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20/07/2017 | FRANCE | N°15VE02053

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 juillet 2017, 15VE02053


Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2017, présenté pour M. A... par Me Lacazedieu, avocat, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et ajoute, s'agissant de sa demande tendant à la condamnation de l'État à verser à son conseil une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que dans ce cas, son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État résultant de l'aide juridictionnelle.

Vu les mémoires, enregistrés les 21 avril 2017 et 2

2 juin 2017, présentés par le ministre des finances et des comptes public...

Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2017, présenté pour M. A... par Me Lacazedieu, avocat, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et ajoute, s'agissant de sa demande tendant à la condamnation de l'État à verser à son conseil une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que dans ce cas, son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État résultant de l'aide juridictionnelle.

Vu les mémoires, enregistrés les 21 avril 2017 et 22 juin 2017, présentés par le ministre des finances et des comptes publics, qui maintient par les mêmes moyens ses conclusions tendant au rejet de la requête.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de Me Lacazedieu, avocat de M.A..., ainsi que celles de ce dernier.

1. Considérant que, avant de statuer sur la requête de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2006, la Cour administrative d'appel a, par l'arrêt n° 15VE02053 visé ci-dessus du 14 mars 2017, ordonné un supplément d'instruction tendant à la production des pièces et éléments susmentionnés permettant d'établir ou d'infirmer la réalité de l'appréhension par l'intéressé des sommes provenant du détournement de fonds dont il est soupçonné ;

Sur la charge de la preuve :

2. Considérant qu'après avoir réceptionné la proposition de rectification du 13 janvier 2012, M. A...a présenté ses observations aux fins de contester les rehaussements proposés, le 30 janvier 2012, avant l'expiration du délai de trente jours résultant des dispositions combinées des articles L. 57 et L. 11 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que la charge de la preuve du bien-fondé des impositions en litige incombe à l'administration ;

Sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse :

3. Considérant que, pour établir l'imposition supplémentaire en litige, l'administration, qui se fonde sur des éléments provenant d'une instruction judiciaire ouverte en 2009 à l'encontre de M.A..., à laquelle elle a pu accéder le 16 mai 2011 après avoir exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, fait valoir que, le 16 juin 2006, une somme de 11 088 103 euros appartenant à la BNP Paribas Securities Services (BPSS), où travaillait le requérant, a été transférée illégalement sur un compte de la banque CKB, au Monténégro, qui avait été ouvert le 5 juin 2006 au nom de M. C...D..., par une personne ayant présenté la copie d'un passeport établi au nom de M. C...D...A..., né le 10 mai 1975, le même jour que le requérant ; qu'elle fait valoir, de même, que l'intéressé était présent au Monténégro le jour de l'ouverture de ce compte bancaire, qui, peu après, a été pratiquement soldé par deux retraits en espèces effectués les 19 et 21 juin 2006, pour des montants respectifs de cinq millions et six millions d'euros ; qu'elle déduit de ces éléments que M. A...doit être regardé comme ayant appréhendé la somme précitée, constituant ainsi une source de profit taxable à son impôt sur le revenu de l'année 2006 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts ;

4. Considérant, toutefois, que M.A..., qui à ce jour, soit sept années après l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre, n'a fait l'objet ni d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ni d'une ordonnance de non-lieu, fait valoir qu'il a été victime d'une usurpation d'identité, rendue possible par le fait, non contesté, qu'une copie dématérialisée de son passeport était détenue par la direction des ressources humaines de sa propre banque, la BPSS, et que, dans le cadre de son activité accessoire d'agent de joueurs de football, plusieurs copies de son passeport avaient été laissées à l'étranger, notamment auprès d'intermédiaires, et en outre qu'une copie certifiée conforme à l'original se trouvait également à la mairie de son domicile, avec ses avis d'imposition, pour servir de garantie et permettre à de jeunes joueurs étrangers d'obtenir un visa pour leur entrée en France ; que s'il ne nie pas avoir été présent au Monténégro le 5 juin 2006, il soutient qu'il ne pouvait se trouver dans l'agence bancaire lorsque le compte y a été ouvert, son identité ayant été usurpée par un tiers, par ailleurs mis en examen dans cette même affaire, et faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international ; qu'il établit, par ailleurs, que les 19 et 21 juin 2006, lorsque le compte destinataire du détournement de fonds a été quasiment soldé par des retraits d'espèces, il se trouvait à Paris, et n'a donc pas pu être l'auteur de ces retraits ; qu'au surplus il ressort du procès-verbal d'audition d'une employée de cette succursale de la banque CKB, que " M. C... D..., titulaire du compte, retirait ses fonds personnellement " et que personne d'autre n'était autorisé à le faire, en application des termes du document régissant le fonctionnement dudit compte, ce qui accrédite les affirmations de M. A...quant à l'usurpation d'identité dont il aurait été victime, pour les retraits de fonds en espèce, mais aussi pour l'ouverture du compte bancaire, et par voie de conséquence sur le fait qu'il n'est pas le bénéficiaire final des sommes détournées ;

5. Considérant, par ailleurs, que la seule circonstance, établie, que l'intéressé était présent à son poste de travail parisien, dans le service " prêts-emprunts " de la BPSS, le 16 juin 2016, date à laquelle un fax a été envoyé depuis l'appareil de télécopie de ce service vers celui du service " money transfert ", donnant l'ordre de virer la somme de 11 088 103 euros vers le compte de la banque CKB au Monténégro, ne suffit pas, en l'état et dans les circonstances de l'espèce, à établir formellement que M.A..., qui à cet égard met en cause sa hiérarchie, seule habilitée à opérer un virement de fonds d'une telle importance, aurait été l'auteur de cet acte de détournement de fonds ; qu'au demeurant, selon les affirmations de l'un des dirigeants de la BPSS, recueillies sur procès-verbal, aucune copie de ce fax n'a pu être retrouvée, donnant ainsi corps aux dénégations de M.A..., qui sont, dans une certaine mesure, corroborées par la circonstance qu'il a continué à travailler pour cet employeur jusqu'en 2009, et par le fait que le service vérificateur, après avoir procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009, n'a décelé, dans l'examen de ses comptes bancaires, de son patrimoine ou encore des éléments de son train de vie, aucun élément de nature à fonder un nouveau rappel d'imposition, ou même pouvant confirmer qu'il aurait pu appréhender tout ou partie des fonds détournés de son employeur en juin 2006 ;

6. Considérant, dès lors, que l'administration doit être regardée comme n'apportant pas la preuve, dont la charge lui incombe, que M. A...aurait bénéficié, au cours de l'année 2006, de la source de profit représentée par le détournement de la somme de 11 088 103 euros au détriment de la BPSS ; que cette somme, par suite, n'a pu légalement être réintégrée dans les bases de l'impôt sur le revenu de ce contribuable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Lacazedieu, avocat de M.A..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 mai 2015 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : M. A...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt mises à sa charge au titre de l'année 2006, ensemble les majorations et pénalités y afférant.

Article 3 : L'État versera une somme de 3 000 euros à Me Lacazedieu au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

N° 15VE02053 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02053
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SCP ARCIL MARSAUDON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-20;15ve02053 ?
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