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29/04/2014 | FRANCE | N°13-12563

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 avril 2014, 13-12563


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2013) et les productions, qu'à la suite d'un redressement fiscal, la société Maghreb distribution (la société) a été mise en liquidation judiciaire le 4 février 2008 ; que le liquidateur a, le 11 janvier 2011, saisi le tribunal d'une demande tendant au prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. X..., ancien dirigeant de la société, condamné pour fraude fiscale ;
Attendu que M. X... fait grief à

l'arrêt d'avoir prononcé cette mesure à son encontre pour une durée de di...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2013) et les productions, qu'à la suite d'un redressement fiscal, la société Maghreb distribution (la société) a été mise en liquidation judiciaire le 4 février 2008 ; que le liquidateur a, le 11 janvier 2011, saisi le tribunal d'une demande tendant au prononcé d'une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. X..., ancien dirigeant de la société, condamné pour fraude fiscale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé cette mesure à son encontre pour une durée de dix ans, alors, selon le moyen :
1°/ que l'augmentation frauduleuse du passif, pouvant donner lieu à une mesure de faillite personnelle du dirigeant d'une entreprise, doit être entendue comme la majoration volontaire et artificielle du passif de cette société ; que pour prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. X..., la cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'il aurait soustrait volontairement la société Maghreb distribution à l'impôt en France, ce qui aurait augmenté de manière frauduleuse le passif de cette dernière et entraîné l'état de cessation des paiements de celle-ci ; qu'en statuant ainsi, sans constater que M. X... aurait majoré artificiellement le passif de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 653-1 et L. 653-4 du code de commerce ;
2°/ que la faillite personnelle d'un dirigeant ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi ; que la faute de gestion ne constitue pas un cas de faillite personnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle a adopté les motifs des premiers juges, a décidé que « M. X..., a tout de même été condamné par le tribunal correctionnel par jugement du 12 septembre 2007 pour fraude fiscale dans le cadre de son mandat au sein de la société Maghreb distribution caractérisant à minima une faute de gestion » ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à justifier le prononcé d'une mesure de faillite personnelle de M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-6 du code de commerce ;
3°/ que le défaut de remise de la comptabilité n'est pas un fait de nature à justifier le prononcé de la faillite personnelle du dirigeant d'une entreprise ; qu'en énonçant, pour prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. X..., que « la comptabilité n'a pas été remise à M. Michel Z..., ès qualités, et les explications apportées à cette carence ne sont pas recevables », la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-6 du code de commerce ;
4°/ que la faillite personnelle ne peut être prononcée contre un dirigeant pour des faits postérieurs à sa démission ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il avait démissionné de ses fonctions de dirigeant de la société Maghreb distribution en 2003 de sorte qu'on ne saurait valablement lui reprocher de n'avoir pas présenté une comptabilité au moment de la nomination de M. Z... en 2008 ; qu'il soutenait qu'il n'était plus gérant à partir 2003 de la société Maghreb distribution et ne saurait être tenu responsable de l'éventuelle disparition ou l'absence de remise de la comptabilité de la société cinq ans après son départ ; qu'en prononçant néanmoins la faillite personnelle de M. X... pour non remise de la comptabilité au liquidateur en 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exposant n'avait pas cessé d'exercer ses fonctions de dirigeant de la société Maghreb distribution depuis 2003 et s'il faisait encore partie de la société à la date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et la nomination du liquidateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 653-1, L. 653-4, L. 653-5 et L. 653-6 du code de commerce ;
Mais attendu, qu'après avoir retenu que le fait de soustraire volontairement la société à l'impôt en France, dont était résulté un redressement fiscal ayant entraîné une augmentation des charges de la société et la cessation de ses paiements, la cour d'appel a pu, par ce seul motif, en déduire que le grief d'augmentation frauduleuse du passif était établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR prononcé à l'encontre de Monsieur Yvon X... une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... expose qu'il est le dirigeant de plusieurs sociétés commerciales en France ; il a développé un partenariat avec un ressortissant tunisien avec lequel il a crée une société de droit tunisien, la société Maghreb Distribution ; il dirigeait cette société avec Madame Y... ; cette société a un certificat d'identité fiscale en Tunisie ; il précise que la société Maghreb Distribution a immatriculé un établissement secondaire à Marseille ; Il ajoute qu'à la suite d'un contrôle fiscal, ladite société a fait l'objet d'un redressement et, de ce fait, s'est trouvée en état de cessation de paiements ; il relève que la cour administrative de Marseille a donné partiellement gain de cause à la société Maghreb Distribution puisque, précise-t-il, sur la créance déclarée d'un montant supérieur à six millions d'euros, un dégrèvement de plus de 90 % est intervenu ; il soutient qu'un dirigeant ne peut être sanctionné en raison d'un redressement fiscal alors qu'il y a eu simplement divergence d'interprétation de la loi fiscale sans intention frauduleuse ; Il souligne qu'il avait démissionné de ses fonctions courant 2003 et qu'il ne saurait donc lui être reproché une absence de comptabilité qui existait lorsqu'il dirigeait la société ; la cour administrative de Marseille, dans son arrêt rendu le 29 avril 2010, a, compte tenu de la déclaration d'existence enregistrée le 25 juin 2002 mentionnant un début d'activité au 1er janvier de la même année, considéré que l'activité de la société Maghreb Distribution ne pouvait être qualifiée d'occulte à compter de cette date, contrairement à l'activité exercée au cours des années 2000 et 2001 ; la cour a de ce fait déchargé la société Maghreb Distribution de la majoration qui lui avait été infligée au titre de l'année 2002 ; par ailleurs, la société Maghreb Distribution a été déchargée de l'amende fiscale prévue par l'article 1763, alors en vigueur, du code des impôts puisque celle-ci est au nombre des pénalités fiscales qui sont remises en cas de liquidation judiciaire, l'intéressé ayant fait l'objet d'une telle mesure le 4 février 2008 ; la société Maghreb Distribution n'a donc pas bénéficié d'un dégrèvement de plus de 90 % comme prétendu, le passif fiscal de celle-ci ayant été ramené à quatre millions cent cinq mille euros ; et le redressement fiscal dont a fait l'objet la société Maghreb Distribution ne saurait être retenu comme le résultat d'une simple divergence d'interprétation de la loi fiscale ; le fait de soustraire volontairement la société Maghreb Distribution à l'impôt en France a augmenté de manière frauduleuse le passif de cette dernière, entrainant l'état de cessation des paiements de celle-ci ; dès lors, et en tout état de cause, de ce seul fait, la mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans est justifiée » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Maître Michel Z... ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Maghreb Distribution reproche tout d'abord à Monsieur X... une augmentation frauduleuse du passif de la société et ensuite une absence de comptabilité ; le passif de la société s'élève à plus de 6 millions d'euros du fait d'un contrôle fiscal correspondant à 80 % à des pénalités, la mauvaise foi de Monsieur Yvon X... ayant été retenue ; le 22 septembre 2011, Monsieur Yvon X... a adressé au Tribunal une note en délibéré relative à la dette fiscale en indiquant que suite à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 29 avril 2010, un dégrèvement était intervenu laissant un passif résiduel de la société à hauteur de 591. 976 euros qu'il devrait apurer du fait de sa solidarité avec la société ; il échet d'en prendre acte ; indépendamment de cette procédure, Monsieur Yvon X... a tout de même été condamné par le Tribunal correctionnel par jugement du 12 septembre 2007 pour fraude fiscale dans le cadre de son mandat au sein de la Sarl Maghreb Distribution caractérisant, à minima, une faute de gestion ; également, contrairement à ce qu'indique Monsieur Yvon X... la comptabilité n'a pas été remise à Maître Michel Z... ès-qualités et les explications apportées à cette carence ne sont pas recevables ; en l'état de ce qui précède, il y a lieu de prononcer à l'encontre de Monsieur Yvon X... une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans, à compter de ce jour ; l'exécution provisoire s'avérant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, il échet de l'ordonner, conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE l'augmentation frauduleuse du passif, pouvant donner lieu à une mesure de faillite personnelle du dirigeant d'une entreprise, doit être entendue comme la majoration volontaire et artificielle du passif de cette société ; que pour prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de Monsieur X..., la cour d'appel s'est fondée sur le fait qu'il aurait soustrait volontairement la société Maghreb Distribution à l'impôt en France, ce qui aurait augmenté de manière frauduleuse le passif de cette dernière et entraîné l'état de cessation des paiements de celle-ci ; qu'en statuant ainsi, sans constater que Monsieur X... aurait majoré artificiellement le passif de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 653-1 et L. 653-4 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la faillite personnelle d'un dirigeant ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi ; que la faute de gestion ne constitue pas un cas de faillite personnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, si elle a adopté les motifs des premiers juges, a décidé que « Monsieur X..., a tout de même été condamné par le tribunal correctionnel par jugement du 12 septembre 2007 pour fraude fiscale dans le cadre de son mandat au sein de la Sarl Maghreb Distribution caractérisant à minima une faute de gestion » (jugement page 4, § 8) ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à justifier le prononcé d'une mesure de faillite personnelle de Monsieur X..., la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4 et L. 653-5, L. 653-6 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE, le défaut de remise de la comptabilité n'est pas un fait de nature à justifier le prononcé de la faillite personnelle du dirigeant d'une entreprise ; qu'en énonçant, pour prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de Monsieur X..., que « la comptabilité n'a pas été remise à Maître Michel Z... es-qualités et les explications apportées à cette carence ne sont pas recevables » (jugement page 4, § 8), la cour d'appel a violé les articles L. 653-1, L. 653-4 et L. 653-5, L. 653-6 du code de commerce ;
4°) ALORS ENFIN, subsidiairement, QUE la faillite personnelle ne peut être prononcée contre un dirigeant pour des faits postérieurs à sa démission ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il avait démissionné de ses fonctions de dirigeant de la société Maghreb Distribution en 2003 de sorte qu'on ne saurait valablement lui reprocher de n'avoir pas présenté une comptabilité au moment de la nomination de Maître Z... en 2008 (conclusions page 6, § § 7-10) ; qu'il soutenait qu'il n'était plus gérant à partir 2003 de la société Maghreb Distribution et ne saurait être tenu responsable de l'éventuelle disparition ou l'absence de remise de la comptabilité de la société cinq ans après son départ ; qu'en prononçant néanmoins la faillite personnelle de Monsieur X... pour non remise de la comptabilité au liquidateur en 2008, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exposant n'avait pas cessé d'exercer ses fonctions de dirigeant de la société Maghreb Distribution depuis 2003 et s'il faisait encore partie de la société à la date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et la nomination du liquidateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 653-1, L. 653-4 et L. 653-5 et L. 653-6 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-12563
Date de la décision : 29/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Responsabilités et sanctions - Faillite et interdictions - Faillite personnelle - Cas - Augmentation frauduleuse du passif - Faits - Soustraction volontaire de la société à l'impôt - Redressement fiscal et cessation des paiements en résultant

Une cour d'appel, qui a retenu que le seul fait pour un dirigeant de soustraire volontairement sa société à l'impôt en France ce dont il était résulté un redressement fiscal ayant entraîné une augmentation des charges de celle-ci et la cessation de ses paiements, a pu en déduire que l'augmentation frauduleuse du passif de la personne morale prévue à l'article L. 653-4, 5°, du code de commerce était ainsi établie de sorte qu'une faillite personnelle pouvait être prononcée contre lui


Références :

article L. 653-4, 5°, du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 avr. 2014, pourvoi n°13-12563, Bull. civ.Bull. 2014, IV, n° 75
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2014, IV, n° 75

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Le Mesle (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Vallansan
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.12563
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