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13/10/2011 | FRANCE | N°10-19386

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 octobre 2011, 10-19386


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes, 26 mars 2010), que la société Roxane Nord (la société) ayant eu recours aux prestations de service de la société Axis Logistics à l'encontre de laquelle a été constatée, dans son établissement de Saran (Loiret), une infraction de travail dissimulé, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Loiret (l'URSSAF) lui a, pour la période cour

ant du 1er juillet 2005 au 31 août 2006, notifié la réclamation d'une som...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes, 26 mars 2010), que la société Roxane Nord (la société) ayant eu recours aux prestations de service de la société Axis Logistics à l'encontre de laquelle a été constatée, dans son établissement de Saran (Loiret), une infraction de travail dissimulé, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Loiret (l'URSSAF) lui a, pour la période courant du 1er juillet 2005 au 31 août 2006, notifié la réclamation d'une somme de 374 euros au titre de la solidarité financière prévue à l'article L. 324-14 du code du travail alors applicable, au motif qu'elle n'avait pas vérifié la régularité de la société prestataire ; que contestant cette décision, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société fait grief au jugement de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ que le procès-verbal pour délit de travail dissimulé, élément substantiel de la solidarité financière imposée par l'article L. 8222-2 du code du travail, doit être communiqué à l'entreprise redressée avant l'émission du document par lequel cette solidarité est mise en cause ; qu'ayant constaté que l'URSSAF n'avait communiqué ce procès-verbal à l'entreprise donneur d'ordre que sur son injonction, sans en tirer le constat de la nullité de la procédure de recouvrement, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que toute action de recouvrement de cotisations de la sécurité sociale comprend, à peine de nullité, une phase de contrôle précédée d'un avis ; l'envoi d'une lettre d'observations portant indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés, et la notification d'un procès-verbal de fin de contrôle faisant état, le cas échéant, des observations de l'employeur ; que, saisi de la contestation par l'entreprise donneur d'ordre poursuivie au titre de la solidarité financière avec son contractant verbalisé pour travail dissimulé, le tribunal des affaires de la sécurité sociale, qui a constaté que les poursuites n'avaient pas été précédées d'une phase de contrôle, ni conclues par un procès-verbal portant mention des observations qu'avait faites l'employeur, et que la lettre d'observations ne mentionnait ni la nature des cotisations objet de la demande, ni leur mode de calcul, sans en tirer la conséquence de la nullité des poursuites, a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions alors applicables des articles L. 324-14 du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, que dans la mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'un travail dissimulé, l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, dont le juge peut toujours ordonner la production pour lever le doute invoqué par le donneur d'ordre poursuivi, ni de soumettre le donneur d'ordre au contrôle réglementairement aménagé pour le sous-traitant, auteur principal ;
Et attendu que sans constater un vice de la procédure de recouvrement, le jugement retient qu'il y a lieu d'ordonner production du procès-verbal de constat du travail dissimulé en réponse à la contestation de la réalité de cette infraction par la société, puis relève que celle-ci a obtenu, par la lettre d'observations du 30 novembre 2006, toutes informations utiles à la compréhension de sa poursuite au titre de la solidarité financière recherchée ;
Que de ces énonciations et constatations, le tribunal a, sans contradiction ni dénaturation, exactement déduit, par une décision motivée, que les exigences légales et réglementaires avaient été respectées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu que la société fait encore grief au jugement de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une facture, un chiffre d'affaires ou un courant d'affaires ne sont pas un contrat ; qu'en prenant comme critère d'application de l'article L. 8222-2 du code du travail des factures ou séries de factures d'un montant unitaire ou total supérieur à 3 000 euros, sans dire à quelle prestation commune elle correspondaient, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8222-2 et R. 8222-1 du code du travail ;
2°/ que le tribunal des affaires de la sécurité sociale était saisi concomitamment de la contestation de trois demandes de paiement de cotisations au titre de la solidarité de la société Roxane Nord, donneur d'ordre, avec la société Axis Logistics, verbalisée pour travail dissimulé dans ses trois établissements ; qu'il ressortait des lettres d'observations de l'URSSAF que les assiettes étaient identiques pour chacun des trois établissements (4 297 euros de chiffre d'affaire au titre de 2005 et 7 908 euros au titre de 2006), mais les redressements étaient différents selon les établissements (respectivement 374 euros, 1 218 euros et 363 euros), ce dont il résultait que les demandes étaient à la fois incohérentes et faisaient triple emploi ; qu'en condamnant néanmoins la société Roxane Nord, le tribunal a violé l'article L. 8222-2 du code du travail ;
Mais attendu que le jugement relève que la société ne conteste pas l'absence de vérification des documents énumérés à l'article R. 324-4 du code du travail et que le seuil de 3 000 euros fixé à l'article L. 324-14, devenu articles L. 8222-3 et R. 8222-1 du même code est incontestablement atteint puisque le tableau dressé par l'URSSAF mentionne deux factures supérieures à ce montant, alors qu'il est établi que la société est liée au sous-traitant par un contrat dont l'unique objet est soumis à des exécutions successives ; qu'il constate ensuite que le chiffrage retenu par l'URSSAF, que ne démentent pas les affirmations non justifiées de la société, met à la charge de cette dernière le redressement imposé au sous-traitant au prorata des prestations qui, exécutées par celui-ci à son profit, ont été déterminées à partir des factures émises ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, le tribunal a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Roxane Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Roxane Nord et la condamne à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Loiret la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Roxane Nord
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la Société Roxane Nord au paiement de la somme de 374 € ;
AUX MOTIFS QUE, Sur la réunion des conditions de la solidarité financière, la mise en oeuvre de la solidarité financière n'est pas subordonnée à l'existence d'une décision pénale déclarant le cocontractant qui a réalisé la prestation coupable du délit de travail dissimulé ; qu'elle peut être entreprise dès lors que l'agent de contrôle a relevé une telle infraction par procès-verbal ; qu'en exécution du jugement du 22 juin 2009, l'URSSAF a communiqué le procès-verbal de contrôle établi le 20 novembre 2006, ainsi que le procès-verbal dressé le 2 octobre 2006 par les inspecteurs de l'URSSAF de Rennes à l'encontre de la Société Axis Logistics ; que ceux-ci y relèvent : - une dissimulation d'activité par défaut de déclaration auprès des organismes de protection sociale (non fourniture des bordereaux obligatoires de cotisations de juillet 2005 à août 2006 et de la DADS 2005), et par défaut d'immatriculation de l'établissement de Saran ; - une dissimulation de salariés (non établissement des quatre derniers bulletins de salaire de tout le personnel du site de Créteil et non déclaration des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire des chauffeurs des établissements de Lieuron et Saran) ; que l'obligation de vigilance prévue à l'article L 8222-2 du Code du travail s'impose lorsque l'objet du contrat conclu porte sur une obligation au moins égale à 3.000 € ; qu'en l'espèce, les relations contractuelles sont matérialisées par des factures dont l'URSSAF fournit le tableau précisant pour chacune d'elle son numéro, sa date et son montant ; que les factures recensées concernent la seule Sté Roxane Nord et celle-ci n'explique pas en quoi l'URSSAF aurait « procédé par confusion juridique entre les diverses sociétés du groupe Roxane Nord », groupe sur lequel elle ne fournit aucune précision ; que, s'agissant du cocontractant, une société unique - la SARL Axis Logistics ayant son siège social à Créteil – l'URSSAF apparaît fondée à prendre en compte toutes les factures établies par ladite société, sans distinguer selon les établissements de Créteil, Lieuron et Saran ; que la Sté Roxane Nord ne fournit d'ailleurs aucun document permettant de vérifier le montant des factures qui lui ont été adressées par chacun des établissements spécialement par l'établissement de Saran, en ce qui concerne le présent dossier ; que le seuil de 3.000 € fixé à l'article L 324-14 est incontestablement atteint puisque le tableau dressé par l'URSSAF mentionne une facture de 4.060,42 € en date du 15 décembre 2005 et une facture de 4.158,49 € en date du 16 janvier 2006 et qu'il en ressort un chiffre d'affaires réalisé par la Sté Axis Logistics avec la Sté Roxane Nord de 4.297 € en 2005 et de 7.908 € en 2006 ; que la Sté Roxane Nord ne conteste pas ne pas avoir réclamé à la Sté Axis Logistics les documents énumérés à l'article R 324-4 du Code du travail permettant de considérer que le donneur d'ordre a satisfait à son obligation de vigilance ; que, Sur le montant imputé, la Sté Roxane nord n'explique pas en quoi la prise en compte des chiffres d'affaires tous sites de la Sté Axis Logistics confondus lui serait désavantageuse par rapport à un prorata qui serait calculé à partir des seuls chiffres d'affaires du site concerné, en l'espèce Saran ; qu'elle ne fournit d'ailleurs aucun élément, ainsi qu'il a été dit, sur son chiffre d'affaires avec ce seul établissement ;
1°) ALORS QU'une facture, un chiffre d'affaires ou un courant d'affaires ne sont pas un contrat ; qu'en prenant comme critère d'application de l'article L 8222-2 du Code du travail des factures ou séries de factures d'un montant unitaire ou total supérieur à 3.000 €, sans dire à quelle prestation commune elle correspondaient, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard des articles L 8222-2 et R 8222-1 du Code du travail.
2°) ALORS QUE le procès-verbal pour délit de travail dissimulé, élément substantiel de la solidarité financière imposée par l'article L 8222-2 du Code du travail, doit être communiqué à l'entreprise redressée avant l'émission du document par lequel cette solidarité est mise en cause ; qu'ayant constaté que l'URSSAF n'avait communiqué ce procèsverbal à l'entreprise donneur d'ordre que sur son injonction, sans en tirer le constat de la nullité de la procédure de recouvrement, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale a violé les dispositions susvisées ;
3°) ALORS QUE toute action de recouvrement de cotisations de la Sécurité sociale comprend, à peine de nullité, une phase de contrôle précédée d'un avis ; l'envoi d'une lettre d'observations portant indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés, et la notification d'un procès-verbal de fin de contrôle faisant état, le cas échéant, des observations de l'employeur ; que, saisi de la contestation par l'entreprise donneur d'ordre poursuivie au titre de la solidarité financière avec son contractant verbalisé pour travail dissimulé, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale, qui a constaté que les poursuites n'avaient pas été précédées d'une phase de contrôle, ni conclues par un procès-verbal portant mention des observations qu'avait faites l'employeur, et que la lettre d'observations ne mentionnait ni la nature des cotisations objet de la demande, ni leur mode de calcul, sans en tirer la conséquence de la nullité des poursuites, a violé l'article R 243-59 du Code de la Sécurité sociale ;
4°) ALORS QUE le tribunal des affaires de la Sécurité sociale était saisi concomitamment de la contestation de trois demandes de paiement de cotisations au titre de la solidarité de la Sté Roxane Nord, donneur d'ordre, avec la Sté Axis Logistics, verbalisée pour travail dissimulé dans ses trois établissements ; qu'il ressortait des lettres d'observations de l'URSSAF que les assiettes étaient identiques pour chacun des trois établissements (4.297 € de chiffre d'affaire au titre de 2005 et 7.908 € au titre de 2006), mais les redressements étaient différents selon les établissements (respectivement 374 €, 1.218 € et 363 €), ce dont il résultait que les demandes étaient à la fois incohérentes et faisaient triple emploi ; qu'en condamnant néanmoins la Sté Roxane Nord, le tribunal a violé l'article L 8222-2 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-19386
Date de la décision : 13/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes, 26 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 oct. 2011, pourvoi n°10-19386


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19386
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