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15/01/2015 | FRANCE | N°13-22965

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-22965


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 4 octobre 1999 en qualité d'agent du cadre permanent par la SNCF, muté à Dijon pour exercer les fonctions de chef de production moteurs voitures le 1er janvier 2004 puis de responsable du centre de logistique industrielle, promu cadre supérieur le 1er avril 2007, a été affecté en janvier 2009 à un poste de chargé de mission « base de données référentielles » auprès du chef du département industriel de la direction du matériel à Paris

puis a été nommé le 1er mars 2010 chef de projet étude du cadrage SI signale...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 4 octobre 1999 en qualité d'agent du cadre permanent par la SNCF, muté à Dijon pour exercer les fonctions de chef de production moteurs voitures le 1er janvier 2004 puis de responsable du centre de logistique industrielle, promu cadre supérieur le 1er avril 2007, a été affecté en janvier 2009 à un poste de chargé de mission « base de données référentielles » auprès du chef du département industriel de la direction du matériel à Paris puis a été nommé le 1er mars 2010 chef de projet étude du cadrage SI signalement auprès du département sécurité du service ferroviaire à Paris ; qu'il a été placé en arrêt maladie à compter d'avril 2010 ; qu'estimant qu'il avait fait l'objet d'une mise à l'écart dès 2009 et avait été victime de harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi qu'en paiement de salaire pour la période correspondant à son arrêt pour maladie ; que le 10 avril 2012, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes au titre d'un harcèlement moral et dire que la prise d'acte s'analyse en une démission, l'arrêt retient que les mutation et changement d'affectation, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, ne constituent pas des faits de harcèlement moral, la mise à l'écart dont fait état le salarié n'est pas caractérisée dès lors qu'il ne peut faire sérieusement grief à son employeur de ne pas l'avoir convié à des réunions concernant le CLI à Dijon à une époque où il était affecté à une mission à Paris et le refus des prises en compte de trajet en première classe, entrant dans un cadre de maîtrise des coûts salariaux, ne constitue pas un fait de harcèlement ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner tous les éléments invoqués par le salarié parmi lesquels ceux de ne pas avoir été pris en compte dans ses souhaits d'évolution professionnelle, d'avoir été écarté des propositions de poste en filiale, de ne pas disposer d'un bureau définitif, de ne pas recevoir la distribution du courrier, d'avoir bénéficié tardivement des facilités de transport, afin de dire si, pris dans leur ensemble, les faits établis invoqués par le salarié laissaient présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative si l'employeur rapportait la preuve que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral et qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu les articles 4, 5, 12 du code de procédure civile et les articles L. 1152-1 et L. 1411-1 du code du travail ;
Attendu que pour déclarer « irrecevable » la demande du salarié en paiement d'une somme au titre des salaires pour la période au cours de laquelle il était en arrêt maladie, la cour d'appel retient que cette demande est afférente à une perte de revenus en raison de l'arrêt de maladie du salarié et relève, en conséquence, de la juridiction de la sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande du salarié, bien que qualifiée de demande en paiement de salaire, avait pour objet la réparation du préjudice financier résultant de la perte de salaire causée par le harcèlement moral dont il s'estimait victime, ce qui relève de la compétence de la juridiction prud'homale, la cour d'appel à qui il appartenait de restituer aux conclusions du salarié leur véritable portée juridique, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à dire que la prise d'acte produirait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant l'existence d'un harcèlement moral et ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande du salarié en réparation du préjudice financier résultant de la perte de salaire causée par le harcèlement moral dont il estime avoir été victime, l'arrêt rendu le 18 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SNCF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SNCF et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur Samuel X... s'analysait en une démission, débouté en conséquence ce salarié de ses demandes tendant à voir condamner la SNCF à lui verser les sommes de 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 18 340,11 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, 13 918,11 € à titre d'indemnité de licenciement, et 19 353,27 € bruts, outre les congés payés y afférents, au titre des salaires de la période de suspension de son contrat de travail pour maladie d'octobre 2011 à avril 2012 ;
AUX MOTIFS QU'"il appartient aujourd'hui à la Cour, qui évoque, dès lors que la prise d'acte est intervenue postérieurement au jugement, de juger si la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié était ou non fondée au vu des faits qu'il invoque, soit de déterminer si elle s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou en une démission ;
QUE Monsieur Samuel X... invoque trois griefs à l'encontre de son employeur, à savoir :
- de l'avoir affecté à une mission de 6 mois à Paris alors qu'il était en poste à Dijon, aux motifs qu'il n'avait pas rempli ses objectifs, situation qui constitue selon le salarié une sanction disciplinaire déguisée, - d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail, notamment sur le plan géographique, dès lors qu'il devait se déplacer de Dijon à Paris, - d'avoir fait l'objet de harcèlement moral avec mise à l'écart et non prise en compte de ses souhaits de carrière ;
QUE cependant sur le premier grief, il entre dans le pouvoir de direction de l'employeur d'affecter un salarié à une fonction (ou à une "mission") qui lui paraît compatible avec la trajectoire professionnelle du salarié ; que dans le cas présent, l'employeur n'a fait qu'user de ce pouvoir en affectant Monsieur Samuel X... à une mission à Paris, cette affectation ne pouvant s'analyser en une sanction disciplinaire déguisée ; qu'il est en effet constant que si Monsieur Samuel X... a toujours fait l'objet d'évaluations professionnelles favorables, le fait qu'il n'ait pas atteint en totalité les objectifs fixés dans le cadre du CLI rendait opportun un changement d'affectation lequel, en soi, n'était pas préjudiciable et ne contrecarrait pas une évolution de carrière postérieure ;
QUE sur le deuxième grief, il est constant que le régime statutaire des agents de la SNCF prévoit que l'affectation et le lieu de résidence des agents puissent être modifiés suivant les nécessités du service, ce que Monsieur Samuel X... a accepté expressément lors de son embauche ; que le grief qu'il invoque dans ce contexte est donc non pertinent ;
1°) ALORS QU'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir, ni d'en étendre unilatéralement la portée, ni d'imposer au salarié le choix de sa résidence ; qu'en jugeant légitime une mutation de Monsieur X... en exécution d'une clause statutaire rédigée, selon ses propres constatations, en termes généraux et permettant de modifier, sans limitation dans le temps ou l'espace, "l'affectation et le lieu de résidence" du salarié suivant "les nécessités du service" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du Code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ET AUX MOTIFS QUE sur le troisième grief, si l'article L. 1152-1 du Code du travail énonce que "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel", il ne résulte pas des éléments produits par Monsieur Samuel X... qu'il ait fait l'objet de faits tels que ceux caractérisés par l'article précité ; que la cour estime en effet que les mutations, changements d'affectation, ne constituent pas des faits de harcèlement moral, relevant, comme il a été dit ci-dessus du pouvoir de direction de l'employeur, la mise à l'écart dont fait état le salarié n'étant pas non plus caractérisée dès lors qu'il ne peut faire sérieusement grief à son employeur de ne pas l'avoir convié à des réunions concernant le CLI à Dijon, à une époque où il était affecté à une mission à Paris ; que par ailleurs, le fait que des prises en compte de trajet en 1ère classe lui aient été refusées ne constitue pas non plus un fait de harcèlement, entrant dans une maîtrise des coûts salariaux ; qu'en conséquence, s'il est avéré que Monsieur Samuel X... a développé une pathologie dépressive ayant justifié une prescription médicamenteuse et un suivi psychologique, les éléments du dossier ne permettent cependant pas de relier cette situation à une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;
QU'il convient en conséquence de juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur Samuel X... s'analyse en une démission et de débouter le salarié de ses demandes indemnitaires" ;
2°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; que le juge doit examiner l'intégralité des éléments produits par le salarié pour étayer sa dénonciation d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Monsieur X..., qui reprochait à la SNCF un comportement de harcèlement moral, avait invoqué, et offert d'établir par la production de divers éléments de preuve, qu'ayant été affecté à Dijon en septembre 2005 pour une durée initialement prévue de six ans, il y avait installé ses intérêts familiaux, qu'il avait fait l'objet d'une mutation imposée par l'employeur en décembre 2008, sur une mission supposée "de transition" à Paris et y avait été maintenu, en dépit de ses demandes réitérées de réintégration dans un poste à Dijon, que ses demandes de rendez-vous, ses courriers et courriels pour envisager son évolution de carrière n'avaient pas reçu de réponse, ou bien tardives, et évasives, qu'il avait été régulièrement renvoyé vers d'autres interlocuteurs, que ses demandes d'attributions de postes libres dans les filiales de l'entreprise avaient été négligées pour de faux motifs - "pas de possibilité en filiale" -, qu'il avait cessé d'être convié aux réunions de la division de logistique industrielle à Dijon, et aux évènements de la vie du service, cependant que son courrier interne continuait de lui être adressé dans ce service, de sorte qu'il ne recevait aucune information interne ou note de service à Paris, qu'il avait été affecté dans un bureau provisoire sur lequel son nom n'apparaissait pas, que les facilités de circulation promises pour effectuer des allers et retours quotidiens entre Dijon et Paris, ne lui avaient été procurées que tardivement, soit en mai 2009 pour une prise de poste en janvier précédent, que ce comportement avait provoqué une détérioration de sa santé mentale, le contraignant à se traiter par antidépresseurs à compter de mars 2009, et à suspendre son activité professionnelle à compter de mars 2010 ; qu'en se déterminant sans se prononcer sur tous les éléments invoqués par le salarié et, partant, sans apprécier dans leur ensemble, ceux qu'elle aurait pu matériellement estimer établis, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Monsieur Samuel X... irrecevable en sa demande tendant à voir condamner la SNCF à lui verser la somme de 19 353,27 € bruts, outre les congés payés y afférents, au titre des salaires de la période de suspension de son contrat de travail pour maladie d'octobre 2011 à avril 2012 ;
AUX MOTIFS QUE "c'est à bon droit que l'EPIC SNCF soulève l'incompétence matérielle de la Cour pour statuer sur la demande formulée à ce titre par Monsieur Samuel X... dès lors que cette demande est afférente à une perte de revenus en raison de l'arrêt de maladie du salarié d'octobre 2011 à avril 2012 et relève, en conséquence, de la juridiction de la sécurité sociale" ;
ALORS QUE le Conseil de prud'hommes, qui règle par voie de conciliation les différents entre les employeurs et leurs salariés, est compétent pour statuer, en l'absence de toute demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, sur l'action formée contre son employeur par un agent statutaire de la SNCF ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail et tendant à sa condamnation au paiement des salaires perdus par suite d'un arrêt de maladie qu'il impute à un harcèlement moral ; qu'en déclarant cette action irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du Code du travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Samuel X... de sa demande tendant à voir condamner la SNCF à lui verser la somme de 704,48 €, outre les congés payés y afférents, au titre de la rémunération des astreintes ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur Samuel X..., qui sollicite 704,48 ¿ à ce titre, ne fournit pas à la cour les éléments qui lui auraient permis de valider éventuellement ce montant, se bornant à mentionner que ledit montant correspond à 8 x 88,06 (...) ; que Monsieur Samuel X... sera en conséquence débouté de cette demande non justifiée" ;
ALORS QUE Monsieur X..., dans ses écritures d'appel (p. 10 in fine), avait fait valoir que l'indemnité d'astreinte à laquelle il pouvait prétendre lorsqu'il occupait le poste de dirigeant du CLI n'avait pas été intégralement payée en 2007 et 2008, soulignant : "les dates de tenue de ces périodes d'astreinte sont précisées par un collaborateur, Monsieur Y..., qui relève la tenue de périodes d'astreinte les 03, 04, 10 et 11 mars 2007, les 04 et 05/08 2007 et les 01 et 02 mars 2008. Le taux journalier de ces périodes est rappelé dans un courriel du 12 août 2008 par Mademoiselle Z..., gestionnaire RH du CLI à cette période et s'élève à 88,06 €. Les sommes dues à Monsieur X... s'élèvent donc à (8 x 88,06) =704,48 € (pièce 22)" ; qu'il avait produit à l'appui de cette demande les pièces justificatives s'y rapportant ; qu'en l'en déboutant au motif erroné de la non-fourniture "des éléments qui lui auraient permis de valider éventuellement ce montant, se bornant à mentionner que ledit montant correspond à 8 x 88,06" la Cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de Monsieur X... et les pièces produites pour les appuyer, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2013


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 15 jan. 2015, pourvoi n°13-22965

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Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 15/01/2015
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-22965
Numéro NOR : JURITEXT000030119267 ?
Numéro d'affaire : 13-22965
Numéro de décision : 51500060
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2015-01-15;13.22965 ?
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