La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2014 | FRANCE | N°13-19104;13-19496

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-19104 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° J 13-19.104 et K 13-19.496 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 avril 2013), que M. X... et d'autres anciens salariés de la Société bretonne de fonderie et de mécanique (SBFM), inscrite par arrêté du 3 juillet 2000 sur la liste des entreprises ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), ont été admis au bénéfice de cette allocation ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l

'encontre de la société SBFM par jugement du 28 novembre 2008, suivi d'un juge...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° J 13-19.104 et K 13-19.496 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 avril 2013), que M. X... et d'autres anciens salariés de la Société bretonne de fonderie et de mécanique (SBFM), inscrite par arrêté du 3 juillet 2000 sur la liste des entreprises ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), ont été admis au bénéfice de cette allocation ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société SBFM par jugement du 28 novembre 2008, suivi d'un jugement de liquidation judiciaire du 1er décembre 2009, la société MJ synergie, prise en la personne de M. Y..., étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ; que, le 29 octobre 2009, les anciens salariés ont attrait devant la juridiction prud'homale leur ancien employeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, afin de demander l'indemnisation d'un préjudice économique et d'un préjudice d'anxiété ;
Sur le second moyen du pourvoi de la société MJ synergie, ès qualités, et sur le deuxième moyen du pourvoi de l'Unedic :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société MJ synergie, ès qualités, et le troisième moyen du pourvoi de l'Unedic :
Attendu que le liquidateur judiciaire et l'Unedic font grief à l'arrêt de juger les demandes des anciens salariés recevables et de fixer au passif de la liquidation judiciaire une créance en réparation du préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ que la créance indemnitaire d'un ancien salarié contre son employeur, en réparation du préjudice d'anxiété consécutif à son exposition à l'amiante, ne constitue pas une créance salariale et doit être déclarée au passif de l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que les créances invoquées par les anciens salariés de la société SBFM au titre de la réparation de leur préjudice d'anxiété étaient de nature indemnitaire ; qu'en jugeant néanmoins recevables les demandes des anciens salariés, tandis que les créances alléguées par ces salariés n'avaient pas été déclarées au passif de la société SBFM, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
2°/ que l'obligation du mandataire judiciaire d'avertir personnellement les créanciers de ce qu'ils doivent déclarer leur créance au passif ne concerne que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié ; que le mandataire judiciaire n'est pas tenu d'avertir les anciens salariés éventuellement titulaires d'une créance de nature indemnitaire de ce qu'ils doivent déclarer celle-ci au passif de leur ancien employeur ; qu'en jugeant néanmoins, pour déclarer recevables les demandes des anciens salariés de la société SBFM, que les anciens salariés n'avaient fait l'objet d'aucune information individuelle sur le délai de forclusion et sur le point de départ de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 622-24 du code de commerce exclut les salariés de la procédure de déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire, d'autre part que l'article L. 625-6 prévoit que les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, visés par le juge-commissaire, ainsi que les décisions rendues par la juridiction prud'homale sont portés sur l'état des créances déposé au greffe ;
Et attendu qu'ayant retenu un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes des salariés, découlant directement du contrat de travail, étaient recevables et a fixé leur créance au passif de la liquidation judiciaire de leur ancien employeur ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le premier moyen du pourvoi de l'Unedic :
Attendu que l'Unedic fait grief à l'arrêt de dire les condamnations opposables à l'AGS dans les limites et plafonds des articles L. 3253-6 et suivants et L. 3257-17 du code du travail, alors, selon le moyen, que l'AGS ne garantit pas les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture et que la créance de réparation du préjudice d'anxiété ne naît pas lors de l'exposition à l'amiante, mais au moment de la réalisation du préjudice, c'est-à-dire lors de l'apparition de la situation d'inquiétude permanente du salarié face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en se bornant à énoncer qu'il était évident que le préjudice subi par les salariés était né bien avant l'ouverture de la procédure collective, l'anxiété ayant été vécue par tous avant l'annonce de la maladie, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposante, à quel moment chacun des salariés avait été placé dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la société SBFM avait été inscrite sur la liste des entreprises ouvrant droit à l'ACAATA avant l'ouverture à son encontre d'une procédure de redressement judiciaire, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société MJ synergie, prise en la personne de M. Y..., ès qualités, et l'Unedic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJ synergie, prise en la personne de M. Y..., ès qualités, et l'Unedic à payer aux défendeurs la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société MJ Synergie, demanderesse au pourvoi n° J 13-19.104
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, jugeant recevables les demandes, fixé au passif de la liquidation judiciaire une créance en faveur de salariés de la société SBFM, d'un montant de 7.500 ¿ chacun, en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE l'AGS et le CGEA soutiennent pour l'essentiel que les demandes des salariés ne sont pas de la compétence prud'homale mais relèvent de l'ACAATA, du FIVA ou du TASS ; que les salariés ne remettent nullement en cause l'indemnisation qui leur a été allouée au titre de l'ACAATA, qu'ils n'invoquent pas davantage la faute inexcusable de l'employeur, qu'ils sollicitent l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété et qu'ils fondent leurs demandes sur le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ; que cette obligation de sécurité de résultat est une obligation contractuelle à laquelle est tenue l'employeur, peu importe qu'elle ait été consacrée par la loi du 31 décembre 1991 (article L4121-1 du code du travail), qui s'inscrit dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ; que dès lors rien ne justifie par application de l'article L1411-1 du code du travail que les demandes d'indemnisation formées sur un tel fondement échappent à la compétence de la juridiction prud'homale, dès lors qu'il s'agit d'un litige entre les salariés et leur employeur ; que de la même façon dans la mesure où il s'agit de créances, certes indemnitaires, mais découlant directement de l'exécution du contrat de travail, le mandataire liquidateur ne peut utilement opposer aux salariés l'absence de déclaration de créance, d'autant que ces derniers n'ont fait l'objet d'aucune information individuelle sur le délai de forclusion et sur le point de départ de celui-ci ;
1°) ALORS QUE la créance indemnitaire d'un ancien salarié contre son employeur, en réparation du préjudice d'anxiété consécutif à son exposition à l'amiante, ne constitue pas une créance salariale et doit être déclarée au passif de l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que les créances invoquées par les anciens salariés de la société SBFM au titre de la réparation de leur préjudice d'anxiété étaient de nature indemnitaire ; qu'en jugeant néanmoins recevables les demandes des anciens salariés, tandis que les créances alléguées par ces salariés n'avaient pas été déclarées au passif de la société SBFM, la cour d'appel a violé l'article L.622-24 du code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
2°) ALORS QUE l'obligation du mandataire judiciaire d'avertir personnellement les créanciers de ce qu'ils doivent déclarer leur créance au passif ne concerne que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié ; que le mandataire judiciaire n'est pas tenu d'avertir les anciens salariés éventuellement titulaires d'une créance de nature indemnitaire de ce qu'ils doivent déclarer celle-ci au passif de leur ancien employeur ; qu'en jugeant néanmoins, pour déclarer recevables les demandes des anciens salariés de la société SBFM, que les anciens salariés n'avaient fait l'objet d'aucune information individuelle sur le délai de forclusion et sur le point de départ de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L.622-24 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire une créance en faveur de salariés de la société SBFM, d'un montant de 7.500 ¿ chacun, en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la société SBFM qui a été créée en 1966 a une activité de fonderie de fonte et qu'elle produit des pièces en fonte, des collecteurs d'échappement, des pièces montées ; que si son activité ne consistait pas à fabriquer des produits amiantés, en revanche le matériel utilisé était isolé avec de l'amiante dont la présence était massive et constante ; que cette présence d'amiante a été mise en évidence à de nombreuses reprises, au moment du démantèlement des fours de traitement thermique, bien avant 1985, lors du démontage des fours en 1998 comme cela résulte de divers procès-verbaux du CHSCT, et encore très récemment en 2004, 2005, 2006 ; que dans son attestation Michel Z..., électricien de 1967 à 1978 puis responsable de la maintenance de l'atelier fusion et de la distribution des fluides jusqu'en 2001, indique :- que les fours à induction comprenaient de l'amiante à tout niveau, que les cales étaient en amiante carton et dégradées ;- que l'amiante présente dans les flexibles en caoutchouc était aussi dégradée par échauffement et par frottement ;- que le remplacement des plaques de fibrociment qui servaient de carénage aux jeux de barres d'alimentation électrique des fours nécessitait perçage et tronçonnage ;- que tous ceux qui ont travaillé aux secteurs maintenance fusion ont effectué ces travaux (à proximité des fondeurs) ;- que les tapis d'amiante tressés très épais qui servaient de bavette sous les becs de four servaient également de protection thermique pour les couleurs et étaient installés sous les poches de coulée ;- que les fours de traitement thermique ont été démantelés avant 1985 sans aucune protection alors qu'ils comprenaient de l'amiante ;- que les pinces à décrasser, les gaines d'air chaud, les gaines d'échappement des anciens groupes électrogènes comprenaient de l'amiante ;- que tous les travaux ont été effectués sans protection individuelle car jusqu'en 1985 personne n'avait eu d'information sur le danger d'inhalation des poussières d'amiante et que ce n'est qu'en 2000 que les premiers masques à filtre adaptés contre les poussières d'amiante ont été utilisés par deux salariés pour désamianter la protection thermique d'une pince à décrasser ;que la société SBFM a d'ailleurs été inscrite le 3 juillet 2000 sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, dispositif dont les intéressés ont bénéficié ; qu'il est constant que les dangers de l'exposition à l'amiante ont commencé à être mis en évidence dès le début du XXe siècle et ont été expressément reconnus dès 1945 lorsqu'a été créé le tableau 25 des maladies professionnelles relatives à la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières renfermant de la silice libre de l'amiante, puis en 1950 le tableau 33 propre à l'asbestose, maladie consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'en 1972 et 1973 plusieurs études, congrès et rapports ont également mis en exergue le caractère cancérigène de l'amiante ; qu'enfin le décret du 17 août 1977 a été pris spécifiquement pour la protection des salariés exposés aux poussières d'amiante et imposait une limitation du taux de concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'atmosphère, le conditionnement des déchets de produits amiantés et afin d'éviter des émissions de poussières pendant leur manutention, un contrôle régulier de l'atmosphère des lieux, la vérification des appareils de protection collective en matière de captage et de filtrage sur les ventilations, la mise à disposition du personnel d'équipements de protection individuels et notamment des appareils respiratoires anti-poussières et des vêtements de protection ; que la société SBFM ne pouvait ignorer les dangers liés à l'amiante et les risques encourus par ses salariés ; qu'elle ne justifie pas avoir mis en place les mesures préconisées par le décret de 1977 et s'être conformée aux dispositions de celui-ci ; que la réalité de l'exposition aux poussières d'amiante est établie pour chacun des salariés, que cette exposition ait été directe pour ceux qui ont travaillé dans les ateliers de fabrication, ou indirecte pour ceux qui travaillaient à proximité et qui étaient amenés à traverser ces locaux qui n'étaient pas fermés dans la mesure où les poussières se déplaçaient dans l'air ; que, faute pour l'employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires et spécifiques pour préserver les salariés de la poussière d'amiante, pour les protéger et pour réduire les risques d'exposition, ce dernier n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat ; que le dispositif spécifique, instauré par la loi du 23 décembre 1998 permettant aux salariés de partir à la retraite de façon anticipée et de percevoir une allocation, n'interdit pas aux intéressés de rechercher la responsabilité de l'employeur dans la survenance d'un préjudice non pris en compte par ce dispositif ; qu'il ne peut être sérieusement contesté que compte tenu de cette exposition aux risques et des pathologies en découlant, les salariés ont vécu ou vivent dans l'angoisse permanente qu'une maladie grave soit décelée, que ces salariés se soumettent ou non à des contrôles et des examens médicaux réguliers, certains préférant se faire suivre, d'autres préférant reculer l'échéance en raison du caractère inéluctable de certaines pathologies ; qu'il est dès lors inopérant pour le liquidateur d'opérer des distinctions entre ceux qui fournissent des documents médicaux ou non, entre ceux qui ont commencé à se faire suivre récemment et ceux dont les premiers examens remontent à plusieurs années, entre ceux qui sont décédés ou déjà malades, l'anxiété ayant été vécue par tous avant l'annonce de la maladie et le préjudice subi étant né à l'évidence bien avant l'ouverture de la procédure collective ; que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont alloué à chacun des salariés des dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété dont le montant a fait l'objet d'une exacte appréciation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, eu égard à cette exposition au risque et de l'obligation de se faire suivre régulièrement sur le plan médical du fait de leur adhésion au dispositif ACAATA, d'une part, les salariés vivent dans l'angoisse qu'une affection particulièrement grave soit décelée, notamment au niveau pulmonaire, et, d'autre part, cette angoisse est ravivée chez eux à chaque examen, radiographie ou scanner dans l'attente des résultats ; que cette anxiété permanente, qui se manifeste chez chacun selon sa personnalité, est source d'un préjudice réel et certain, lié au comportement fautif de l'employeur et justifie l'octroi de dommages et intérêts pour compenser la perte du plaisir de mener une vie sans le souci permanent de vois sa santé se dégrader ; que le conseil dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer le montant de l'indemnisation de ce préjudice spécifique d'anxiété à la somme de 7.500 euros ;
ALORS QUE le juge ne peut fixer le préjudice de manière uniforme et forfaitaire ; que l'arrêt confirmatif attaqué a réparé de manière forfaitaire le préjudice d'anxiété subi par chaque salarié, sans distinguer entre les salariés décédés, ceux qui étaient déjà malades et ceux qui ne l'étaient pas, en allouant uniformément à chacun d'entre eux la somme de 7.500 euros ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 5 et 1147 du code civil.Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour l'Unedic, demanderesse au pourvoi n° K 13-19.496
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit les condamnations prononcées opposables au CGEA ès qualités de gestionnaire de l'AGS dans les limites et plafonds des articles L. 3253-6 et suivants et L. 3257-17 du code du travail ;
Aux motifs propres que « il ne peut être sérieusement contesté que compte tenu de cette exposition aux risques et des pathologies en découlant, les salariés ont vécu ou vivent dans l'angoisse permanente qu'une maladie grave 'soit décelée, que ces salariés se soumettent ou non à des contrôles et des examens médicaux réguliers, certains préférant se faire suivre, d'autres préférant reculer l'échéance en raison du caractère inéluctable de certaines pathologies ;
Qu'il est dès lors inopérant pour le liquidateur d'opérer des distinctions entre ceux qui fournissent des documents médicaux ou non, entre ceux qui ont commencé à se faire suivre récemment et ceux dont les premiers examens remontent à plusieurs années, entre ceux qui sont décédés ou déjà malades, l'anxiété ayant été vécue par tous avant l'annonce de la maladie et le préjudice subi étant né à l'évidence bien avant l'ouverture de la procédure collective ;
Considérant que c'est eu conséquence à juste titre que les Premiers Juges ont alloué à chacun des salariés des dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété dont le montant a fait l'objet d'une exacte appréciation ;
Considérant enfin que, comme cela a été souligné, le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de résultat constitue une violation de ses obligations contractuelles qui découle directement en l'espèce du fait que la société n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer de façon effective la sécurité des salariés ;
Que l'indemnisation du préjudice résultant directement d'un tel manquement est liée à l'exécution du contrat de travail et doit à ce titre être garantie par l'AGS » ;
Aux motifs adoptés que « la créance d'indemnisation du préjudice spécifique d'anxiété se rattache directement à l'exécution du contrat de travail , l'employeur n'ayant pas rempli son obligation de sécurité née du dit contrat ; en conséquence, cette créance doit être garantie par l'AGS » ;
Alors que l'AGS ne garantit pas les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture et que la créance de réparation du préjudice d'anxiété ne naît pas lors de l'exposition à l'amiante, mais au moment de la réalisation du préjudice, c'est-à-dire lors de l'apparition de la situation d'inquiétude permanente du salarié face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en se bornant à énoncer qu'il était évident que le préjudice subi par les salariés était né bien avant l'ouverture de la procédure collective, l'anxiété ayant été vécue par tous avant l'annonce de la maladie, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposante, à quel moment chacun des salariés avait été placé dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au passif de la liquidation judiciaire une créance en faveur de salariés de la société SBFM, d'un montant de 7.500 ¿ chacun, en réparation du préjudice d'anxiété ;
Aux motifs propres que « la société SBFM qui a été créée en 1966 a une activité de fonderie de fonte et qu'elle produit des pièces en fonte, des collecteurs d'échappement, des pièces montées ; que si son activité ne consistait pas à fabriquer des produits amiantés, en revanche le matériel utilisé était isolé avec de l'amiante dont la présence était massive et constante ; que cette présence d'amiante a été mise en évidence à de nombreuses reprises, au moment du démantèlement des fours de traitement thermique, bien avant 1985, lors du démontage des fours en 1998 comme cela résulte de divers procès-verbaux du CHSCT, et encore très récemment en 2004, 2005, 2006 ; que dans son attestation Michel Z..., électricien de 1967 à 1978 puis responsable de la maintenance de l'atelier fusion et de la distribution des fluides jusqu'en 2001, indique :- que les fours à induction comprenaient de l'amiante à tout niveau, que les cales étaient en amiante carton et dégradées ;- que l'amiante présente dans les flexibles en caoutchouc était aussi dégradée par échauffement et par frottement ;- que le remplacement des plaques de fibrociment qui servaient de carénage aux jeux de barres d'alimentation électrique des fours nécessitait perçage et tronçonnage ;- que tous ceux qui ont travaillé aux secteurs maintenance fusion ont effectué ces travaux (à proximité des fondeurs) ;- que les tapis d'amiante tressés très épais qui servaient de bavette sous les becs de four servaient également de protection thermique pour les couleurs et étaient installés sous les poches de coulée ;- que les fours de traitement thermique ont été démantelés avant 1985 sans aucune protection alors qu'ils comprenaient de l'amiante ;- que les pinces à décrasser, les gaines d'air chaud, les gaines d'échappement des anciens groupes électrogènes comprenaient de l'amiante ;- que tous les travaux ont été effectués sans protection individuelle car jusqu'en 1985 personne n'avait eu d'information sur le danger d'inhalation des poussières d'amiante et que ce n'est qu'en 2000 que les premiers masques à filtre adaptés contre les poussières d'amiante ont été utilisés par deux salariés pour désamianter la protection thermique d'une pince à décrasser ;
que la société SBFM a d'ailleurs été inscrite le 3 juillet 2000 sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, dispositif dont les intéressés ont bénéficié ;
qu'il est constant que les dangers de l'exposition à l'amiante ont commencé à être mis en évidence dès le début du XXe siècle et ont été expressément reconnus dès 1945 lorsqu'a été créé le tableau 25 des maladies professionnelles relatives à la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières renfermant de la silice libre de l'amiante, puis en 1950 le tableau 33 propre à l'asbestose, maladie consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante ; qu'en 1972 et 1973 plusieurs études, congrès et rapports ont également mis en exergue le caractère cancérigène de l'amiante ; qu'enfin le décret du 17 août 1977 a été pris spécifiquement pour la protection des salariés exposés aux poussières d'amiante et imposait une limitation du taux de concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'atmosphère, le conditionnement des déchets de produits amiantés et afin d'éviter des émissions de poussières pendant leur manutention, un contrôle régulier de l'atmosphère des lieux, la vérification des appareils de protection collective en matière de captage et de filtrage sur les ventilations, la mise à disposition du personnel d'équipements de protection individuels et notamment des appareils respiratoires antipoussières et des vêtements de protection ; que la société SBFM ne pouvait ignorer les dangers liés à l'amiante et les risques encourus par ses salariés ;
qu'elle ne justifie pas avoir mis en place les mesures préconisées par le décret de 1977 et s'être conformée aux dispositions de celui-ci ; que la réalité de l'exposition aux poussières d'amiante est établie pour chacun des salariés, que cette exposition ait été directe pour ceux qui ont travaillé dans les ateliers de fabrication, ou indirecte pour ceux qui travaillaient à proximité et qui étaient amenés à traverser ces locaux qui n'étaient pas fermés dans la mesure où les poussières se déplaçaient dans l'air ; que, faute pour l'employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires et spécifiques pour préserver les salariés de la poussière d'amiante, pour les protéger et pour réduire les risques d'exposition, ce dernier n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat ;
que le dispositif spécifique, instauré par la loi du 23 décembre 1998 permettant aux salariés de partir à la retraite de façon anticipée et de percevoir une allocation, n'interdit pas aux intéressés de rechercher la responsabilité de l'employeur dans la survenance d'un préjudice non pris en compte par ce dispositif ; qu'il ne peut être sérieusement contesté que compte tenu de cette exposition aux risques et des pathologies en découlant, les salariés ont vécu ou vivent dans l'angoisse permanente qu'une maladie grave soit décelée, que ces salariés se soumettent ou non à des contrôles et des examens médicaux réguliers, certains préférant se faire suivre, d'autres préférant reculer l'échéance en raison du caractère inéluctable de certaines pathologies ; qu'il est dès lors inopérant pour le liquidateur d'opérer des distinctions entre ceux qui fournissent des documents médicaux ou non, entre ceux qui ont commencé à se faire suivre récemment et ceux dont les premiers examens remontent à plusieurs années, entre ceux qui sont décédés ou déjà malades, l'anxiété ayant été vécue par tous avant l'annonce de la maladie et le préjudice subi étant né à l'évidence bien avant l'ouverture de la procédure collective ;
que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont alloué à chacun des salariés des dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété dont le montant a fait l'objet d'une exacte appréciation ;
Aux motifs adoptés que « eu égard à cette exposition au risque et de l'obligation de se faire suivre régulièrement sur le plan médical du fait de leur adhésion au dispositif ACAATA, d'une part, les salariés vivent dans l'angoisse qu'une affection particulièrement grave soit décelée, notamment au niveau pulmonaire, et, d'autre part, cette angoisse est ravivée chez eux à chaque examen, radiographie ou scanner dans l'attente des résultats ; que cette anxiété permanente, qui se manifeste chez chacun selon sa personnalité, est source d'un préjudice réel et certain, lié au comportement fautif de l'employeur et justifie l'octroi de dommages et intérêts pour compenser la perte du plaisir de mener une vie sans le souci permanent de vois sa santé se dégrader ; que le conseil dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer le montant de l'indemnisation de ce préjudice spécifique d'anxiété à la somme de 7.500 euros ; » ;
Alors d'une part que la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en fondant la responsabilité de l'employeur sur l'obligation de sécurité de résultat, lorsqu'une telle obligation a été instituée par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991, sans rechercher si une telle obligation était en vigueur pour l'ensemble des expositions à l'amiante subies par les salariés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du code civil.
Alors d'autre part qu'en l'absence d'obligation de sécurité de résultat en vigueur au moment des manquement reprochés, l'employeur ne peut être tenu de réparer le préjudice d'anxiété de son salarié au titre de la responsabilité contractuelle qu'à la condition que soit établie par le salarié une faute contractuelle, consistant dans le non-respect de la règlementation en vigueur relative à l'amiante ; qu'en énonçant de manière générale, pour l'ensemble des salariés, que l'employeur ne justifiait pas avoir mis en place les mesures préconisées par le décret de 1977 et s'être conformé aux dispositions de celui-ci, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;
Alors enfin que le juge, tenu de réparer le dommage sans perte ni profit, ne peut fixer le préjudice de manière uniforme et forfaitaire ; qu'en réparant de manière forfaitaire le préjudice d'anxiété subi par chaque salarié, sans distinguer entre les salariés décédés, ceux qui étaient déjà malades et ceux qui ne l'étaient pas, et en allouant uniformément à chacun d'entre eux la somme de 7.500 euros, la Cour d'appel a violé les articles 5 et 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, jugeant recevables les demandes, fixé au passif de la liquidation judiciaire une créance en faveur de salariés de la société SBFM, d'un montant de 7.500 ¿ chacun, en réparation du préjudice d'anxiété ;
Aux motifs que « l'AGS et le CGEA soutiennent pour l'essentiel que les demandes des salariés ne sont pas de la compétence prud'homale mais relèvent de l'ACAATA, du FIVA ou du TASS ; que les salariés ne remettent nullement en cause l'indemnisation qui leur a été allouée au titre de l'ACAATA, qu'ils n'invoquent pas davantage la faute inexcusable de l'employeur, qu'ils sollicitent l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété et qu'ils fondent leurs demandes sur le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ; que cette obligation de sécurité de résultat est une obligation contractuelle à laquelle est tenue l'employeur, peu importe qu'elle ait été consacrée par la loi du 31 décembre 1991 (article L4121-1 du code du travail), qui s'inscrit dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ; que dès lors rien ne justifie par application de l'article L 1411-1 du code du travail que les demandes d'indemnisation formées sur un tel fondement échappent à la compétence de la juridiction prud'homale, dès lors qu'il s'agit d'un litige entre les salariés et leur employeur ; que de la même façon dans la mesure où il s'agit de créances, certes indemnitaires, mais découlant directement de l'exécution du contrat de travail, le mandataire liquidateur ne peut utilement opposer aux salariés l'absence de déclarationde créance, d'autant que ces derniers n'ont fait l'objet d'aucune information individuelle sur le délai de forclusion et sur le point de départ de celui-ci » ;
Alors d'une part que la créance indemnitaire d'un ancien salarié contre son employeur, en réparation du préjudice d'anxiété consécutif à son exposition à l'amiante, ne constitue pas une créance salariale et doit être déclarée au passif de l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que les créances invoquées par les anciens salariés de la société SBFM au titre de la réparation de leur préjudice d'anxiété étaient de nature indemnitaire ; qu'en jugeant néanmoins recevables les demandes des anciens salariés, tandis que les créances alléguées par ces salariés n'avaient pas été déclarées au passif de la société SBFM, la cour d'appel a violé l'article L.622-24 du code de commerce, en sa rédaction applicable en l'espèce ;
Alors d'autre part que l'obligation du mandataire judiciaire d'avertir personnellement les créanciers de ce qu'ils doivent déclarer leur créance au passif ne concerne que les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié ; que le mandataire judiciaire n'est pas tenu d'avertir les anciens salariés éventuellement titulaires d'une créance de nature indemnitaire de ce qu'ils doivent déclarer celle-ci au passif de leur ancien employeur ; qu'en jugeant néanmoins, pour déclarer recevables les demandes des anciens salariés de la société SBFM, que les anciens salariés n'avaient fait l'objet d'aucune information individuelle sur le délai de forclusion et sur le point de départ de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L.622-24 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19104;13-19496
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-19104;13-19496


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19104
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award