministre s'est adressé à deux sociétés, Sonovision et Cisia Ingéniérie, en leur demandant " de préciser la teneur de [leur] offre en répondant à la question (...) : au vu des grandes différences de prix entre les candidats, le service vous demande de confirmer et justifier les prix que vous proposez " ; que ces deux sociétés ont d'ailleurs répondu à ce courrier ; que, dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme s'étant borné à opérer, ainsi que l'y autorise l'article 59 du code des marchés publics, une demande de précision sur la teneur des offres, nonobstant la mention du rapport de présentation des offres, et non une demande sur le fondement de l'article 55 du même code pour une offre paraissant anormalement basse ; qu'au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'offre de la société Cisia Ingénierie, qui était titulaire du précédent marché, était viable économiquement ;

14. Considérant, en troisième lieu, que la société INTERFACE soutient que la méthode d'analyse du critère du prix, consistant à faire la somme des prix unitaires du bordereau, n'a pas été portée à la connaissance des candidats et qu'elle est irrégulière ; que, toutefois, d'une part, si le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de la consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que le règlement de consultation indique que, pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, deux critères seront pris en compte, un critère de qualité pour 80 points résultant d'un test technique comportant quatre épreuves et un critère relatif au prix des prestations demandées noté sur 40 points ; que l'article 10.3 du règlement de consultation précise au demeurant que la note du critère du prix sera établie en tenant compte du montant TTC proposé par le candidat et du montant le moins élevé proposé par les candidats ; que, d'autre part, si une méthode de notation est entachée d'irrégularité lorsque, notamment, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection, il résulte de l'instruction que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que, les besoins de l'Etat pouvant varier d'une année sur l'autre au cours du marché, le pouvoir adjudicateur a pu, sans méconnaître le critère de prix prévu par le règlement de consultation, d'une part, comparer le prix chaque unité d'oeuvre et, d'autre part, faire la somme de tous les prix unitaires, pour noter les deux offres recevables ; que, dans ces conditions, le moyen ainsi soulevé doit être écarté ;

15. Considérant, en quatrième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de communiquer lors de la consultation d'un appel d'offre pour un marché à bon de commande un détail estimatif quantitatif ; qu'en outre, il résulte de l'annexe 1 du cahier des clauses particulières de ce marché à bon de commande, relative aux spécifications des unités d'oeuvre, que les prestations commandées, qui combinent plusieurs unités d'oeuvre, prennent en compte des éléments quantitatifs, relatifs notamment au nombre de pages commandées, au grammage du papier, à la présence ou à l'absence de couleur ou encore au taux de remplissage de la page ; que, dans ces conditions, l'ensemble des soumissionnaires étaient en mesure de faire varier leurs prix en fonction d'éléments quantitatifs prédéterminés et d'adapter leur offre afin qu'elle soit économiquement la plus avantageuse ; que, par suite, et alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 14, les quantités commandées pouvaient varier d'une année sur l'autre au cours du marché, la société INTERFACE n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de communication des volumes prévisionnels pris en compte pour l'appréciation des prix unitaires proposés, le pouvoir adjudicateur aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

16. Considérant, enfin, que la société INTERFACE soutient qu'en ne communiquant pas de détail estimatif quantitatif, le pouvoir adjudicateur aurait favorisé la société Cisia Ingénierie qui, titulaire du précédent marché, disposait de données plus pertinentes pour présenter une offre économique avantageuse ; que le ministre fait toutefois, valoir en défense que les quantités commandées lors du précédent marché ont fortement fluctué d'une année sur l'autre et qu'elles ne permettaient pas de prévoir les quantités à venir de sorte que le candidat sortant n'a pu bénéficier d'un avantage du fait d'une meilleure connaissance des prestations commandées ; que le moyen précité ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société INTERFACE ne démontre pas avoir été irrégulièrement évincée de l'attribution du marché conclu le 17 octobre 2011 ; qu'elle n'est en conséquence pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis de ce chef ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société INTERFACE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société INTERFACE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; que les conclusions du ministre de la défense, qui énonce une charge supplémentaire pour ses services en termes de temps de travail des agents qui s'y consacrent et, par voie de conséquence, pour les finances publiques, sans faire état précisément des frais que l'Etat aurait exposés pour défendre à l'instance, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société INTERFFACE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'appel sont rejetées.

N° 15VE00704 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00704
Date de la décision : 11/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL HOURCABIE - PAREYDT - GOHON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-05-11;15ve00704 ?
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