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13/11/2014 | FRANCE | N°13-21966

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2014, 13-21966


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-16 et L. 1233-2 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... été engagé, le 1er avril 2007, en qualité de monteur câbleur par la société Nouvelle entreprise téléphonique et communication (Netcom) faisant partie du groupe Y... ; qu'après l'avoir informé que le marché qu'elle exploitait en sous-traitance allait être repris par son titulaire, la société Y... appartenant au même groupe, la société Netcom lui a, en mars

2008, fait une proposition de reclassement à un poste identique au sein de la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3, L. 1233-16 et L. 1233-2 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... été engagé, le 1er avril 2007, en qualité de monteur câbleur par la société Nouvelle entreprise téléphonique et communication (Netcom) faisant partie du groupe Y... ; qu'après l'avoir informé que le marché qu'elle exploitait en sous-traitance allait être repris par son titulaire, la société Y... appartenant au même groupe, la société Netcom lui a, en mars 2008, fait une proposition de reclassement à un poste identique au sein de la société Y..., à laquelle il n'a pas donné suite ; que le contrat de sous-traitance prenant fin le 30 juin 2008, la société Netcom lui a notifié, le 10 juin 2008, que son contrat serait transféré à la société Y... à compter du 1er juillet 2008 ; qu'une ordonnance de référé du 3 février 2009 a prononcé la nullité de ce transfert ; qu'ayant ensuite refusé, le 13 mai 2009, la proposition de modification de son contrat de travail pour son transfert définitif vers la société Y... qui lui avait été faite le 4 mai 2009, puis, le 22 juin 2009, la proposition de reclassement au poste de technicien réseau au sein de la société Y... Rhône-Alpes et celle réitérée de monteur câbleur au sein de la société Y..., le salarié a été licencié par lettre du 1er septembre 2009, pour motif économique ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de dommages-intérêts à ce titre, et ordonner le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi, l'arrêt retient que la société a engagé une procédure de modification du contrat de travail pour motif économique ainsi qu'elle l'écrivait dans sa lettre du 4 mai 2009, que seules les difficultés économiques constituent le motif à l'origine de la modification du contrat de travail, que pour justifier la cause économique la société se place, dans la lettre de licenciement, tant sur le refus d'acceptation de la modification proposée que sur la réorganisation de l'entreprise pour préserver la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, qu'il ne résulte ni de la lettre du 4 mai 2009 ni de la lettre de licenciement que les difficultés économiques aient été appréhendées au niveau du secteur d'activité du groupe, que l'admission de ce moyen rend inutile l'examen de la réalité du motif économique du licenciement au regard de la sauvegarde de la compétitivité et du respect de l'obligation de reclassement ;
Qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, alors que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, invoquait la nécessité de réorganiser l'entreprise justifiée par les difficultés économiques de la société Netcom et indispensable à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, et qu'il lui incombait de se prononcer sur les éléments avancés par l'employeur pour en justifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Netcom à payer à celui-ci une somme de 9 100 (neuf mille cents) euros à titre de dommages-intérêts et à rembourser à Pôle emploi le montant des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois, l'arrêt rendu le 4 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Nouvelle entreprise téléphonique et communication Netcom.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré dépourvus de cause réelle et sérieuse le licenciement économique de Monsieur Erico X... et condamné la SARL Netcom à verser à ce salarié la somme de 10 800 € à titre de dommages et intérêts et à rembourser à Pôle Emploi, dans la limite de six mois, le montant des allocations de privation d'emploi servies au salarié ;
AUX MOTIFS QUE "La S.A.R.L. Netcom appartient au groupe Y... composé également des S.A.R.L. Y..., Y... Informatique et Y... Rhône Alpes et le tribunal d'instance d'Orange a, par jugement en date du 12 janvier 2006, retenu l'existence d'une unité économique et sociale entre ces quatre sociétés (qui) ont toutes le même gérant en la personne de Monsieur Roland Y... qui décidait de cesser l'exploitation de la S.A.R.L. Netcom puisque la S.A.R.L. Y..., seul donneur d'ordre, reprenait en direct le marché France Telecom qu'elle lui sous-traitait ; qu'après avoir adressé un courrier daté du 12 mars 2008 à chaque salarié leur proposant un reclassement au sein de la S.A.R.L. Y..., que seuls deux d'entre eux refusaient, Messieurs X.... et Z la société Netcom engageait une procédure de modification de leur contrat de travail pour motif économique ; que c'est ainsi que le 4 mai 2009, elle écrivait à Monsieur X... dans les termes suivants : "Vous avez été embauché par la société Netcom pour exercer les fonctions de monteur câbleur. Au cours de l'année 2008, nous vous avons informé des importantes difficultés économiques de rencontrées par la société Netcom avec une activité largement déficitaire. En effet, le bilan de la société au 31 décembre 2007 faisait apparaître plus de 220 000 euros de pertes et ne permettait pas d'envisager la continuité de la société. La production de l'entreprise et les impératifs de qualité et sécurité ne permettaient pas de sauvegarder son exploitation au regard des frais de fonctionnement. La société Netcom était liée par contrat de sous-traitance avec la société Y..., son marché principal. Ce contrat prévoyait des prestations visant à assurer le déploiement et la maintenance du réseau de France Telecom ainsi que la mise à disposition et la maintenance des services proposés à France Telecom à ses clients. Le contrat ne sera pas reconduit à son expiration prévue le 30 juin 2008. A ce jour, la société Netcom n'a plus aucune activité d'installation et de réparation de lignes réseau et ne peut dès lors plus fournir de travail à son personnel rattaché. En vue de préserver votre emploi, nous vous proposons un transfert définitif sur la société Y... en conservant vos droits liés à l'ancienneté acquise et vos conditions de travail. A ce titre, vous trouverez ci-joint un avenant à votre contrat de travail établi en deux exemplaires. Conformément à l'article L.1222-6 du code du travail, vous bénéficiez d'un délai d'un mois à compter de la réception de la présente pour faire connaître votre acceptation ou votre refus concernant cette modification contractuelle, sachant qu'en cas de défaut de réponse dans le délai imparti, vous serez réputé avoir accepté la modification proposée. En cas d'acceptation, nous vous remercions de nous adresser un exemplaire dûment daté et signé. Un éventuel refus de votre part nous contraindrait à engager une procédure de licenciement compte tenu de la nécessité pour l'entreprise d'une telle modification contractuelle" ;
QU'ainsi, seules les difficultés économique de la S.A.R.L. Netcom constituent le motif à l'origine de la modification du contrat de travail ; que le 13 mai 2009, Monsieur X... opposait un refus explicite à la proposition de modification de son contrat ; que tardivement, mais sans que la procédure de licenciement soit enfermée dans les délais stricts du licenciement pour motif personnel, la S.A.R.L. Netcom procédait à son licenciement dans les termes ci-dessus rapportés dont il résulte que l'employeur, pour justifier la cause économique, se place tout aussi bien sur le refus d'acceptation de la modification proposée que sur la réorganisation de l'entreprise pour préserver la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
QUE la coexistence des deux motifs n'est pas en soi critiquable mais impose alors à l'employeur de justifier de chacun d'eux ;
QUE (cependant), en fondant sa décision sur le refus de la modification du contrat pour cause économique dans le cadre de l'article L.1221-6 du code du travail, l'employeur doit alors justifier de la réalité des difficultés économiques qui président à sa décision de proposer une modification du contrat de travail ; que lorsque, comme en l'espèce, l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel elle appartient ; qu'il ne résulte ni des termes de la lettre du 4 mai 2009 ni de ceux de la lettre de licenciement que les difficultés économiques aient été appréhendées au niveau du secteur d'activité de la S.A.R.L. Netcom, lequel, à défaut de précisions contraires, se confond avec le groupe Y... ; que le chiffre de 220 000 euros de perte évoqué dans le texte du 4 mai 2009, de 200 000 euros dans le texte du 1er septembre 2009, étant observé que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2007 ne sont pas produits aux débats ce qui ne permet ni à Monsieur X... ni à la Cour d'en apprécier la teneur exacte, n'est que l'expression de l'appréhension des difficultés économiques dans la sphère unique de l'entreprise Netcom, à l'exclusion des autres sociétés du groupe pour lesquelles il n'est pas exposé la moindre difficulté économique ;
QUE l'admission de ce moyen rend inutile l'examen des autres motifs de la contestation de Monsieur X... quant à la réalité du motif économique du licenciement au regard de la sauvegarde de la compétitivité et quant au respect de l'obligation de reclassement ; que la demande tendant à ordonner à l'employeur la communication du livre unique du personnel de chacune des sociétés est alors sans objet tant au regard de l'obligation de reclassement qu'au regard du respect de la priorité de réembauchage dont Monsieur X... n'a pas demandé à bénéficier ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse à défaut pour la S.A.R.L. Netcom de justifier de l'existence de difficultés économiques au niveau du groupe (...)" ;
1°) ALORS QUE seule la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que l'employeur n'est pas tenu, dans la lettre de proposition d'une modification du contrat de travail pour motif économique, de mentionner la cause économique qui l'a conduit à effectuer cette proposition ; que s'il motive cependant cette proposition, elle ne fixe pas pour autant les limites du litige en cas de licenciement ultérieur ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que la lettre du 4 mai 2009, qui soumettait au salarié la proposition de modification de son contrat de travail, n'appréhendait les difficultés économiques souffertes qu'au niveau de la SARL Netcom et non du groupe, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-6, L.1233-16, L.1233-2 et L.1233-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige et comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur et de leur incidence sur l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la lettre de licenciement du 1er septembre 2009, ayant liminairement rappelé que les difficultés économiques et techniques rencontrées par la SARL Netcom "pouvaient porter préjudice à l'ensemble des marchés de l'UES Y...", énonçait : "Il s'est dès lors avéré indispensable de prendre des mesures impératives de restructuration et d'assainissement des moyens, y compris dans une réflexion globale au sein du groupe, afin d'assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'activité installation et maintenance de lignes réseaux de l'ensemble du groupe. A défaut de réorganisation, les pertes de la société Netcom auraient pu fortement déstabiliser les autres sociétés du groupe (...)" ; qu'elle précisait ensuite que, dans le cadre de cette réorganisation, il avait été "décidé de transférer les salariés de la Société Netcom sur la Société Y..., qui reprenait directement la gestion du marché France Télécom", d'où la "proposition de transfert définitif du contrat de travail" du salarié dont le refus alors qu'"aucun emploi n'était maintenu sur la structure Netcom dont l'ensemble des postes était supprimé" avait conduit à envisager le licenciement pour motif économique ; qu'il résultait de ces énonciations qu'un unique motif de licenciement était invoqué, à savoir une réorganisation par reprise de l'activité d'installation et maintenance de lignes, nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du groupe Y... mise en péril par les difficultés de la SARL Netcom, cette réorganisation ayant conduit d'abord à proposer au salarié la modification de son contrat de travail puis, en l'état de son refus et de l'impossibilité de son reclassement, à prononcer son licenciement ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le licenciement était justifié par deux causes, à savoir d'une part le refus d'une modification de son contrat de travail justifiée par des difficultés économiques souffertes au niveau de la seule entreprise, d'autre part la réorganisation de l'entreprise pour préserver la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes de la lettre de licenciement, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause,
3°) ALORS subsidiairement QUE l'employeur, à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs économiques de rupture différents dès lors qu'ils procèdent de causes distinctes ; qu'aucun texte ou principe de droit n'impose en ce cas que ces deux motifs soient cumulativement justifiés ; qu'en l'espèce, il ressort de l'analyse de la Cour d'appel que la lettre de licenciement justifiait la rupture, d'une part, par le refus opposé par le salarié à une proposition de modification de son contrat de travail résultant des difficultés économiques souffertes par l'entreprise, d'autre part, "par la réorganisation de l'entreprise pour préserver la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient" ; qu'en déclarant ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif que les difficultés économiques invoquées à l'appui de la proposition de modification du contrat de travail étaient appréhendées "dans la sphère unique de l'entreprise" et en refusant dès lors "d'examiner la réalité du motif économique de licenciement au regard de la sauvegarde de la compétitivité du groupe", la Cour d'appel a violé les articles L.1233-3, L.1233-16 et L.1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21966
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 04 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2014, pourvoi n°13-21966


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.21966
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