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22/09/2010 | FRANCE | N°09-85665

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 septembre 2010, 09-85665


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Guido X...,- M. Philippe Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2009, qui a condamné le premier, pour exercice illégal de la profession de banquier, fourniture illicite de services d'investissements, usage d'expressions faisant croire en l'existence d'un agrément bancaire ou de nature à créer la confusion, à un an d'emprisonnement, le second, pour complicité d'exercice illégal de la profession de banquier, usa

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Guido X...,- M. Philippe Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 23 juin 2009, qui a condamné le premier, pour exercice illégal de la profession de banquier, fourniture illicite de services d'investissements, usage d'expressions faisant croire en l'existence d'un agrément bancaire ou de nature à créer la confusion, à un an d'emprisonnement, le second, pour complicité d'exercice illégal de la profession de banquier, usage d'expressions faisant croire en l'existence d'un agrément bancaire ou de nature à créer la confusion, à dix-huit mois d'emprisonnement, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 311-1, L. 312-2, L. 511-5, L. 519-1, L. 532-1, L. 571-3 et L. 573-1 du code monétaire et financier, 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et M. Y... coupable de complicité d'exercice illégal de la profession de banquier, en ce qu'il a déclaré M. X... coupable d'avoir joué le rôle d'un intermédiaire en opérations de banque à titre habituel et d'avoir fourni des prestations de services d'investissement pour le compte de tiers sans délivrance d'un agrément préalable et en ce qu'il a condamné M. X... à une peine d'un an d'emprisonnement sans sursis et M. Y... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement sans sursis ;
"aux propres motifs que, sur l'infraction prévue par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, ce texte dispose qu'il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel ; qu'il est, en outre, interdit à toute entreprise autre qu'un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme ; que selon l'article L. 311-1 dudit code, « les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement » ; que la défense soutient que cette infraction n'est pas caractérisée en l'espèce, dans la mesure où les prévenus, s'ils recevaient des fonds du public, ne pouvaient en disposer pour leurs propres comptes, dès lors que les réceptions de fonds ont toujours été faites dans le but d'immédiatement reverser les fonds pour une affectation bien déterminée, à savoir la souscription aux contrats Zooley ou Capital Suisse SA, ou le versement d'intérêts et dividendes ; que le moyen est insuffisant pour écarter cette prévention puisqu'il est établi que les prévenus ont réalisé des opérations de banque à titre habituel en procédant à des transferts de fonds, appartenant à des tiers, entre la Nouvelle-Calédonie et l'étranger, lesquelles ne peuvent s'effectuer que par l'entreprise des établissements de crédits ou des institutions habilitées ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que, dès le 9 juillet 2003, la direction des affaires économiques du gouvernement de Nouvelle-Calédonie faisait connaître que les prestations de services d'investissement fournies par la société Capital Suisse NC étaient soumises aux dispositions du code monétaire et financier applicables sur le territoire et supposaient en conséquence la délivrance préalable d'un agrément par le Ministère de l'économie et des finances ; que les sociétés Capital Suisse NC, Capital Suisse SA, Capital Market et Zooley Services Limited ne figuraient pas sur la liste des établissements de crédit et des prestataires de services d'investissement agréés, telle qu'arrêtée au 31 décembre de l'année en cours, par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissements, ce qui conduisait naturellement les autorités de régulation à publier, courant 2004, un communiqué conjoint de mise en garde du public contre les opérations irrégulières de banque, notamment de transferts de fonds déployées par ces sociétés et sur le caractère éminemment douteux des placements commercialisés sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ; que, pour l'exercice de ses activités de courtage, M. X... et sa société ne pouvaient prétendre à la qualité d'intermédiaire financier habilité ou d'intermédiaire en opérations de banque ; que les certifications étrangères et pseudo garanties financières dont se prévalaient les dirigeants de ces sociétés, à les supposer authentiques, ne pouvaient en aucun cas les dispenser d'obtenir les agréments indispensables pour l'exercice d'une telle activité en Nouvelle-Calédonie ; que sur l'implication dans ces infractions de M. X... et la société Capital Suisse NC ; que l'information judiciaire révélait sur ce point qu'entre juillet 2002 (date d'immatriculation de sa société) et août 2004 (date de la perquisition de ses locaux professionnels), M. X... avait démarché avec succès quatre-vingt-dix investisseurs « locaux» pour un investissement global de 629 000 000 francs CFP ; que ces souscriptions massives avaient nécessairement conduit M. X... et sa société Capital Suisse NC à s'adonner à des opérations principales de banque, en collectant à titre habituel et à tout le moins jusqu'à la clôture de ses comptes bancaires effective en septembre 2003, les investissements de ses clients sous forme de dépôts à vue pour les transférer ensuite à l'étranger aux sociétés gestionnaires ou d'ingénérie financière de M. Y... ; en réceptionnant, dans les mêmes conditions, les intérêts ou les valeurs de rachat desdits placements et ce par inscriptions au crédit ou au débit de ses comptes bancaires tant professionnels que personnels, et en servant d'intermédiaire en opérations de banque par la mise en relation à titre habituel de personnes intéressées auxdites opérations, dont aucune ne pouvait prétendre en la qualité d'établissement de crédit ; que les investigations révélaient en effet que pour les besoins de son activité et du fonctionnement de sa société, M. X... avait ouvert en juillet 2002 à la BCI un compte d'entreprise n° 179822 au nom de Capital Suisse, ayant enregistré dès sa création de très important dépôts et transfert de fonds (95 à 120 000 000 francs CFP) à destination des îles vierges britanniques ou d'une société d'ingénérie de M. Y... (Capital Market) implantée à Marbella, ce qui conduisait la Banque Calédonienne d'Investissement à engager par précaution, en avril 2003, une procédure de clôture dudit compte, devenue effective quelques mois plus tard ; que des mouvements d'argent identiques et tout aussi anormaux apparaissaient sur le compte joint Société Générale du couple X... et ce à compter du mois de septembre 2003, pour des montants si élevés que la gestionnaire, Mme Z..., estimait préférable d'assurer le transfert de sa gestion à l'agence de la rue de l'Alma, afin d'en faciliter la surveillance ; que M. X... confirmait s'être livré en toute naïveté à l'exercice de cette activité d'intermédiaire et aux opérations de banque qu'elle supposait habituellement avec les clients et ce jusqu'à la clôture de ses comptes à la BCI, persuadé par un avocat du barreau de Nouméa que la délivrance d'un agrément n'était pas requise pour l'exercice de ce type d'activités en Nouvelle-Calédonie ; que cet argument ne peut sérieusement convaincre dès lors que M. X..., d'une part, ne produisait aucune preuve écrite des assurances juridiques qui avaient pu lui être données par cet avocat, d'autre part avait poursuivi ses opérations irrégulières de banque en utilisant le compte joint du couple à la Société Générale et en ouvrant depuis la défection de la BCI, deux autres comptes bancaires à l'OPT dont l'un précisément affecté à la réception des intérêts de ses clients ; que M. X... avait eu une complète connaissance des exigences légales et réglementaires comme en témoignait une correspondance d'un nouvel avocat adressée à l'Institut d'émission d'Outre-mer le 23 décembre 2003, par laquelle cet auxiliaire de justice s'interrogeait sur les conditions d'obtention d'un agrément ; que M. X... n'en avait pas pour autant interrompu ou suspendu ses activités illicites , malgré les mises en garde des autorités de régulation dont il avait eu connaissance et qu'il considérait très violentes ; qu'il sera notamment relevé que l'intéressé avait été interrogé une première fois le 28 juin 2002 –alors que les formalités légales de constitution et d'immatriculation de sa société n'avaient pas abouti – et admettait avoir déjà démarché des investisseurs et assuré la transmission de leurs investissements à l'étranger ; qu'interrogé à nouveau le 17 juillet 2003 et sensibilisé sur la nécessité d'obtenir la délivrance d'un agrément pour l'exercice de sa profession, M. X... indiquait qu'il ferait "les démarches nécessaires", mais poursuivait néanmoins activement sa commercialisation irrégulière ; qu'au constat de ces éléments, M. X..., qui avait déjà, par le passé, exercé des missions de conseil en investissement et gestion de patrimoine et qui, en l'espèce, a passé outre les nombreux avertissements, ne peut sérieusement se retrancher sur l'erreur de droit invincible, seule exonératrice de sa responsabilité pénale au sens de l'article L. 122-3 du code pénal ; que M. X..., à titre personnel, et la société Capital Suisse, personne morale pénalement responsable, seront reconnus coupables du délit d'exercice illégal de la profession de banquier par la pratique habituelle d'opérations principales ou connexes de banque (réception de fonds du public, mise à disposition de la clientèle ou gestion de moyens de paiement par transfert de fonds pour le compte de tiers) ; que M. X..., à titre personnel, sera reconnu coupable du délit d'exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque par la mise en relation entre elles de personnes intéressées à ces opérations dont aucune n'avait la qualité d'établissement de crédit ;
"et aux motifs propres que si l'on considère que les opérations de banque, au sens de l'article L. 311-1 du code monétaire et financier, réalisées par M. X... ne portent que sur « la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement », il en résulte que les faits incriminés peuvent être qualifiés sous les deux qualifications différentes des articles L. 511-5 et L. 511-2 du code monétaire et financier ; que la matérialité de ces infractions est établie par l'enquête, l'information et les énonciations qui précèdent ; que cependant, il est de principe que lorsqu'un même fait se trouve poursuivi sous deux qualifications différentes, les juges – qui ne peuvent relaxer le prévenu du chef d'une des qualifications – doivent retenir le fait délictueux sous la plus haute expression pénale dont il est susceptible, soit en l'espèce, l'infraction réprimée par l'article L. 571-3 du code monétaire et financier ;
"et aux motifs propres que pour sa défense, M. X... invoque sa bonne foi, voire une erreur de droit ; que M. X... prétend, en effet, que son avocat lui avait affirmé qu'il pourrait exercer ces activités sans agrément ; que l'erreur de droit n'entraîne une exonération de responsabilité pénale que si la personne qui s'en prévaut n'a pas été en mesure de l'éviter ; qu'en l'espèce, M. X... avait été clairement informé, lors de son interrogatoire du 17 juillet 2003, qu'il devrait justifier d'un agrément pour poursuivre ses activités litigieuses ; qu'il s'avère, au vu des pièces saisies par les enquêteurs, que le prévenu avait, dès la mise en oeuvre de ces activités, sciemment choisi de collecter des fonds, sous prétexte de gérer des placements de tiers en ignorant la réglementation susvisée ; que dans un document préparé par M. Y..., adressé à M. X... pour servir d'argumentaire face à la polémique née publiquement en Nouvelle-Calédonie quant à la légalité de leurs activités, il écrivait : «question : pourquoi Capital Suisse SA et Zooley Services Limited opèrent-elles sans agrément des autorités du tutelle françaises ? réponse : pour recevoir des fonds des investisseurs calédoniens Capital Suisse SA et Zooley Services Limited n'ont pas besoin d'être agréées par les autorités du tutelle françaises et à ma connaissance elles n'ont jamais cherché à être agréées par les autorités métropolitaines pour la simple et bonne raison que cela fiscaliserait les profits et les résultats de ces sociétés de gestion de fortune (…)» ; que l'information démontre que M. X... a toujours eu l'intention de s'affranchir des obligations liées à l'obtention de l'agrément prévu par l'article L. 532-1 du code monétaire et financier et qui ne peut être délivré que si l'entreprise d'investissement dispose « d'un capital initial suffisant » au sens de l'article L. 532-2 « est dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente (…) » et notamment « adhère à un mécanisme de garantie des titres gérés par le fonds de garantie des dépôts" ;
"1°) alors que constitue un délit, le fait pour toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel, le fait de jouer le rôle d'intermédiaire en opérations de banque en mettant en rapport les parties intéressées à la conclusion d'une opération de banque, sans se porter ducroire, et le fait de fournir des services d'investissement, sans avoir obtenu l'agrément du comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; que les opérations de banque comprennent notamment la réception de fonds du public ; que sont considérés comme fonds reçus du public, les fonds qu'une personne recueille d'un tiers notamment sous forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer ; qu'en décidant néanmoins que M. X... s'était rendu coupable d'exercice illégal de la profession de banquier, et Philippe Y... coupable de complicité de ce même délit, dès lors qu'il avait reçu des fonds du public et qu'il importait peu que M. X... ait eu ou non le droit d'en disposer pour son propre compte, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation ;
"2°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'il en est ainsi lorsque l'information erronée émane de l'administration ; que M. Y... soutenait que M. X... avait demandé à l'Institut d'émission d'outre-mer si un agrément était ou non requis pour exercer son activité, mais qu'il n'avait jamais obtenu la moindre réponse, de sorte qu'il avait cru qu'aucun agrément ne serait exigé ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer M. X... coupable d'exercice illégal de la profession de banquier et M. Y... complice de ce même délit, que M. X... aurait été informé de la nécessité d'obtenir un agrément pour poursuivre ses activités, sans rechercher si l'absence de réponse de l'Institut d'émission d'outre-mer ne l'avait pas induit en erreur sur le fait qu'un agrément ne serait pas nécessaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 311-1, L. 312-2, L. 511-5 et L. 571-3 du code monétaire et financier, 121-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué à déclaré M. Y... coupable de complicité d'exercice illégal de la profession de banquier et l'a condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement sans sursis ;
"aux motifs adoptés des premiers juges que l'information a en outre révélé que M. Y..., bien que résidant à l'étranger, était partie prenante et bénéficiaire exclusif des opérations de banque perpétrés sur le territoire calédonien ; qu'il apparaît notamment que M. Y... avait financièrement contribué à la constitution de la société Capital Suisse NC par un important apport de fonds, indispensable à la libération du capital social et au bon démarrage de la société ; que M. Y... donnait régulièrement, par courrier électronique, des instructions écrites à son courtier, notamment en lui procurant les coordonnées bancaires des sociétés au profit desquelles, selon le procédé décrié, allaient être virés les investissements calédoniens, en lui recommandant, notamment, de procéder à des ajustements sur certains contrats ou montants d'intérêts à restituer, en lui donnant des instructions sur la stratégie financière ou commerciale à déployer ; que M. Y... indiquait lui même être conduit à déterminer mensuellement le taux de rendement de certains de ses produits, notamment des fonds communs de placements variables en fonction des performances, des réserves et acquisitions en cours et à en faire connaître le montant à M. X... qui les rétrocédait ensuite ; qu'il reconnaissait en outre avoir donné à M. X... des instructions particulières pour que les fonds soient virés de préférence sur telle ou telle de ses sociétés à l'étranger (Capital Market Espagne), surtout à compter du jour ou son courtier l'avisait de l'opposition des banques locales aux transferts de fonds à destination de paradis fiscaux ;
"alors que se rend complice d'un délit, celui qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ; que l'intention criminelle du complice suppose la connaissance du caractère délictueux des actes de l'auteur principal et la volonté de participer à l'infraction ; qu'en se bornant à affirmer que M. Y... avait financièrement contribué à la constitution de la Société Capital Suisse NC, procuré les coordonnées bancaires des sociétés au profit desquelles allaient être transférés les investissements calédoniens et déterminé le taux de rendement de certains des produits financiers, sans constater qu'il aurait eu connaissance du caractère prétendument illégal de l'activité de M. X... et aurait souhaité y participer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 511-8 du code monétaire et financier et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré MM. X... et Y... coupables d'utilisation d'une dénomination sociale, d'une raison sociale, d'une publicité ou d'une façon générale d'expressions faisant croire en l'existence d'un agrément en tant qu'établissement de crédit ou pouvant créer une confusion en la matière et les a condamnés respectivement à une peine d'un an et dix-huit mois d'emprisonnement sans sursis ;
"aux motifs propres qu'il résulte de la procédure que M. Y... a créé à l'étranger un site internet de la société Capital Suisse SA présentée comme « un groupe de services financiers » qui «entretient des relations d'affaires avec de nombreuses organisations financières de renom » et utilisant la terminologie relevée par les premiers juges, qui caractérise cette confusion punissable ; que selon l'article L. 113-2, alinéa 2, du code pénal, une infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ; que le texte incriminé a été reçu et vu dans le ressort du tribunal de commerce de Nouméa et était en lien avec la publicité faite par voie de presse en Nouvelle-Calédonie, par la société Capital Suisse SA (cf journal du 29/08/2002 : « Capital Suisse s'installe en Nouvelle-Calédonie») ; qu'elle était donc de nature à faire croire aux clients calédoniens de la société Capital Suisse que celle-ci était agréée en tant qu'établissement de crédit de France, ce qui n'était pas le cas ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que les documents contractuels, financiers ou commerciaux élaborés par M. Y... et détenus pour les besoins de son activité locale de courtage par M. X... comme d'ailleurs les présentations diffusées sur internet à destination du public tendaient, par l'emploi d'une terminologie équivoque (référence « aux marchés boursiers officiels », à la présence « d'administrateurs mutuels agréés » pour la gestion, « à la réglementation sur le blanchiment d'argent » etc.) à persuader en l'existence d'un groupe de sociétés financières « régulées » mondialement implantées, offrant à ses clients des prestations de nature bancaire et, à ce titre, susceptibles de se rattacher à la catégorie des établissements de crédits définis à l'article L. 511-9 du code monétaire et financier ; qu'en défense, M. X... expliquait ne pas maîtriser les informations diffusées sur le site internet de la société Capital Suisse SA, qui ne pouvait être confondue avec sa société ; qu'il avait cependant le sentiment que les informations contenues sur ce site, comme l'utilisation dans les annonces publicitaires diffusées à son initiative de la dénomination sociale Capital Suisse ou de formules telles que « capital garanti » « taux d'intérêts garantis au même titre que les institutionnels de la haute finance », ne pouvaient que susciter la confusion des investisseurs sur l'origine des placements et sur la détention d'un éventuel agrément pour les commercialiser ; que cependant, l'information judiciaire établit que M. X... a fait une utilisation permanente d'expressions de ce type pouvant susciter dans l'esprit du public une confusion sur la détention par sa société d'un éventuel agrément d'établissement de crédit notamment par le biais des documents contractuels dont il disposait pour ses clients, des prospectus ou plaquettes de présentation des produits qu'il leur destinait pour s'informer, des annonces publicitaires des entreprises de 2002 à 2004 ; que M. Y... se contentait de réfuter cette infraction en insistant sur le fait que ses sociétés étaient normalement soumises à la vigilance des organes de contrôle des îles vierges britanniques comme toutes les sociétés de courtage avec lesquelles il travaillait ;
"alors que constitue un délit, le fait pour toute entreprise autre qu'un établissement de crédit d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d'une façon générale, des expressions faisant croire qu'elle est agréée en tant qu'établissement de crédit, ou de créer une confusion en cette matière ; qu'en déclarant MM. X... et Y... coupables de ce délit, motif pris de ce que les documents financiers et commerciaux contractuels qu'ils avaient élaborés et diffusés auprès des investisseurs faisaient référence aux « marchés boursiers officiels », et à « des administrateurs mutuels agréés», ainsi qu'« à la réglementation sur le blanchiment d'argent », la cour d'appel n'a pas caractérisé l'emploi d'expressions faisant croire en l'existence d'un agrément, en violation de textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, alinéa 2, du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine d'un ans d'emprisonnement sans sursis et M. Y... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement sans sursis ;
"aux motifs que M. X... n'ignorait pas les antécédents judiciaires de M. Y... ou les mises en garde faites en octobre 2001 par la commission bancaire et financière belge contre les agissements de la société Capital, lorsqu'il a commencé à « commercialiser les produits financiers » que cette société proposait ; qu'il a poursuivi cette activité illégale pendant plusieurs années dans des conditions qui justifient sa condamnation à une peine d'emprisonnement d'un an (…) : que M. Y... a été condamné le 19 avril 2007 par l'Audiencia Provincial de Malaga (Espagne) à la peine de trois ans et six mois d'emprisonnement et à une peine d'amende du chef d'escroquerie commise le 15 décembre 2000 ; qu'il n'a pas comparu ni en première instance, ni en appel ; que la gravité des faits qui lui sont reprochés, qui lui ont permis de se faire transférer sur des comptes qu'il gérait sans contrôle des centaines de millions de francs CFP, justifie dans ce contexte qu'il soit condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement et qu'un mandat d'arrêt soit décerné à son encontre pour assurer l'exécution de sa peine et prévenir le risque de réitération des infractions dont il s'est rendu coupable ;
"alors qu'en matière correctionnelle, le juge ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; que ne répond pas aux exigences de la motivation spéciale, l'arrêt qui prononce une peine d'emprisonnement en se fondant sur la gravité de la qualification des faits poursuivis ; qu'en se bornant à affirmer, pour prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis à l'encontre de MM. X... et Y..., que la gravité des faits qui leur étaient reprochés justifiait de telles condamnations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a condamné les prévenus à une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que MM. X... et Y... devront payer chacun à la Commission bancaire au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 23 juin 2009


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 22 sep. 2010, pourvoi n°09-85665

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Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Richard

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 22/09/2010
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-85665
Numéro NOR : JURITEXT000022945191 ?
Numéro d'affaire : 09-85665
Numéro de décision : C1005285
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2010-09-22;09.85665 ?
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