La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2015 | FRANCE | N°13-19116

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 février 2015, 13-19116


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 30 janvier 2004, M. X... a signé avec la société Grenade productions multimédia un « contrat d'écriture d'un projet de film documentaire Contrat d'option » destiné principalement à la télévision, dont le titre prévu était « Hanoï-Paris l'Art des Mets » ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'au paiement de diverses sommes au titre de salaires et congés payés aff

érents et au titre de la rupture ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux prem...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 30 janvier 2004, M. X... a signé avec la société Grenade productions multimédia un « contrat d'écriture d'un projet de film documentaire Contrat d'option » destiné principalement à la télévision, dont le titre prévu était « Hanoï-Paris l'Art des Mets » ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'au paiement de diverses sommes au titre de salaires et congés payés afférents et au titre de la rupture ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le dire non fondé en ses demandes au titre d'un contrat de travail, alors, selon ce moyen, qu'il avait produit aux débats des messages électroniques et le document intitulé « Dépenses définitives » (Productions) à lui adressés par la société Grenade productions multimédia, dont il résultait que cette société lui avait bien demandé tout au moins la réalisation d'un « teaser » en ayant mis à sa disposition une équipe technique, du matériel, et les locaux de la société ; qu'en jugeant pourtant que la preuve n'était pas rapportée que la réalisation du « teaser » ait été commandée par ladite société, la cour d'appel a dénaturé les pièces du dossier et violé de ce fait l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, sous couvert d'un grief non fondé de dénaturation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond sur les éléments de preuve produits aux débats ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit Monsieur X... non fondé en ses demandes au titre d'un contrat de travail et de l'en avoir débouté ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Le contrat daté du 30 janvier 2004 est le seul signé entre les parties. Il s'intitule :
« Production d'une oeuvre audiovisuelle original
Contrat d'écriture d'un projet de film documentaire
Contrat d'option ».
La société Grenade productions y est désignée comme « le producteur » et M. X... comme « l'auteur ».
Ce contrat stipule :
« Article 1 - Objet de la commande
« Le producteur envisage de produire un documentaire de création destiné principalement à la télévision dont les caractéristiques sont les suivantes :
. titre (provisoire ou définitif) : Hanoï-Paris-L'Art des Mets
. durée approximative : 52'
. format de tournage : DVCAM
. genre : Documentaire
. auteur : David X...

Ci-après dénommé l'oeuvre.
Le producteur demande à l'auteur, qui l'accepte, de collaborer à l'écriture d'un avant-projet de l'oeuvre. Le producteur acquiert par les présentes les droits d'auteur sur l'oeuvre afférents à ladite contribution.
Il est convenu entre les parties que ce contrat d'option vaut pour la phase de développement. Dès la signature de la convention de coproduction ou de préachat avec le premier diffuseur et, en fonction des termes de celle-ci, l'option sera levée, il sera établi un contrat dont les termes, notamment sur le plan financier, seront conformes au devis accepté par la chaîne ou les chaînes.
Article 2 - Conditions de la commande
L'auteur devra se conformer, pour le travail, qui lui est confié, aux indications données par le producteur. Il s'engage à accepter de procéder ou voir procéder aux remaniements de sa contribution nécessités par les impératifs et les objectifs de la production et ce jusqu'à l'acceptation du ou des films par une chaîne. Le producteur se réserve la faculté de refuser les travaux fournis en tout ou en partie et d'adjoindre à l'auteur un ou plusieurs co-auteurs si nécessaire.
Article 3 - Cession de droits
Sous réserve de l'exécution intégrale des présentes et du parfait paiement par le producteur des sommes dues pour l'exploitation de l'oeuvre, l'auteur cède au producteur, à la levée de l'option, pour le monde entier et à titre exclusif, les droits d'exploitation télévisuelle et secondaires et dérivés découlant de sa collaboration à l'oeuvre. (¿)
Article 4 - Durée et étendue des droits
(...)
Au cas où, dans un délai de deux années à compter de la signature du contrat, le film n'aurait pas été réalisé, le présent contrat serait résolu de plein droit par la seule arrivée du terme et sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure ou formalité judiciaire quelconque. L'auteur reprendrait alors la pleine et entière disposition de tous ses droits, les sommes perçues lui restant, en tout état de cause, définitivement acquises sans qu'il puisse prétendre cependant à une indemnité supplémentaire quelconque du fait de la non-réalisation.
Article 5 - Rémunération
En contrepartie de la cession des droits, l'auteur percevra, au titre de l'option
1 - Une rémunération forfaitaire au titre du minimum garantie de 1.524 euros bruts (...)
Cette somme sera payée à l'auteur selon les modalités de versement définies à l'article 6 ci-après et n'est pas productive d'intérêts.
Le producteur se remboursera du montant de ce minimum garanti sur l'ensemble des sommes dont il sera redevable à l'auteur par le jeu du pourcentage prévu au présent article.
Si l'ensemble des sommes revenant à l'auteur du fait de ces pourcentages était inférieur au montant du minimum garanti, le producteur ne pourrait pas exercer de recours contre l'auteur pour la différence.
2 - Une rémunération proportionnelle selon les modalités suivantes :
2-1 Exploitation télévisuelle
(...)
2-2 Exploitation secondaire et dérivée
(...)
Article 6 - Règlements
Les sommes dues au titre de l'article précédent seront payées selon l'échéancier suivant : 1- 324 euros à la signature du présent contrat 2- 600 euros à la remise des textes définitifs 3- 600 euros à l'acceptation des textes par un diffuseur, après modifications s'il y a lieu
. (lettre d'intérêt).
Pour chacune de ces sommes, ils ra déduit, au moment du règlement, les montants de la cotisation AGESSA et de la CSG ».
Il résulte clairement de ce contrat, et spécialement des clauses reproduites ci-dessus qu'il s'agit d'un contrat conclu exclusivement pour l'écriture d'un projet documentaire et pour l'aménagement des modalités de cession et de rémunération des droits d'auteur afférents.
M. X... soutient que l'exécution de ce contrat d'écriture a donné lieu parallèlement, entre le 1er février et le 31 juillet 2004, à la fourniture de prestations de travail « techniques » dans le cadre d'un contrat de travail subordonné verbal, donc à durée indéterminée, soumis à la convention collective nationale des techniciens de la production cinématographique et rompu abusivement et sans respect des formes par la société employeur.
Il explique qu'en effet, la société Grande productions lui a demandé de réaliser des travaux techniques pour le développement et la préparation du documentaire tels que repérages, interviews, tournage, montage de séquences « pour le début de réalisation d'un film » et réalisation d'un « teaser » destiné à la présentation du documentaire et à « prendre de l'avance » sur la réalisation du film dès qu'il serait accepté par une chaîne. Il ajoute que la société Grenade productions lui a remis pour ces travaux du matériel de tournage et de post production, cassettes, caméra, lumières, banc de montage, ordinateur...
Il est acquis aux débats, chacune des parties en faisant état, que le film documentaire « Hanoï-Paris-L'Art des Mets », objet du contrat d'écriture du 30 janvier 2004, est resté au stade du projet et de la phase de développement et n'a été ni réalisé ni diffusé, le projet ayant été refusé par les chaînes de télévision ainsi que cela résulte notamment des courriers de France 5 du 12 novembre 2004, de France 3 du 16 novembre 2004 et de Arte du 21 décembre 2004.
Il résulte des pièces versées aux débats, plus particulièrement des captures photographiques des prises de vues produites, de deux méls de la société Grenade productions à M. X... des 8 avril 2004 et 14 septembre 2004, d'un mél de la société Grenade productions au Centre national de la cinématographie (CNC) du 25 juillet 2005 et d'un état des dépenses définitives de 2006 destiné également au CNC, que M. X... a confectionné un « teaser », c'est-à-dire un petit film de présentation de quelques minutes destiné à la présentation du projet de film aux chaînes et que ce « teaser » a été remis dans ce but à la société Grande productions.
Il en ressort également que la société avait provisionné dans ses comptes des sommes pour les frais (« défraiement »), et non la rémunération des repérages effectués par M. X... (2.000 euros) et pour ceux relatifs à la confection du « teaser » (1.000 euros) et avait fourni à celui-ci du matériel et des équipements pour les besoins de ces repérages et tournage.
En revanche, il ne figure pas au dossier aucun élément permettant de démontrer que la société Grenade productions a demandé à M. X... de réaliser et tourner le documentaire projeté, ou de fournir des prestations excédant ce qui était nécessaire pour la phase de développement et de présentation du projet, notamment en ce qui concerne les repérages, la nature et l'importance des séquences tournées. Il n'est pas même justifié que c'est la société productrice qui a commandé la confection du « teaser », lequel fait habituellement partie, lorsqu'il existe, du dossier de présentation du projet au même titre que le synopsis, la circonstance qu'elle a accepté de défrayer M. X... pour les frais exposés par lui à cette occasion étant sans incidence à cet égard.
En outre, s'il est exact que M. X... figure en qualité de « réalisateur » sur divers documents, spécialement sur ceux destinés au CNC, il est ainsi désigné pour la réalisation ultérieure du documentaire lui-même et non pour celle, préalable, de la finalisation du projet.
Les explications et pièces fournies, y compris les attestations de personnes ayant participé aux repérages et au tournage de séquences effectués par M. X..., ne permettent d'établir ni que celui-ci a réalisé un véritable « début de la réalisation d'un film », ni qu'il a reçu en ce sens une commande de la société Grenade productions, laquelle lui aurait donné à cet effet des ordres et directives et en aurait surveillé l'exécution.
Il s'ensuit que, la preuve n'étant rapportée ni d'un travail de réalisation ni plus généralement de l'exécution d'un travail subordonné entre la société Grenade productions et M. X... pour la période considérée, le contrat de travail allégué n'est établi.
Le jugement, qui a débouté M. X... de toutes ses demandes, doit en conséquence être confirmé » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Il ressort des explications données que le projet de film écrit par Monsieur X... et refusé par les chaînes télévisées aurait été le galop d'essai malheureux d'un jeune auteur et réalisateur débutant inexpérimenté en fin d'études, lequel déclare travailler actuellement avec plus de succès sur des reportages pour la télévision.
Le contrat signé le 30 janvier 2004 est un contrat d'écriture concernant une cession de droits d'auteur à la société Grenade production.
Suite au refus motivé d'un premier projet par France 3 le 9 mars 2004, il a été adjoint à Monsieur X... une aide pour la réécriture en la personne de son tuteur d'études Monsieur Y... disposant de l'expérience et de la notoriété.
Monsieur X... ne sollicite pas l'exécution du contrat d'auteur et le paiement des frais engagés dans ce cadre pour le « teaser » et les repérages mais allègue devant le Conseil l'existence d'un contrat de travail de réalisateur distinct qui aurait reçu exécution pendant 6 mois de février à juillet 2004.
Le Conseil de prud'hommes est indiscutablement compétent pour apprécier l'existence du contrat de travail de réalisateur prétendu.
Les pièces produites permettent d'établir que le contrat d'écriture comporte l'établissement d'un document écrit et éventuellement d'un document DVD en forme de clip de quelques minutes dénommé « teaser » à présenter aux chaînes susceptibles d'accepter la diffusion.
Le compte de dépenses produit pour Grenade production fait état d'une provision de 2.000 euros pour les repérages effectués par Monsieur X... et 1.000 euros pour le « teaser » de Monsieur X....
La confection, tant du document papier illustré que du document DVD, implique en effet nécessairement de procéder à des repérages avec de courtes séquences filmées des personnages retenus pour la réalisation du documentaire.
En revanche, il n'apparaît pas qu'un accord ait été donné à Monsieur X... pour procéder à la réalisation du documentaire et des instructions données en ce sens.
Le contrat de travail de réalisation revendiqué pour Monsieur X... suppose qu'un travail de cette nature lui ait été confié sous la subordination de l'employeur, ce qu'il n'établit pas.
Monsieur Y..., « tuteur » de Monsieur X..., atteste avoir travaillé sur le scénario et le « teaser » en compagnie de la documentaliste Madame Z... et script doctor Madame A..., mais qu'il n'a jamais donné son accord en tant que co-auteur à la réalisation du film qui ne peut se faire avant obtention d'un accord de préachat ou de coproduction d'un diffuseur et de l'autorisation du CNC ; il précise avoir rencontré Monsieur X... pour le suivi de son diplôme et que celui-ci l'a informé qu'il tournait de sa propre initiative avec des amis dans ce cadre.
L'examen des projets écrits versés aux débats par Grenade production établit que le document initial de Monsieur X... a été profondément remanié pour être présenté aux diffuseurs potentiels.
Madame Z..., documentaliste, atteste avoir travaillé sur le projet ; elle a été payée en droits d'auteur.
On peut noter l'emploi du futur dans les projets écrits : « le document sera tourné » « nous filmerons »

La version anglaise (pour laquelle il est justifié de frais de traduction) prévoit les lieux de tournage à Paris et ailleurs.
Il convient d'observer que la preuve n'est pas rapportée que le document DVD versé par Monsieur X... soit le même qui a été présenté aux diffuseurs, car il comporte des captages d'images de date postérieure à cette présentation (2005-2006).
En conclusion, les demandes au titre d'un contrat de travail de réalisation ne peuvent qu'être rejetées » ;
ALORS, D'UNE PART, QU' un contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ; que, dans la présente espèce, il ressort des propres énonciations des juges d'appel que Monsieur X... a réalisé le « teaser » litigieux, avec le matériel et les équipements fournis par la société GRENADE PRODUCTIONS MULTIMEDIA, et que cette dernière avait provisionné dans ses comptes les sommes nécessaires à la rémunération de l'exposant pour la réalisation des prises de vues et dudit « teaser » ; qu'ainsi, la Cour d'appel a elle-même constaté l'existence des trois éléments du contrat de travail ; qu'en refusant pourtant de reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur X... et la société GRENADE PRODUCTIONS MULTIMEDIA, les juges d'appel n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres énonciations et ont de ce fait violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en estimant successivement qu'il résultait des pièces versées aux débats que « M. X... a confectionné un « teaser » » (arrêt attaqué, p. 5) et que la preuve n'était pas rapportée « d'un travail de réalisation » (arrêt attaqué, p. 5), la Cour d'appel a entaché son arrêt de contradiction de motifs et violé ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE Monsieur X... avait produit aux débats des messages électroniques et le document intitulé « DEPENSES DEFINITIVES » (Productions) à lui adressés par la société GRENADE PRODUCTIONS MULTIMEDIA, dont il résultait que cette société lui avait bien demandé tout au moins la réalisation d'un « teaser » en ayant mis à sa disposition une équipe technique, du matériel, et les locaux de la société ; qu'en jugeant pourtant que la preuve n'était pas rapportée que la réalisation du « teaser » ait été commandée par ladite société, la Cour d'appel a dénaturé les pièces du dossier et violé de ce fait l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19116
Date de la décision : 18/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 fév. 2015, pourvoi n°13-19116


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Delamarre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.19116
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award