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13/11/2014 | FRANCE | N°13-18843

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2014, 13-18843


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 avril 2013), statuant après renvoi de cassation (Soc., 13 juin 2012, n° 11-12. 152) que M. X..., engagé le 19 janvier 1998 par la Société de représentation pour la diffusion de produits industriels et commerciaux (Soreps) en qualité de VRP, s'estimant victime de harcèlement moral, a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'

employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 avril 2013), statuant après renvoi de cassation (Soc., 13 juin 2012, n° 11-12. 152) que M. X..., engagé le 19 janvier 1998 par la Société de représentation pour la diffusion de produits industriels et commerciaux (Soreps) en qualité de VRP, s'estimant victime de harcèlement moral, a saisi la juridiction prud'homale de demandes de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen, que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce pour considérer qu'était établie l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M. X..., la cour d'appel a retenu que M. Y... avait réalisé en dix mois en 2005 sur le même secteur de la Mayenne 70 292 euros, soit en extrapolant sur une année 84 350 euros et en a déduit qu'aucune pièce ne permettait de retenir que les résultats obtenus pas le salarié auraient été très inférieurs à ceux des autres commerciaux et que le ton discourtois employé par la société Soreps dans ses courriers n'était pas justifié ; que pourtant, la pièce n° 14 versée aux débats par la société Soreps mentionne que les résultats obtenus par M. Didier Y... en 2005 sur le secteur de la Mayenne se sont élevés à 182 238 euros et non à 70 292 euros ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé cette pièce en violation des dispositions de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les résultats obtenus par le salarié ne justifiaient pas le ton plus que discourtois utilisé par l'employeur dans une première lettre recommandée, qu'une deuxième lettre recommandée de mise en garde lui avait été envoyée pendant un arrêt pour maladie et une troisième, lui reprochant l'absence de rapport d'activité, pendant ses congés, qu'il n'avait pas fait l'objet d'une visite médicale de reprise après son arrêt pour maladie de plus de vingt et un jours, que son directeur des ventes lui avait annoncé l'intention de la direction de le licencier dans les trois mois parce qu'il n'avait pas atteint ses objectifs et que sa dépression et son arrêt de travail étaient directement en rapport avec les pressions ainsi exercées par son employeur, la cour d'appel a caractérisé des agissements de harcèlement moral que ne peut justifier l'insuffisance des résultats du salarié ; qu'il s'ensuit que le moyen, qui invoque la dénaturation d'une attestation destinée à établir la réalité de cette insuffisance, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de représentation pour la diffusion de produits industriels et commerciaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société de représentation pour la diffusion de produits industriels et commerciaux à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société de représentation pour la diffusion de produits industriels et commerciaux.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SOREPS à verser à Monsieur X... une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « L'article L. 122-49 du Code du travail, devenu l'article L. 1152-1, dispose qu'« aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Selon l'article L. 122-52 du même Code, devenu, L. 1154-1, applicable en matière de harcèlement et interprété à la lumière de la directive CE/ 2000/ 78 du 27 novembre 2000, en cas de litige relatif à l'application du texte ci-dessus, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ce dernier texte que le salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral doit produire des éléments propres à établir la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué, cette obligation ayant pour portée de permettre à l'employeur de se défendre utilement en établissant que ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement et procèdent de motifs objectifs étrangers au harcèlement invoqué. M. X... soutient que les pressions constantes, les courriers recommandés pour lui faire des reproches injustifiés sur ses résultats alors que les objectifs sont irréalisables, la baisse de sa rémunération et l'information de son directeur régional des ventes, M. Z..., le 18 septembre 2008 qu'il sera de toutes façons licencié, ont gravement altéré sa santé. La société SOREPS rétorque que les éléments allégués pris dans leur ensemble ne permettent pas de laisser présumer un harcèlement, mais traduisent l'exercice normal de son pouvoir de direction. En l'espèce, l'employeur a adressé à M. X... le 21 janvier 2008 un premier courrier recommandé pour faire le constat qu'il était loin de l'objectif fixé pour les années 2006 et 2007, lui préciser que sa réalisation pour le mois de décembre 2007 était « inadmissible » par rapport à l'objectif et lui notifier qu'il était désormais « en obligation de résultat », en espérant qu'il saurait mesurer le courrier à sa juste valeur et mettre les moyens nécessaires pour remédier à la situation. Le 11 juillet 2008, l'employeur a envoyé au salarié une seconde lettre recommandée en cours d'arrêt maladie, pour dénoncer l'insuffisance de résultats à la fin du mois de juin 2008, émettre toutes réserves quant à son action et déploiement à venir, en lui demandant de préciser, dans les plus brefs délais les solutions envisagées ou dispositions prises pour remédier à cette situation. Le 29 août 2008 une troisième lettre recommandée était adressée à Monsieur X..., en congés annuels depuis le 15 août, pour dénoncer l'absence de rapport d'activité de sa part depuis le 18 août 2008, lui demander d'adresser toutes justifications liées à ce manquement et lui rappeler ses obligations contractuelles. M. A... atteste régulièrement que « le 18 septembre 2008 vers 17h00 j'étais dans la voiture de M. X... qui revenait de visiter un client sur Evron. Son directeur des ventes Jean-Claude Z... l'appelait sur son portable. Vu que la voiture de M. X... est équipée d'un kit main libre, j'ai entendu toute la conversation. M. X... a voulu savoir ce que signifiaient tous ces courriers qu'il avait reçus et où il voulait en venir. La réponse de M. Z... a été la suivante : tu sais comme je les connais, en raison des objectifs qui ne sont pas atteints, ils veulent te licencier et ce dans moins de trois mois et que tu n'es pas le seul. M. Z... a même proposé une négociation auprès de la direction générale. La conversation terminée, M. X... est devenu tout pâle. Il a été pris de malaise et s'est effondré sur son siège. ». Son médecin traitant certifie avoir reçu M. X... en consultation le 19 septembre 2008 pour insomnies et contractures musculaires importantes et que le patient a refusé l'arrêt de travail proposé. Mme Sophie B..., commerciale au sein de la société SDI, atteste régulièrement qu'à l'occasion d'une visite de M. Z... le 15 octobre 2008 ce dernier lui a annoncé que « M. X... n'allait pas bien, que ses chiffres d'affaires n'allaient pas » et que, sur interrogation du témoin étonné, le directeur de ventes a déclaré « soit on va licencier Z... (X...) ou il partira de lui-même », en précisant qu'au bout de trois ans sur son secteur actuel son chiffre d'affaires n'avance pas assez vite, que donc des solutions s'imposent, que M. X... coûte cher à la société et ça couterait moins cher à la société s'il n'y avait aucun représentant sur le secteur. » Il résulte des nombreux certificats médicaux produits et des attestations de deux proches qu'à la suite de la conversation téléphonique du 18 septembre 2008, M. X... a présenté un état dépressif sévère nécessitant un traitement spécifique qui s'est poursuivi jusqu'en 2011, et un arrêt de travail à compter du 3 novembre 2011 ininterrompu jusqu'à son licenciement pour inaptitude. M. X... produit donc des éléments propres à établir la matérialité de fait précis, concordants et répétés qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. Il est exact et non contesté que M. X... n'a pas atteint en 2006 et 2007 les objectifs fixés à la baisse sur son nouveau secteur à 90 000 ¿ puis 99 000 ¿ qui correspondent aux objectifs fixés aux commerciaux entrant dans l'entreprise. Pour autant aucune pièce ne permet de retenir que les chiffres de 60 138 € et 77 219 € réalisés par lui seraient très inférieurs à ceux obtenus par des nouveaux commerciaux, M. Y... ayant réalisé en dix mois en 2005 sur ce même secteur de la Mayenne 70 292 €, soit en extrapolant sur une année 84 350 € et ces chiffres ne justifient pas le ton plus que discourtois (inadmissible, obligation de résultat) employé dans le courrier du 21 janvier 2008. L'employeur n'objective en rien l'obligation dans laquelle il se serait trouvé d'envoyer une nouvelle mise en garde au salarié le 11 juillet 2008, au mépris de la suspension de son contrat de travail lié à l'arrêt maladie à compter du 7 juillet et du repos prescrit destiné à veiller à la santé su salarié. Au surplus, sur 13 commerciaux, M. X... est l'un des sept à avoir développé le chiffre d'affaires à + 17 % en ce qui le concerne, sur la période de juin 2007 à juin 2008, certains connaissant une chute de 20, 50 et 56 %. En ce qui concerne le courrier du 29 août 2008 reprochant au salarié l'absence de rapport d'activité de sa part depuis le 18 août 2008, la société SOREPS soutient qu'elle ignorait que M. X... se trouvait en congés annuels après la fin de son arrêt maladie le 14 août 2008. D'une part, l'employeur ne pouvait ignorer les congés de son salarié nécessairement autorisés à les prendre, qui plus est en août mois de congés habituels de la plupart des clients démarchés. D'autre part, à supposer pertinente la position de l'employeur, resterait inexpliqué le défaut d'organisation incombant à la société SOREPS de la visite médicale de reprise du travail de M. X..., après un arrêt de travail de plus de 21 jours. Enfin, l'employeur conteste les propos prêtés à son directeur des ventes M. Z... le 18 septembre 2008, à l'aide d'une attestation de ce dernier. Pour autant, l'annonce le 18 septembre 2008 à M. X... de son licenciement dans les trois mois, par le directeur des ventes, est régulièrement attestée par M. A..., aucune pièce ne permettant de douter des déclarations de ce témoin, et est corroborée par le témoignage de Mme B.... Enfin, quand bien même la prise en charge des faits du 18 septembre 2008 au titre de la législation sur les maladies professionnelles et accidents du travail, a été déclarée inopposable à l'employeur, il est établi par les nombreux certificats médicaux et les attestations d'amis (Mrs C... et D...) que la dépression de M. X... et son arrêt de travail sont directement en rapport avec les reproches réitérés subis et non justifiés et la volonté non fondée de l'employeur de le licencier ou de le faire partir de lui-même. Les éléments communiqués par l'employeur ne démontrent donc pas que ses agissements ci-dessus énumérés ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ;
ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce pour considérer qu'était établie l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Monsieur X..., la Cour d'appel a retenu que Monsieur Y... avait réalisé en dix mois en 2005 sur le même secteur de la Mayenne 70 292 €, soit en extrapolant sur une année 84 350 € et en a déduit qu'aucune pièce ne permettait de retenir que les résultats obtenus pas le salarié auraient été très inférieurs à ceux des autres commerciaux et que le ton discourtois employé par la société SOREPS dans ses courriers n'était pas justifié ; que pourtant, la pièce n° 14 versée aux débats par la société SOREPS mentionne que les résultats obtenus par Monsieur Didier Y... en 2005 sur le secteur de la Mayenne se sont élevés à 182 238 € et non à 70 292 € ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé cette pièce en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur X... à la date du 17 mai 2011, dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement nul et condamné en conséquence la société SOREPS à verser à Monsieur X... la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'emploi ;
AUX MOTIFS QUE « la résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par le salarié en cas de manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite de leurs relations. Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licenciement ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. Les manquements de la société SOREPS à son obligation de prévention et de sécurité et le harcèlement moral dont a été victime M. X... qui a abouti à son licenciement pour inaptitude, rendent impossible la poursuite de leurs relations de travail. La Cour prononce donc la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société SOREPS au 17 mai 2011, date de l'envoi de la lettre de licenciement et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du Code du travail. » ;
ALORS QU'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence celle des dispositions ayant prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur X..., dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement et condamné la société SOREPS à verser au salarié des dommages et intérêts pour perte d'emploi, dès lors que ces dispositions sont motivées par le harcèlement moral dont aurait été victime Monsieur X....


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18843
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2014, pourvoi n°13-18843


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18843
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