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20/06/2017 | FRANCE | N°15VE01554

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 juin 2017, 15VE01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 50 400 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ensemble la décision du 4 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'OFII a rejeté son recours

gracieux.

Par un jugement n° 1307312 du 12 mars 2015, le Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 50 400 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, ensemble la décision du 4 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'OFII a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1307312 du 12 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 21 mai 2015 et le 5 juin 2015, M.B..., représenté par Me Roch, avocate, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII en date du 5 novembre 2013, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux en date du 12 décembre 2013.

M. B...soutient que :

- la décision litigieuse du 5 novembre 2013 est insuffisamment motivée ;

- le montant de l'amende est disproportionné, l'OFII n'a pas pris en compte sa bonne foi et l'absence d'élément intentionnel et sa situation financière personnelle ne lui permet pas de s'acquitter d'une telle somme ;

- le montant de l'amende devrait être minoré puisqu'il s'est acquitté de ses obligations financières et qu'il a régularisé la situation.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

-la loi n°2016-274 du 7 mars 2016

- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 relatif au montant de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Orio, rapporteur public.

1. Considérant que lors d'un contrôle de l'inspection du travail, effectué le 29 novembre 2011 sur le chantier d'un local commercial situé au 8, rue Pierre Picard, à Paris, les agents ont constaté la présence, en situation de travail pour le compte de M. B..., de deux ressortissants moldaves et d'un ressortissant roumain, dépourvus de titre de séjour et d'autorisation de travail ; que, par une décision du 5 août 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. B... une contribution spéciale d'un montant de 50 400 euros, en application des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail ; que, par une décision du 4 octobre 2013, le directeur général de l'OFII a rejeté le recours gracieux de M. B... ; que, par une décision du 22 janvier 2015, la somme mise à la charge de M. B...a été réduite à 33 600 euros ; que M. B...relève appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision litigieuse du directeur général de l'OFII en date du 5 août 2013 se réfère expressément aux textes applicables et au procès-verbal établi à la suite du contrôle du 29 novembre 2011 au cours duquel les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ont été constatées ; qu'enfin, la décision précise le montant de la somme due au titre de la contribution spéciale, et mentionne les noms des ressortissants étrangers salariés ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ladite décision manque en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2011 applicable à la date de constatation de l'infraction : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-8 du code du travail : " Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à mille fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, non modifiée sur ce point par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, le montant de cette contribution spéciale " est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger (...). Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux "; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l' article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ;

4. Considérant qu'il appartient à tout employeur de s'assurer de la régularité de la situation de ses employés au regard de la réglementation en vigueur, notamment auprès des services de la réglementation de l'entrée et du séjour des étrangers de la préfecture de son ressort territorial ; que M. B...ne conteste pas avoir employé trois personnes de manière dissimulée, ces travailleurs étant dépourvus d'un titre les autorisant à travailler en France ; que par suite, la matérialité des infractions étant établie, le requérant ne peut se prévaloir de sa bonne foi pas plus du fait qu'il aurait cru que les travailleurs étaient des ressortissants de l'Union européenne ;

5. Considérant, que les nouvelles dispositions de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 et du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne en ce qu'elles aménagent une possibilité de minoration du montant de la contribution spéciale, au plus égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour, statuant comme juge de plein contentieux sur la demande de M.B..., d'appliquer ces dispositions à l'infraction qu'il a commise ; que, toutefois, M. B... n'invoque aucune circonstance justifiant en vertu des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, que lui soit appliqué un montant réduit à 2 000 fois ou à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ; qu'en effet, le procès verbal en date du 29 novembre 2011, versé aux débats par le directeur général de l'OFII, mentionne, outre l'emploi d'étrangers sans titre, l'infraction de travail dissimulé, et le paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus aux salariés étrangers sans titre n'est ni établi ni même allégué par M. B..., dès lors qu'il se borne à affirmer s'être acquitté de ses obligations financières, sans produire aucun document qui établirait qu'il a effectivement versé à ses salariés les salaires et indemnités susmentionnés ; qu'il suit de là que le directeur général de l'OFII n'avait pas à faire application de la possibilité de minoration prévue par le code du travail et a donc fixé le montant de la contribution à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti sans entacher sa décision d'erreur de droit ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 applicables au présent contentieux : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / [...] ". qu'aux termes de l'article L. 8256-2 dudit code, dans sa rédaction issue de cette loi : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. / [...] " ;

7. Considérant que ces nouvelles dispositions prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne en ce qu'elles interdisent au-delà du seuil de 15 000 euros pour les personnes physiques le cumul de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire de réacheminement ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour, statuant comme juge de plein contentieux sur la demande de M.B..., d'appliquer ces dispositions à l'infraction qu'il a commise ; que ces dispositions font obstacle à ce que la somme globale de 33 600 soit mise à la charge de M. B...s'agissant des deux salariés dont l'emploi a finalement été retenu par l'OFII dans sa décision du 22 janvier 2015 ; qu'il y a donc lieu de réduire à 15 000 euros par employé la somme mise à la charge de

M.B... ; qu'il y a lieu, par suite, de le décharger dans la limite de 30 000 euros de la somme de 33 600 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de décharger

M. B...de la somme de 3 600 euros au titre des contributions spéciales mises à sa charge et de réformer, sur ce point, le jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros à verser à l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 33 600 euros mise à la charge de M. B...au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire de réacheminement est ramenée à la somme

de 30 000 euros.

Article 2 : M. B...versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n°1307312 du 12 mars 2015 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 15VE01554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE01554
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-06-20;15ve01554 ?
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