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23/10/2014 | FRANCE | N°13-14993

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2014, 13-14993


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 janvier 2013), que M. X... est entré au service de la société Transports Lacassagne le 5 octobre 1992 en qualité de chauffeur poids lourd ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les parties s'opposent sur les engagements souscrits dans le cadre d'une convention et que l'une des parties prétend que les termes de la conve

ntion dont l'autre partie réclame application ne résultent que d'une erreur de plume,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 janvier 2013), que M. X... est entré au service de la société Transports Lacassagne le 5 octobre 1992 en qualité de chauffeur poids lourd ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les parties s'opposent sur les engagements souscrits dans le cadre d'une convention et que l'une des parties prétend que les termes de la convention dont l'autre partie réclame application ne résultent que d'une erreur de plume, il convient de rechercher leur commune intention, plutôt que de s'arrêter au sens littéral de l'acte ; que par ailleurs, le juge doit statuer par des motifs propres à établir la commune intention des parties ; de sorte qu'en s'étant abstenue de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les parties n'avaient pas convenu, lors de la conclusion de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, de mettre en conformité les dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise avec la nouvelle réglementation et notamment avec le décret n° 2002-622 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dit « décret Gayssot II », qui prévoyait expressément que les heures de travail accomplies par le personnel roulant entre la 170e et la 186e heure devaient être majorées de 25 %, et si, par conséquent, l'insertion d'une clause prévoyant que les heures de travail accomplies à partir de la 170e heure devait être rémunérées avec une majoration de 50 % et non de 25 % ne constituait pas, comme le faisait valoir l'employeur, une erreur purement matérielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 et 1156 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que l'erreur de plume doit être corrigée selon ce que la raison commande ; de sorte qu'en décidant de s'arrêter au sens littéral de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, bien qu'il n'a pas été contesté que cet accord d'entreprise était destiné à mettre en conformité les dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise avec la nouvelle réglementation et notamment avec le décret n° 2002-622 du 25 avril 2002 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dit « décret Gayssot II », et que M. X..., qui avait été, pour l'une des organisations syndicales, signataire de l'accord litigieux, n'avait jamais revendiqué, pendant sept ans, l'application des dispositions de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1135 et L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que la fraude corrompt tout ; constitue une fraude aux droits de l'employeur le fait, pour un salarié, de se prévaloir d'une stipulation entachée d'une erreur matérielle, ne reflétant manifestement pas la commune intention des parties telle qu'elle existait lors de la conclusion de la convention, afin d'obtenir un avantage indu ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le fait, pour M. X... de se prévaloir des dispositions de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 qu'il savait, en tant que signataire, ne pas correspondre à la commune intention des parties lors de sa conclusion afin d'obtenir des avantages financiers indus ne caractérisait pas une fraude aux droits de la société Transports Lacassagne, sans même examiner l'attestation tout à fait déterminante d'un cosignataire de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, M. Natale Y..., laquelle faisait très clairement ressortir que les parties à l'accord, et notamment les organisations syndicales, n'avaient jamais eu l'intention d'introduire dans l'accord une majoration de 50 % à partir de la 170e heure, de sorte que cette disposition ne résultait que d'une erreur purement matérielle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'adage "frais omnia corrumpit", ensemble des articles 1134 et 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que dans ses conclusions, la société Transports Lacassagne faisait valoir que la mauvaise foi de M. X... résultait de l'attestation de M. Natale Y..., laquelle faisait très clairement ressortir que les parties qui avaient négocié et signé l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 n'avaient jamais eu l'intention d'introduire dans l'accord une majoration de 50 % à partir de la 170e heure ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 obligeait la société Transports Lacassagne à payer aux conducteurs routiers une rémunération majorée de 50 % à partir de de la 170e heure, sans répondre au moyen, pertinent et étayé, tiré de ce que M. Natale Y... cosignataire de l'acte pour le syndicat FO Transports, déniait que les organisations syndicales aient entendu accorder une majoration plus favorable que celle prévue par le décret Gayssot au titre des heures accomplies entre la 170e et la 186e heure, de sorte que M. X... également cosignataire de l'accord en tant que représentant le syndicat CFDT, ne pouvait être que de mauvaise foi en invoquant à son profit une stipulation entachée d'erreur matérielle, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur un élément de preuve qu'elle avait décidé d'écarter et qui a procédé aux recherches prétendument omises, a retenu que l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, prévoyant une rémunération majorée de 50 % à compter de la 170e heure, qui avait été prorogé par des avenants en 2004 et 2006, ne résultait pas d'une erreur et devait recevoir application; que le moyen, nouveau comme mélangé de fait et de droit dans sa troisième branche, et partant irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Transports Lacassagne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Transports Lacassagne et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Transports Lacassagne

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de 23.366,06 euros, de 2.336,60 euros et de 6.881,21 euros à titre, respectivement, de rappel de salaire pour heures supplémentaires, des congés payés y afférents, d'indemnité pour perte de repos compensateurs ainsi qu'au titre de la prise en charge des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires, Monsieur X... demande un rappel de salaire sur la rémunération des heures supplémentaires comprises entre la 170ème et la 186ème conformément à l'accord d'entreprise, daté du 6 décembre 2002 prévoyant dans son article 3bis que :"l'ensemble du personnel roulant de la SAS LACASSAGNE bénéficiera des majorations prévues par les dispositions maintenues dans le décret Gayssot dans la limite des heures rémunérées fixées par le présent accord et selon les modalités suivantes : - majoration de 25 % des temps de service mensuels rémunérés de la 153e à la 169e heures mensuelles, - majoration de 50 % des temps de service mensuels rémunérés de la 170e à la 186e eures mensuelles, - majoration de 50 % des temps de service mensuels rémunérés dès la 187e heure mensuelle. Ces majorations s'appliquent sur les taux horaires bruts de l'ensemble du personnel de conduite. " ; que l'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir que ce taux de 150% mentionné dans cet accord pour les "temps de service mensuels rémunérés de la 170e à la 186e heures mensuelles" résulte d'une erreur de plume, la majoration étant en réalité de 125% comme appliquée à la rémunération de Monsieur X..., qu'il apparaît toutefois que cet accord a été prorogé par des avenants datés des 8 mars 2004 et 1er décembre 2006 sans qu'à aucun moment l'erreur de plume invoquée n'ait été réparée ; qu'il convient en conséquence de considérer la demande de Monsieur X... bien fondée de ce chef ;

ALORS QUE, premièrement, lorsque les parties s'opposent sur les engagements souscrits dans le cadre d'une convention et que l'une des parties prétend que les termes de la convention dont l'autre partie réclame application ne résultent que d'une erreur de plume, il convient de rechercher leur commune intention, plutôt que de s'arrêter au sens littéral de l'acte ; que par ailleurs, le juge doit statuer par des motifs propres à établir la commune intention des parties ; de sorte qu'en s'étant abstenue de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les parties n'avaient pas convenu, lors de la conclusion de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, de mettre en conformité les dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise avec la nouvelle réglementation et notamment avec le décret n°2002-622 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dit « décret GAYSSOT II », qui prévoyait expressément que les heures de travail accomplies par le personnel roulant entre la 170e et la 186e heure devaient être majorées de 25%, et si, par conséquent, l'insertion d'une clause prévoyant que les heures de travail accomplies à partir de la 170e heure devait être rémunérées avec une majoration de 50% et non de 25% ne constituait pas, comme le faisait valoir l'employeur, une erreur purement matérielle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 et 1156 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'erreur de plume doit être corrigée selon ce que la raison commande ; de sorte qu'en décidant de s'arrêter au sens littéral de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, bien qu'il n'a pas été contesté que cet accord d'entreprise était destiné à mettre en conformité les dispositions conventionnelles applicables au sein de l'entreprise avec la nouvelle réglementation et notamment avec le décret n°2002-622 du 25 avril 2002 du 25 avril 2002 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, dit « décret GAYSSOT II », et que M. X..., qui avait été, pour l'une des organisations syndicales, signataire de l'accord litigieux, n'avait jamais revendiqué, pendant sept ans, l'application des dispositions de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 1135 et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, troisièmement, la fraude corrompt tout ; constitue une fraude aux droits de l'employeur le fait, pour un salarié, de se prévaloir d'une stipulation entachée d'une erreur matérielle, ne reflétant manifestement pas la commune intention des parties telle qu'elle existait lors de la conclusion de la convention, afin d'obtenir un avantage indu ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si le fait, pour M. X..., de se prévaloir des dispositions de l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 qu'il savait, en tant que signataire, ne pas correspondre à la commune intention des parties lors de sa conclusion afin d'obtenir des avantages financiers indus ne caractérisait pas une fraude aux droits de la société TRANSPORTS LACASSAGNE, sans même examiner l'attestation tout à fait déterminante d'un cosignataire de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002, M. Natale Y..., laquelle faisait très clairement ressortir que les parties à l'accord, et notamment les organisations syndicales, n'avaient jamais eu l'intention d'introduire dans l'accord une majoration de 50% à partir de la 170e heure, de sorte que cette disposition ne résultait que d'une erreur purement matérielle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'adage "frais omnia corrumpit", ensemble des articles 1134 et 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

ALORS QUE, quatrièmement, dans ses conclusions (conclusions d'appel, p. 4), la société TRANSPORTS LACASSAGNE faisait valoir que la mauvaise foi de M. X... résultait de l'attestation de M. Natale Y..., laquelle faisait très clairement ressortir que les parties qui avaient négocié et signé l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 n'avaient jamais eu l'intention d'introduire dans l'accord une majoration de 50% à partir de la 170e heure ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que l'article 3 bis de l'accord d'entreprise du 6 décembre 2002 obligeait la société TRANSPORTS LACASSAGNE à payer aux conducteurs routiers une rémunération majorée de 50% à partir de de la 170e heure, sans répondre au moyen, pertinent et étayé, tiré de ce que Natale Y... cosignataire de l'acte pour le syndicat FO Transports, déniait que les organisations syndicales aient entendu accorder une majoration plus favorable que celle prévue par le décret GAYSSOT au titre des heures accomplies entre la 170e et la 186e heure, de sorte que M. X..., également cosignataire de l'accord en tant que représentant le syndicat CFDT, ne pouvait être que de mauvaise foi en invoquant à son profit une stipulation entachée d'erreur matérielle, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14993
Date de la décision : 23/10/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 31 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2014, pourvoi n°13-14993


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14993
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