Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'après avoir dérobé des formules de chèques délivrées par la Banque nationale de Paris (BNP) à M. Robert Y..., ainsi qu'à la société France 4X4 et à M. Jean Y..., M. Jean-Pierre X... a émis différents chèques en imitant la signature de celui-ci, les 11, 13, 16, 19, 26 juillet et 11 août 1988 ; que, les 24 et 26 août, puis le 17 octobre 1988, la BNP a rejeté, pour cause de signatures non conformes, d'autres chèques sur lesquels M. X... avait contrefait la signature de M. Robert Y... ; que celui-ci a fait opposition au paiement de certains chèques, le 30 août 1988 pour lui-même, le 20 octobre pour le compte de la société France 4X4, et le 2 novembre au nom de M. Jean Y... ; que MM. Robert et Jean Y... ainsi que la société France 4X4 ont soutenu que la BNP était responsable du paiement des chèques litigieux et lui en ont réclamé le montant ; que, retenant une négligence de la banque, la cour d'appel a néanmoins décidé que le préjudice invoqué avait pour cause exclusive la faute de M. Robert Y..., qui avait facilité le vol des chéquiers et la réalisation de la fraude ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu que M. Robert Y..., M. Jean Y... et la société France 4X4 font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seule une négligence extrêmement grave du client peut exonérer partiellement la banque de sa responsabilité, engagée pour n'avoir pas, lors du paiement de chèques volés, comparé le spécimen de signature en sa possession avec les signatures apposées sur les formules volées ; qu'ainsi, en se bornant à relever, pour décider que les consorts Y... avaient commis une faute ayant provoqué leur préjudice, le fait d'avoir conservé leurs chéquiers à leur domicile, dans un bureau non fermé à clé, ce qui ne constituait pas une négligence fautive, et le fait d'avoir été en relations avec un homme qui " sortait de prison ", cette seule circonstance n'impliquant pas nécessairement et par elle-même, à défaut d'autre précision, que cet homme fût susceptible d'agir à leur préjudice, la cour d'appel qui en a déduit que les consorts Y... étaient responsables du paiement litigieux, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1239, 1937 et 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'ayant constaté d'un côté que les chèques émis et payés au préjudice de M. Robert Y... et de la société France 4X4 l'avaient été entre le 11 et le 26 juillet 1988 et ayant relevé d'un autre côté que la banque avait averti son client, selon les propres déclarations de ce dernier, d'incidents affectant son compte en juillet 1988, ce dont il résultait que ledit avertissement n'était pas antérieur aux chèques litigieux mais révélait seulement que la banque avait été alertée par cette présentation de plusieurs chèques douteux en peu de temps, la cour d'appel qui a cependant déduit de ces deux énonciations que l'avertissement de la banque était " antérieur aux chèques en cause " pour admettre une exonération de responsabilité, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que ne constitue pas un aveu opposable à une partie une déclaration non contenue dans ses conclusions écrites ou dans un autre document de la cause ayant une portée équivalente ; qu'ainsi, en opposant à M. Robert Y... le fait qu'il ressortait des cotes de plaidoiries du dossier remis par son conseil qu'il avait reconnu que la BNP avait informé le 19 août 1988 son père d'un incident, pour en déduire une négligence exonérant de sa responsabilité la banque qui avait payé le faux chèque émis au préjudice de M. Jean Y..., la cour d'appel a violé ensemble les articles 1356 du Code civil et 7, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que Jean-Pierre X... a utilisé les chéquiers qui étaient au domicile de Robert Y..., qui a lui-même déclaré aux services de police, qui l'ont entendu le 4 novembre 1988, qu'il avait cédé son affaire fin juin, début juillet 1988 à M. X..., suivant un bail commercial, signé par sa cousine et concubine Jacqueline X... car Jean-Pierre X... sortait de prison, que Robert Y... a précisé que Jean-Pierre X... avait eu accès à son bureau, situé à son domicile et avait profité de ses vacances pour lui dérober deux chéquiers, qu'il a dit également avoir été avisé d'incidents par la BNP dès juillet 1988, que X... lui avait alors restitué les formules déchirées et avait promis de le rembourser, que Robert Y... n'a fait cependant aucune diligence à cette époque ; qu'en l'état de ces constatations, et abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, critiqué dans la quatrième branche du moyen, la cour d'appel a pu décider qu'en donnant ainsi accès à ses chéquiers à une personne, au surplus qui n'avait pu contracter personnellement, à l'égard de laquelle il devait donc nécessairement être vigilant, M. Robert Y... avait facilité le vol des chéquiers et la réalisation de la fraude, laquelle avait pu se poursuivre faute de réaction de sa part dès qu'il avait eu connaissance des agissements de Jean-Pierre X... et que ce comportement était fautif ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé en sa deuxième branche ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt ne précise pas que l'avertissement donné par la BNP a été antérieur aux dates d'émission des chèques en cause ; d'où il suit que la contradiction alléguée n'est pas établie ; que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;
Mais, sur la première branche du moyen :
Vu les articles 1147, 1927 et 1937 du Code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la responsabilité de la banque, dès lors qu'elle a, aux termes mêmes des déclarations de Robert Y..., averti celui-ci des incidents affectant le fonctionnement de son compte dès juillet 1988, soit antérieurement aux chèques en cause, ne peut être retenue pour aucune part ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la Banque nationale de Paris avait commis une négligence en ne rejetant pas les chèques litigieux, qui portaient une signature dont le graphisme était très différent de celui de la signature de Robert Y... apposée sur la fiche de signature d'ouverture des comptes de la société, de Robert Y... et de Jean Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.