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09/12/2014 | FRANCE | N°13-26298

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 décembre 2014, 13-26298


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble les articles L. 241-1 et L. 241-3 du code des assurances ;
Attendu que le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait,

en 2001, confié à plusieurs entreprises la réalisation de travaux de constructio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-22 du code de commerce, ensemble les articles L. 241-1 et L. 241-3 du code des assurances ;
Attendu que le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait, en 2001, confié à plusieurs entreprises la réalisation de travaux de construction d'une villa, a fait assigner celles-ci et leurs assureurs respectifs à la suite de l'apparition de fissures ; que la société Mutuelle des architectes français (la société MAF), assureur de la SARL Bet Y... (la société Bet), chargée de la conception de la structure du bâtiment, a été mise hors de cause en raison du défaut de déclaration du chantier par cette dernière ; que M. Z..., qui avait exécuté les travaux de terrassement, et la société MAAF assurances (la société MAAF), son assureur, faisant valoir que M. Y..., gérant de la société Bet, mise en liquidation judiciaire, avait engagé sa responsabilité à leur égard en ne souscrivant pas l'assurance obligatoire couvrant sa responsabilité décennale au titre du chantier considéré, l'ont assigné en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la responsabilité personnelle de M. Y... ne peut être engagée, faute de caractérisation d'une omission intentionnelle de déclaration d'un chantier qui serait, par sa gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé qu'au regard des articles L. 241-1 du code des assurances, L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation et L. 121-1 du code pénal, M. Y..., gérant de la société Bet, avait engagé sa responsabilité pénale en cette qualité en omettant de déclarer le chantier de M. X... au titre de l'assurance obligatoire, ce qui avait entraîné la mise hors de cause de la société MAF, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et appréciations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances et M. Daniel Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté la MAAF et Monsieur Daniel Z... de leur demande tendant à voir condamner Monsieur Gilbert Y... à verser la somme de 11. 891, 25 euros à la MAAF au titre de la contribution finale à la dette, et de condamner Monsieur Y... à verser la somme de 551 euros à Monsieur Z... au titre de la franchise restée à sa charge ;
AUX MOTIFS QUE « au regard des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances, de l'article L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation, et de l'article L. 121-1 du code pénal, Monsieur Y..., gérant de la SARL BET Y... a certes engagé sa responsabilité pénale en cette qualité, en omettant de déclarer le chantier de Monsieur X... dans le cadre de l'assurance obligatoire ce qui a entraîné, par arrêt du 11 avril 2013 la mise hors de cause de la MAF, mais le tribunal a exactement jugé, par des motifs que la Cour adopte, que sa responsabilité personnelle ne pouvait être engagée faute de caractérisation d'une omission intentionnelle de déclaration d'un chantier, qui serait, par sa gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant ; le jugement, qui a débouté la MAAF et Monsieur Z... de leurs demandes indemnitaires dirigées personnellement contre Monsieur Y..., doit être confirmé » (arrêt, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la faute : il convient de suite de préciser que Monsieur Z... et la MAAF recherchent la responsabilité de Monsieur Y... en sa qualité de gérant de la SARL BET Y... au motif qu'il a commis une faute détachable de ses fonctions. Le principe de l'assurance obligatoire en matière de responsabilité décennale est édicté par l'article L. 241-1 du Code des assurances qui dispose que : « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance (¿) ». Le non respect de cette disposition peut donner lieu à application des sanctions pénales telles que prévues par les articles L. 111-34 du code de la construction et de l'habitation et L. 243-3 du code de commerce. Quiconque contrevient aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 242-1 du code des assurances, reproduits aux articles L. 111-28 à L. 111-30, sera puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75. 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement ». Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l'occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint ». Il est donc certain qu'un constructeur qui ne souscrit pas d'assurance lors de l'ouverture d'un chantier de construction commet donc une faute. Or, il ressort des motifs du jugement du 14/ 9/ 2010 (page 5) que la MAD a dans le cadre de la procédure initiée par Monsieur X..., dénié sa garantie au profit du BET Y... faute pour lui d'avoir contrairement à ses obligations contractuelles, déclaré l'existence du chantier. Le BET Y... a donc commis une faute. Toutefois, Monsieur Z... et la MAAF ne justifient pas en quoi en ne déclarant pas à son assureur, la MAF, le chantier litigieux confié par Monsieur X... au BET Y..., SARL, dont il est le gérant, Monsieur Y... a commis une faute personnelle détachable de ses fonctions. En aucun cas, Monsieur Z... et la MAAF n'établissement que Monsieur Y... a commis intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions de gérant de la SARL BET Y... (Com 18/ 5/ 2010). Monsieur Z... et la MAAF n'établissement donc pas la faute de Monsieur Y.... Sur le préjudice : mais surtout, Monsieur Z... et la MAAF ne justifient nullement de leur préjudice. En effet, il est établi qu'aux termes du jugement du 14/ 9/ 2010 : la SARL BET Y..., la MAF, la SARL Architecture Provençale, la SA SAGENA dans la limite de ses obligations contractuelles (franchise pour les dommages immatériels), la Société Côte d'Azur Constructions, la SA Allianz, Monsieur Z... et la SA MAAF Assurances dans la limite de ses obligations contractuelles (franchise pour les dommages immatériels) ont été condamnées in solidum à verser à Monsieur X... la somme de 185. 300 euros à titre de dommages intérêts outre 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Dans leurs rapports, les constructeurs et leurs assureurs contribueront de la manière suivante au règlement des condamnations prononcées en faveur de Monsieur X... en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens qui comprendront ceux exposés en référé et le coût des opérations d'expertise, facture du sapiteur incluses : la SARL BET Y... pour 50 %, la SARL Architecture Provençale pour 25 %, la société Côte d'Azur Constructions et la SA ALLIANZ pour 15 %, Monsieur Z... et la MAAF pour 10 %. La SARL BET Y..., la société Côte d'Azur Constructions, la SA Allianz, Monsieur Z... et la SA MAAF devront garantir la SARL L'Architecture Provençale et la SA SAGENA à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à l'encontre de ces dernières. Monsieur Z... et la MAAF exposent qu'au titre de l'exécution des condamnations prononcées par le jugement de première instance, la MAAF a d'ores et déjà réglé les sommes de 19. 030 euros (correspondante aux 10 % de la somme globale) et de 11. 891, 25 euros au titre de la solidarité à la dette et compte tenu du non paiement du BET Y... des condamnations prononcées à son encontre. Toutefois, Monsieur Z... et la MAAF ne versent aucun élément permettant de justifier que la MAAF a effectivement versé ces sommes. Au surplus, comme le rappellent eux mêmes Monsieur Z... et la MAAF, la MAAF a formé appel du jugement du 14/ 9/ 2010 notamment en ce qu'il condamne Monsieur Z... et la MAAF in solidum avec les constructeurs à indemniser Monsieur X... à hauteur de 185. 300 euros et fixe sa contribution finale à 10 % de cette somme. Monsieur Z... et la MAAF n'établissement donc pas l'existence d'un préjudice certain et actuel. Dans ces conditions, Monsieur Z... et la MAAF seront déboutés de leur demande tendant à voir :- condamner Monsieur Y... à verser la somme de 11. 891, 25 euros au titre des sommes versées par solidarité à la dette mais non due au titre de la contribution finale à la dette,- condamner Monsieur Y... à verser la somme de 551 euros à Monsieur Z... au titre de la franchise restée à sa charge » (jugement, p. 6) ;
1°) ALORS QUE le gérant d'une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice ; qu'il commet ainsi une faute détachable de ses fonctions lorsqu'il accepte d'ouvrir un chantier sans que la société dont il est le gérant soit couverte par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Monsieur Y..., gérant de la société BET Y..., a ouvert sciemment le chantier litigieux sans le déclarer à son assureur ; qu'en jugeant néanmoins qu'en ne souscrivant pas l'assurance obligatoire, Monsieur Y... n'avait pas commis de faute intentionnelle séparable de ses fonctions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 223-22 alinéa 1er du code de commerce et L. 241-1 du code des assurances ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la responsabilité personnelle du gérant d'une société est engagée dès lors qu'il a commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exerce normal de ses fonctions sociales ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter la responsabilité civile de Monsieur Y..., qu'il n'était pas établi qu'il ait commis intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions, sans rechercher, comme elle y était invitée, si concrètement, le comportement de Monsieur Y... ne caractérisait pas une telle faute, dès lors qu'il ne pouvait ignorer, en tant que professionnel de la construction, que la déclaration du chantier en cause était obligatoire et que son défaut était pénalement sanctionné et qu'en outre l'exercice normal de ses fonctions de gérant aurait exigé une telle déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 223-22 alinéa 1er du code de commerce et l'article L. 241-1 du code des assurances ;
ALORS QUE, si l'on considérait que la cour d'appel a adopté les motifs des premiers juges, un préjudice futur est réparable dès lors qu'il est certain ; qu'il n'est pas contesté que par arrêt du 11 avril 2013, Monsieur Z... a été condamné solidairement avec la société BET Chiassone à régler différentes sommes destinées à indemniser un maître de l'ouvrage des désordres affectant un immeuble pour lequel ils étaient tous deux intervenus en qualités de bureau d'études techniques et d'entrepreneur ; que la cour d'appel a relevé que le gérant de la société BET Y... a omis de déclarer le chantier litigieux dans le cadre de l'assurance obligatoire, ce qui a entraîné, par arrêt du 11 avril 2013, la mise hors de cause de la MAF, assureur de la société BET Y... ; qu'en énonçant que la Maaf et Monsieur Z... n'établissaient pas la preuve d'un préjudice certain et actuel, en l'absence de preuve de ce qu'ils auraient effectivement réglé ces sommes, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'ils ne pouvaient se prévaloir d'un préjudice futur certain, résultant directement de la mise hors de cause définitive de la MAF par arrêt du 11 avril 2013, les privant de tout recours en garantie à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ET ALORS QUE, subsidiairement, en cause d'appel, la MAAF et Monsieur Z... produisaient un justificatif des paiements effectués par la MAAF en exécution des condamnations mises à la charge de l'entrepreneur ; qu'en énonçant, pour écarter la responsabilité personnelle de Monsieur Y..., en l'absence de preuve de préjudice, que la MAAF et Monsieur Z... ne produisaient aucun élément permettant de justifier que la MAAF avait effectivement versé ces sommes, la cour d'appel aurait dénaturé le bordereau de pièces de la MAAF et de Monsieur Z... et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 juin 2013


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 09 déc. 2014, pourvoi n°13-26298

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 09/12/2014
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-26298
Numéro NOR : JURITEXT000029908307 ?
Numéro d'affaire : 13-26298
Numéro de décision : 41401084
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-12-09;13.26298 ?
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