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06/11/2014 | FRANCE | N°13-22687

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 novembre 2014, 13-22687


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de tr

aités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéfic...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., de nationalité égyptienne, est entré en France, le 24 octobre 2007, et a obtenu une carte de séjour temporaire, mention étudiant; que Mme X... est entrée en France un an plus tard, avec leurs deux enfants Anas et Omar, nés le 16 mars 2005 et le 12 avril 2007, et a obtenu une carte de séjour temporaire, mention visiteur; que la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne (la caisse) lui ayant refusé le bénéfice de prestations familiales au motif qu'il ne produisait pas le certificat médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir ce dernier, l'arrêt constate que M. X..., titulaire d'une carte de séjour portant la mention étudiant, ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui concerne la carte de séjour temporaire portant la mention "scientifique-chercheur", et qu'il ne conteste pas que ses enfants Anas et Oman, nés en République arabe d'Egypte, sont entrés en France avec leur mère dans le cadre d'une autorisation de séjour visiteur et non d'un regroupement familial, et qu'ils ne sont pas, dès lors, titulaires du certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ni d'aucun autre des documents énumérés par les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il relève qu'il est établi par les pièces du dossier que les enfants Anas et Oman ont été, dès leur arrivée en France, régulièrement scolarisés en grande et petite section de maternelle ; que l'exigence d'un certificat de contrôle médical délivré par l'OFII, qui s'explique dans le cadre d'une procédure de regroupement familial intervenant a priori avant l'admission des enfants en France, n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce, le contrôle des conditions d'accueil des enfants étant suffisamment assuré par la délivrance d'un titre de séjour de longue durée et leur scolarisation au sein d'un établissement relevant du ministère de l'éducation nationale ; que M. X... étant titulaire d'un titre de séjour "étudiant" et non "scientifique-chercheur" et ne pouvant ainsi solliciter et obtenir un certificat de l'OFII dans la mesure où il ne fait pas partie des personnes qui peuvent y prétendre, le fait pour la caisse, alors que sa situation et celle de ses enfants en France est régulière, de lui opposer le défaut de production du certificat médical porte frontalement atteinte à son droit à une vie familiale normale; qu'il retient enfin que M. X... est ressortissant de la République arabe d'Egypte qui a conclu avec l'Union européenne un accord euro-méditerranéen signé le 25 juin 2001 et ratifié par la France en vertu d'une loi n° 2003-208 du 12 mars 2003, accord dont l'article 23 instaure entre les parties un dialogue régulier portant sur les questions sociales qui présentent un intérêt pour elles et, notamment, la circulation des travailleurs, l'égalité de traitement et l'intégration sociale des ressortissants égyptiens et européens résidant légalement sur le territoire des Etats hôtes ; qu'il en résulte que l'exigence d'un certificat médical délivré par l'OFII pour la délivrance des prestations familiales au bénéfice d'enfants égyptiens qui s'ils ne sont pas entrés en France au titre du regroupement familial, le sont en vertu d'un titre de séjour régulier qui garantit par lui-même les conditions d'accueil des enfants sur le territoire, institue une discrimination directement fondée sur la nationalité ;
Qu'en statuant ainsi à la fois par des considérations inopérantes, alors qu'elle constatait que M. X... ne justifiait pas de l'une des situations mentionnées par le texte susvisé, et par un motif erroné en droit tiré de la méconnaissance prétendue des stipulations purement programmatiques de l'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats-membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part, ainsi que de l'Acte final y afférent signés le 25 juin 2001, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ledit texte ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne.
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR dit que Mahmoud X... devait bénéficier des prestations familiales pour ses enfants Anas et Oman, nés en République arabe d'Egypte, à compter de novembre 2008
AUX MOTIFS QU'il résultait de l'article L.512-2 du Code de l a sécurité sociale que bénéficient de plein droit des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Et at membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat parti à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre leur permettant de résider régulièrement en France, sous réserve de justifier pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de la régularité de leur séjour en France par la production d'un des documents énumérés par l'article D.512-2 du même Code ; que Monsieur X... ne conteste pas que ses enfants, Anas et Oman, nés en République arabe d'Egypte, sont entrés en France avec leur mère dans le cadre d'une autorisation de séjour visiteur et non d'un regroupement familial, de telle sorte qu'ils ne sont pas titulaires du certificat de contrôle médical délivré par l'OFII, ni d'aucun autre des documents énumérés par l'article D.512-2 ; que les articles L.512-2 et D.512-2, dans leur rédaction issue de la loi du 19 décembre 2005 et du décret du 27 février 2006 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dans la mesure où ils revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ; qu'en l'espèce, il était établi par les pièces du dossier que les enfants Anas et Omar X... étaient arrivés en France avec leur mère, munis d'un visa visiteur les autorisant à séjourner sur le territoire jusqu'au 3 février 2014, date prévisible de l'issue du travail scientifique de leur père ; que dès leur arrivée, ils avaient été régulièrement scolarisés en grande et petite section de maternelle ; que l'exigence d'un certificat de contrôle médical délivré par l'OFFI, qui s'explique dans le cadre d'une procédure de regroupement familial intervenant a priori, avant l'admission des enfants en France, n'avait pas lieu de s'appliquer en l'espèce, le contrôle des conditions d'accueil des enfants étant suffisamment assuré par la délivrance d'un titre de séjour de longue durée et leur scolarisation au sein d'un établissement relevant du ministère de l'éducation nationale ; que Monsieur X..., auquel avait été délivré un titre de séjour « étudiant », et non un titre de séjour « scientifique chercheur » ne pouvait solliciter et obtenir de l'OFFI, dans la mesure où il ne faisait pas partie des personnes pouvant y prétendre, alors que sa situation en France et celle de ses enfants était régulière ; que le fait pour la caisse de lui opposer le défaut de production dudit certificat médical portait frontalement atteinte à son droit à une vie familiale normale ; que Monsieur X... était par ailleurs ressortissant de la République arabe d'Egypte, qui avait conclu avec l'Union Européenne un accord méditerranéen signé le 25 juin 2001 et ratifié par la France en vertu d'une loi n°2003-208 du 12 mars 2003, dont l'article 25 était ainsi rédigé : « 1. Il est instauré entre les parties un dialogue régulier portant sur les questions sociales qui présentent un intérêt pour elles. 2. Ce dialogue est l'instrument de la recherche des voies et conditions de progrès à réaliser pour la circulation des travailleurs, l'égalité de traitement et l'intégration sociale des ressortissants égyptiens et communautaires résidant légalement sur les territoires des Etats hôtes. 3. Le dialogue porte notamment sur tous les problèmes relatifs (...) d) aux actions favorisant l'égalité de traitement entre les ressortissants égyptiens et communautaires, la connaissance mutuelle des cultures et civilisations, le développement de la tolérance et l'abolition des discriminations » ; qu'il résultait de l'ensemble de ces observations que l'exigence d'un certificat médical délivré par l'OFII pour la délivrance des prestations familiales au bénéfice d'enfants de ressortissants égyptiens, qui s'ils n'étaient pas entrés en France au titre du regroupement familial l'étaient en vertu d'un titre de séjour régulier qui garantissait par lui-même les conditions d'accueil sur le territoire français, instituait une discrimination directement fondée sur la nationalité, de telle sorte qu'elle devait être écartée
ALORS D'UNE PART QU'en application de l'article L.512-1 du Code de la sécurité sociale, toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales ; que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union Européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération Suisse, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants de l'une des situations énumérées à l'article L.512-2 du même Code ; que, notamment, l'article D.512-2-2° prévoit que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production « du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial » ; qu'il n'appartient pas au juge de substituer sa propre appréciation des faits au mode de preuve légalement institué qui revêt un caractère objectif, justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfants ; et qu'en considérant que l'exigence d'un certificat de contrôle délivré par l'OFII n'avait pas lieu de s'appliquer en l'espèce, au motif que le contrôle des conditions d'accueil des enfants était suffisamment assuré par la délivrance d'un titre de séjour longue durée et leur scolarisation au sein d'un établissement relevant du ministère de l'éducation nationale, la cour d'appel a violé les articles L.512-2 et D.512-2, 2° du Code de la sécurité sociale
ALORS D'AUTRE PART QUE l'article 63 de l'accord euro méditerranéen signé le 25 juin 2001 et ratifié par la France en vertu de la loi N°2003-208 du 12 mars 2003, qui prévoit l'instauration entre les parties d'un dialogue régulier portant sur les questions sociales afin de rechercher les voies et conditions de progrès à réaliser pour, notamment, l'égalité de traitement et l'intégration sociale des ressortissants égyptiens résidant légalement sur les territoires des Etats hôtes, le dialogue portant ainsi sur les problèmes relatifs « aux actions favorisant l'égalité de traitement entre les ressortissants égyptiens et communautaires, la connaissance mutuelle des cultures et civilisations, le développement de la tolérance et l'abolition des discriminations », n'institue aucune norme claire, précise et inconditionnelle qui pourrait s'appliquer par elle-même sans l'intervention d'aucun acte ultérieur et se trouve ainsi dépourvu de tout effet direct, de telle sorte qu'en se fondant sur ce texte, la cour d'appel l'a faussement appliqué et violé les articles L512-2 et D.512-2 2° du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-22687
Date de la décision : 06/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Conditions - Détermination - Portée

SECURITE SOCIALE, PRESTATIONS FAMILIALES - Prestations - Bénéficiaires - Enfant mineur étranger résidant en France - Conditions - Situation limitativement énumérée par l'article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale - Preuve - Défaut - Portée

Selon l'article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération helvétique, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement. Viole ce texte la cour d'appel qui fait droit à la demande de prestations familiales formulée par un ressortissant égyptien, alors qu'elle constatait que celui-ci ne justifiait pas de l'une des situations mentionnées par le texte


Références :

article L. 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 20 juin 2013

Sur les conditions déterminant le droit aux prestations familiales au titre des enfants mineurs étrangers résidant en France, à rapprocher : Ass. plén., 12 juillet 2013, pourvoi n° 11-17520, Bull. 2013, Ass. plén., n° 4 (2) (acceptation de la requête en interprétation d'arrêt)

arrêt cité ;

2e Civ., 19 septembre 2013, pourvoi n° 12-24299, Bull. 2014, II, n° 178 (rejet), et les arrêts cités ;

2e Civ., 6 novembre 2014, pourvoi n° 13-23318, Bull. 2014, II, n° 223 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 nov. 2014, pourvoi n°13-22687, Bull. civ. 2014, II, n° 226
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, II, n° 226

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : Mme Lapasset
Rapporteur ?: M. Prétot
Avocat(s) : SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22687
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