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13/11/2014 | FRANCE | N°13-10721

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2014, 13-10721


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 3122-9 et L. 3122-10 dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'accord collectif du 10 avril 1997 et son avenant du 5 juillet 2007 ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond

de 1607 heures. La convention ou l'accord peut fixer un plafond infé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 3122-9 et L. 3122-10 dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l'accord collectif du 10 avril 1997 et son avenant du 5 juillet 2007 ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1607 heures. La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur... ; qu'aux termes du second, constituent des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions relatives au décompte et au paiement des heures supplémentaires, au contingent annuel d'heures supplémentaires et au repos compensateur obligatoire : ...2° les heures effectuées au-delà de 1607 heures ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord, déduction faite des heures supplémentaires déjà comptabilisées au titre du 1° ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de fixation par l'accord collectif d'un seuil de déclenchement inférieur, seules les heures effectuées au-delà de 1607 heures constituent des heures supplémentaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... travaille au service de la société de transports du groupe Even (STGE), en qualité de chauffeur, depuis novembre 1998 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'application de l'accord de réduction du temps de travail conclu le 10 avril 1997 dans le cadre de la loi Robien n° 96-502 du 11 juin 1996 ;
Attendu que pour dire que le décompte des heures supplémentaires devrait être effectué au-delà du seuil annuel fixé par l'accord, soit 1470 heures, l'arrêt retient, en se fondant sur l'article L. 3122-4 du code du travail, que l'horaire collectif adopté à compter de l'accord de 1997 prévoyait 32 heures 30 par semaine, soit un total de 1470 heures et que l'accord ne prévoyant pas les modalités de rémunération des heures effectuées au-delà de cet horaire, les dispositions légales doivent trouver application et que par application de ce texte, les heures supplémentaires doivent être considérées comme telles au-delà de 1470 heures ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord collectif du 10 avril 1997 et les avenants postérieurs à celui-ci ne prévoient pas un seuil de déclenchement des heures supplémentaires inférieur au seuil légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société STGE à payer à M. X... 300 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d'information sur la modulation dans le contrat de travail et 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements dans l'exécution du contrat de travail, l'arrêt rendu le 21 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société STGE
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le décompte des heures supplémentaires devrait être effectué au-delà du seuil annuel fixé par accord, soit 1.470 heures, d'avoir renvoyé les parties à établir un décompte des heures à rémunérer sur ces bases, et d'avoir condamné la société STGE à verser à Monsieur X... le montant ainsi déterminé ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des énonciations du jugement, des écritures des parties et des pièces produites que: La convention collective applicable au contrat de travail de monsieur X... est celle de la fédération nationale des coopératives laitières ; que Monsieur X... a été embauché pour un temps plein correspondant à 32h30 par semaine, soit 140,45 h mensuelles avec une rémunération correspondant au coefficient 190 de cette convention, il est actuellement classé au coefficient 200 ; que sa rémunération actuelle comprend un salaire brut de 1302,25 € et une indemnité additionnelle de 183,32¿ outre les éventuelles heures supplémentaires ; Sur les dommages et intérêts pour défaut d'information sur la modulation dans le contrat de travail et diminution du complément RTTO : le contrat de travail de monsieur X... régularisé en 1998(CDD) puis en 2000(CDI) fait référence à la convention collective applicable, mais non à l'accord d'entreprise de 1997 ; qu'aux termes de l'article L 2262-5 du code du travail, les conditions d'information des salariés et des représentants du personnel sont définies par convention de branche ou accord professionnel ; qu'en l'absence d'une telle convention, l'employeur se doit au moment de l'embauche, de remettre au salarié une notice d'information relative aux textes conventionnels applicables, sans que l'absence de cette remise ne s'accompagne de sanction ; qu'en l'espèce, lors de l'embauche de monsieur X..., l'accord de 1997 était applicable, mais l'employeur n'y a pas fait référence dans le contrat de travail, alors que cet accord avait des répercussions importantes en termes d'organisation du temps de travail ; que cette absence d'information a nécessairement causé au salarié un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 300¿ à titre de dommages et intérêts. Sur les dommages et intérêts pour non-respect du décompte annuel des heures et pour le non-respect des horaires contractuellement prévus : Il résulte des documents produits que l'accord de 1997 ne prévoyait pas le décompte annuel des heures, que c'est l'accord de 2007 qui a défini cette période après intervention de l'inspection du travail ; qu'à la suite de cette intervention, l'avenant du 5 juillet 2007 précise que: "Le solde annuel des banques d'heures non évoqué dans l'accord initial en application duquel il était procédé à une régularisation continue des soldes individuels, est néanmoins possible. La date du 31 octobre est en conséquence retenue¿ Un décompte annuel détaillé des heures supplémentaires éventuellement payés en cours d'année et du solde à date sera établi pour chaque salarié ... .Il est toutefois convenu que sous condition que le salarié en ait pris l'option dès le début de la période d'annualisation, ces heures pourront en tout ou partie être récupérées au plus tard au cours des deux mois suivant le solde, le reliquat éventuel devant être payé..." ; qu'au regard de ce texte, il apparaît que les partenaires avaient omis d'insérer dans l'accord une période de référence, qu'il n'est pas contesté que le salarié a été réglé de l'intégralité des sommes qui lui étaient dues au titre des heures effectuées, ou qu'il a pu bénéficier de jours de récupération ; que Monsieur X... était embauché pour un horaire hebdomadaire de 32 heures, l'accord prévoyait une moyenne de 32h30 pour les chauffeurs, et le salarié soutient sans être utilement contredit, que l'horaire moyen des chauffeurs était plutôt de 35 heures hebdomadaires. que la possibilité d'une flexibilité de l'horaire et d'un dépassement de l'horaire contractuel prévu n'est pas mentionnée au contrat de travail alors qu'il n'est pas contesté par l'employeur que le recours à un tel dépassement était quasiment systématique à certaines périodes ; que ces deux manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail seront réparés par l'allocation d'une somme de 500¿ à titre de dommages et intérêts ; Sur les demandes liées au seuil de déclenchement des heures supplémentaires : Aux termes de l'article L 3122-4 du code du travail , lorsqu'un accord collectif organise une variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l'année... constituent des heures supplémentaires, selon le cadre retenu par l'accord ou pour le décret pour leur décompte: -Les heures effectuées au-delà de 1607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par l'accord, déduction faite le cas échéant, des heures supplémentaires effectuées au delà de la limite haute hebdomadaire éventuellement fixées par l'accord et déjà comptabilisés ; que l'employeur soutient que l'accord signé en 1997 prévoit que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires demeure celui de 35h hebdomadaires ; que Monsieur X... fait valoir au contraire qu'en application de l'accord, le seuil de déclenchement est bien 32H30 et non 35 heures ; qu'il résulte des écritures de l'employeur que l'horaire collectif adopté à compter de l'accord de 1997 prévoyait 32h30 par semaine, soit un total annuel de 1470 heures (conclusions page 27) ; que par ailleurs, l'accord ne prévoyant pas les modalités de rémunération des heures effectuées au-delà de cet horaire, les dispositions légales doivent trouver application, et par application de ce texte, les heures supplémentaires doivent être considérées comme telles au delà de 1470 heures mensuelles, le jugement de première instance étant réformé de ce chef ; que le salarié ne produit cependant à l'appui de ses prétentions salariales qu'un décompte imprécis et peu exploitable, ne précisant pas notamment pour chaque année considérée le total des heures à indemniser au delà du seuil de 1470 heures, et les modalités de calcul du complément RTT, et la Cour n'étant pas le comptable des parties, il convient d'ordonner à celles-ci de présenter un décompte précis selon les modalités précisées au dispositif » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE sauf dispositions conventionnelles en ce sens, lorsque la durée collective de travail dans l'entreprise est inférieure à la durée légale, seules les heures accomplies au-delà de la durée légale constituent des heures supplémentaires devant donner lieu au paiement d'une majoration en application de l'article L. 3121-22 du Code du travail ; qu'au cas présent, l'accord de réduction du temps de travail du 10 avril 1997, s'il prévoit une réduction de la durée collective du travail hebdomadaire de 38 heures à 32 heures 30 sur quatre jours, n'a prévu aucune dérogation au seuil légal de déclenchement des heures supplémentaires prévu par la loi ; que l'avenant à cet accord en date du 5 juillet 2007 confirme l'existence de la distinction entre les heures supplémentaires dites « simples » effectuées au-delà d'une moyenne de 32 heures 30 hebdomadaires sur l'année et, par ailleurs, les heures supplémentaires dites majorées effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ; qu'il résulte de ces accords collectifs que seules les heures effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire de 35 heures constituent des heures supplémentaires devant donner lieu à majoration ; que la société STGE soutenait, sans être contredite qu'elle avait procédé au paiement majoré de toutes les heures effectuées par Monsieur X... au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ; qu'en estimant néanmoins, nonobstant l'absence de fixation par l'accord du 10 avril 1997 et ses avenants d'un seuil de déclenchement des heures supplémentaires dérogatoires à celui fixé par l'article L. 3121-22 du Code du travail, que le décompte des heures supplémentaires devrait être effectué au-delà du « seuil annuel fixé par accord, soit 1.470 heures », la cour d'appel a violé l'article 1-1 de l'accord collectif du 10 avril 1997 et ses avenants du 14 février 2005 et du 5 juillet 2007, ensemble l'article L. 3121-22 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article 20 V de la loi du 20 août 2008 que les accords relatifs à la durée du travail conclus antérieurement à son entrée en vigueur restent soumis aux dispositions en vigueur au moment de leur conclusion ; qu'au cas présent, les différents accords relatifs à la durée du travail applicable au sein de la société STGE étaient antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 ; qu'en se fondant néanmoins sur l'article L. 3122-4 du Code du travail, issu de la Loi du 20 août 2008, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 20 V de la loi du 20 août 2008 et les articles 2 du Code civil et 12 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10721
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Heures supplémentaires - Définition - Critères - Durée légale du travail - Durée conventionnelle inférieure - Dépassement - Conditions - Détermination

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Accords collectifs - Accords d'entreprise - Accord d'aménagement du temps de travail - Seuil de déclenchement des heures supplémentaires - Détermination - Défaut - Portée

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 3122-9 et L. 3122-10 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, qu'en l'absence de fixation par l'accord collectif d'un seuil de déclenchement inférieur à 1607 heures, seules les heures effectuées au-delà de ce seuil constituent des heures supplémentaires


Références :

Articles L. 3122-9 et L. 3122-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige

Accord de réduction du temps de travail du 10 avril 1997 et son avenant du 5 juillet 2007.

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 novembre 2012

Sur la dissociation entre la durée conventionnelle du travail et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, à rapprocher :Soc., 10 février 1998, pourvoi n° 95-42334, Bull. 1998, V, n° 75 (4) (cassation partielle). Sur les seuils déterminant le décompte des heures supplémentaires en cas de modulation conventionnelle de la durée du travail, à rapprocher :Soc., 13 juillet 2010, pourvoi n° 08-44550, Bull. 2010, V, n° 177 (cassation partielle) ;Soc., 9 février 2011, pourvoi n° 09-42939, Bull. 2011, V, n° 46 (cassation partielle) ;Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 11-17644 à 11-17.647, Bull. 2013, V, n° 270 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2014, pourvoi n°13-10721, Bull. civ. 2014, V, n° 263
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, V, n° 263

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Liffran
Rapporteur ?: Mme Goasguen
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10721
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