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09/04/2015 | FRANCE | N°13-25813

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2015, 13-25813


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Air France en qualité d'agent de service avion à compter du 8 février 1999 ; que pour exercer ses fonctions, le salarié était titulaire d'une autorisation administrative permettant l'accès en zone aéroportuaire réservée ; que cette autorisation lui ayant été retirée le 25 juin 2002 par décision de l'autorité préfectorale, la société Air France a rés

ilié son contrat de travail pour fait du prince ; qu'il a saisi la juridiction prud'h...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Air France en qualité d'agent de service avion à compter du 8 février 1999 ; que pour exercer ses fonctions, le salarié était titulaire d'une autorisation administrative permettant l'accès en zone aéroportuaire réservée ; que cette autorisation lui ayant été retirée le 25 juin 2002 par décision de l'autorité préfectorale, la société Air France a résilié son contrat de travail pour fait du prince ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire fondée la résiliation du contrat de travail pour fait du prince et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que si le retrait d'habilitation ne constitue pas, en soi, un cas de force majeure, il s'avère que la décision administrative affectant le salarié a présenté pour la société Air France, les caractères d'extériorité, d'imprévisibilité et d'insurmontabilité justifiant la rupture prononcée, qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que l'employeur a pris une part quelconque dans le retrait d'habilitation en cause, que si l'éventualité d'un tel retrait pour tout agent qui en bénéficie n'est pas a priori exclue -cette circonstance faisant d'ailleurs, s'agissant de M. X..., l'objet d'une mention dans son contrat de travail- elle était en l'espèce raisonnablement imprévisible pour l'employeur alors que la mesure est fondée sur des allégations de participation antérieure de l'intéressé à la commission d'infractions pénales dont rien n'indique que la société Air France ait pu en avoir connaissance, qu'enfin celle-ci n'avait pas la faculté de passer outre à la décision administrative, qui s'imposait à elle comme au salarié, sous peine de poursuites, que le salarié ne peut par ailleurs utilement invoquer la possibilité qu'avait l'employeur de lui confier des fonctions ne nécessitant pas l'agrément alors que les seules qu'il était en droit de revendiquer, en dehors de toute obligation de reclassement pesant en la circonstance sur l'employeur, étaient ses fonctions contractuelles d'agent de service avion, nécessairement soumises à l'agrément litigieux, que c'est donc vainement qu'il se réfère aux termes de sa lettre d'engagement spécifiant que "en cas de faute grave ou de force majeure (notamment si les Autorités de Police venaient à ne pas vous accorder ou à vous retirer le badge nécessaire pour travailler en zone aéroportuaire), le présent contrat pourra être rompu avant son terme, sans préavis ni indemnité", le terme pourra n'ayant pas pour objet ni pour effet d'introduire une marge d'appréciation de l'employeur en cas de retrait d'agrément ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que la situation résultant du retrait d'une habilitation par l'autorité publique en raison du comportement du salarié titulaire de l'habilitation, ne constitue pas en soi un cas de force majeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de voir constater la nullité de la résiliation unilatérale de son contrat de travail et, par conséquent, de ses demandes de réintégration et de condamnation de la société AIR FRANCE au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires et congés payés afférents.
AUX MOTIFS propres QUE Sur la qualification de la rupture du contrat de travail. Il n'est pas sérieusement contesté que l'exercice des fonctions d'agent de service avion nécessite un agrément administratif qui a fait défaut à Monsieur Abdelkader X... à la suite de la décision préfectorale. Si ce retrait d'habilitation ne constitue pas, en soi, un cas de force majeure, il s'avère que la décision administrative affectant Monsieur Abdelkader X... a présenté pour la S. A. AIR FRANCE les caractères d'extériorité, d'imprévisibilité et d'insurmontabilité justifiant la rupture prononcée. Il n'est pas démontré, ni même allégué, que la S. A. AIR FRANCE a pris une part quelconque dans le retrait d'habilitation en cause. Si l'éventualité d'un tel retrait pour tout agent qui en bénéficie n'est pas a priori exclue cette circonstance faisant d'ailleurs, s'agissant de Monsieur Abdelkader X..., l'objet d'une mention dans son contrat de travail elle était en l'espèce raisonnablement imprévisible pour l'employeur alors que la mesure est fondée sur des allégations de participation antérieure de l'intéressé à la commission d'infractions pénales dont rien n'indique que la S. A. AIR FRANCE ait pu en avoir connaissance. Enfin la S. A. AIR FRANCE n'avait pas la faculté de passer outre à la décision administrative, qui s'imposait à elle comme à Monsieur Abdelkader X..., sous peine de poursuites. Le salarié ne peut par ailleurs utilement invoquer la possibilité qu'avait la S. A. AIR FRANCE de lui confier des fonctions ne nécessitant pas l'agrément alors que les seules qu'il était en droit de revendiquer, en dehors de toute obligation de reclassement pesant en la circonstance sur l'employeur, étaient ses fonctions contractuelles d'agent de service avion, nécessairement soumises à l'agrément litigieux. C'est donc vainement qu'il se réfère aux termes de sa lettre d'engagement spécifiant que "en cas de faute grave ou de force majeure (notamment si les Autorités de Police venaient à ne pas vous accorder ou à vous retirer le badge nécessaire pour travailler en zone aéroportuaire), le présent contrat pourra être rompu avant son terme, sans préavis ni indemnité", le terme pourra n'ayant pas pour objet ni pour effet d'introduire une marge d'appréciation de l'employeur en cas de retrait d'agrément ; ou encore qu'il invoque le cas d'un autre salarié dont il n'est cependant pas démontré qu'il se trouvait dans une situation identique à la sienne, notamment quant à ses fonctions contractuelles. La rupture pour fait du prince est dès lors bien fondée et il convient de confirmer le jugement de première instance ayant débouté Monsieur Abdelkader B. de ses demandes.
Et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE Sur la nullité du licenciement le fait du prince s'entend d'une intervention ou d'un acte de l'administration imprévisible rendant impossible pour l'une ou l'autre des parties contractantes l'exécution du contrat de travail ; que, lorsqu'il est établi, le fait du principe est assimilable à un cas de force majeure dont les conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'insurmontabilité se trouvent réunies ; que le retrait d'un agrément administratif indispensable à l'exercice d'une activité professionnelle est constitutif d'un fait du principe assimilable à un cas de force majeure autorisant la rupture du contrat de travail du salarié sans préavis ni indemnité, dès l'instant où le contrat en question en prévoit la possibilité ; que la société défenderesse verse aux débats le courrier du 5 juillet 2002 par lequel le Préfet de Seine-Saint-Denis s'oppose à la délivrance au bénéfice du requérant d'un titre d'accès en zone réservée ; que la lettre de notification de la rupture du contrat de travail du demandeur est formulée dans les termes suivants : « cette décision administrative vous met dans l'impossibilité de reprendre votre activité au sein de notre entreprise et rend impossible la poursuite de votre contrat de travail » ; qu'il apparaît que le contrat de travail du salarié stipule que : « le port apparent du laissez-passer ou du badge délivré par la police de l'air et des frontières est une obligation absolue et permanente qui conditionne l'exercice de votre activité à l'Escale Charles de Gaulle ; qu'il doit être observé que l'argument du demandeur selon lequel la contrainte s'exerçant sur la société défenderesse n'a concerné que l'escale Charles de Gaulle est inopérant, la décision administrative s'imposant à la société défenderesse de manière générale et absolue et n'impliquant aucunement que l'entreprise soit assujettie à une obligation de reclassement du salarié ; qu'il n'y a en outre pas lieu d'examiner la prétendue clause de mobilité alléguée par le salarié, les termes du contrat ne permettant pas d'établir l'existence d'une telle clause ; qu'il convient ainsi de relever que l'employeur s'est trouvé fondé à s'appuyer sur les dispositions contractuelles existantes pour constater la rupture du contrat de travail de Monsieur Abdelkader X... dès l'instant où une décision administrative n'a plus permis à ce salarié d'exercer sa prestation de travail conformément à ce qui avait été prévu par les parties contractantes ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il apparaît que les critères d'imprévisibilité, d'extériorité et d'insurmontabilité se sont trouvés réunis par la décision au fait du principe ayant abouti à la perte par le requérant de l'accès à la zone réservée au sein de laquelle il a exercé sa prestation de travail ; qu'ainsi la rupture du contrat de travail de Monsieur X... se trouve justifiée par ce seul motif ; qu'il en résulte qu'il convient de rejeter la demande du requérant tendant à obtenir la nullité de la rupture de son contrat de travail.
ALORS QUE seul un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure ; que lorsque l'exercice de certaines fonctions est soumis à l'existence d'une habilitation par l'autorité publique, le retrait de cette habilitation n'est pas imprévisible lors de la conclusion d'un contrat de travail avec le titulaire du poste ; qu'en l'espèce, pour débouter Monsieur X... de ses demandes, la Cour considère que les conditions requises pour constituer un cas de force majeure sont réunies par le retrait de l'habilitation ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il ressort de l'arrêt que les fonctions exercées par Monsieur X... étaient soumises à cette habilitation, de sorte que lors de la conclusion du contrat de travail, le retrait d'une telle habilitation ne constituait pas un événement imprévisible, la Cour a violé l'article 1148 du Code civil.
Et ALORS QU'il en va d'autant plus ainsi lorsque l'éventualité du retrait de l'habilitation administrative fait l'objet d'une mention dans le contrat de travail, laquelle implique que ce retrait était prévu, donc prévisible; qu'en considérant, avoir après constaté que la possibilité du retrait faisait l'objet d'une mention dans le contrat de travail de Monsieur X..., que ce retrait était imprévisible, la cour d'appel a violé l'article 1148 du Code civil .
ALORS en outre QUE l'imprévisibilité est le caractère de ce qui ne peut être prévu ; que le fait que la société n'ait pas eu connaissance avant la signature du contrat des infractions pénales déjà commises qui constituaient le motif du retrait de l'habilitation ne rend pas ce retrait imprévisible ; qu'en affirmant que la mesure était fondée sur la participation de l'intéressé à des infractions pénales dont rien n'indique que la société AIR FRANCE ait pu avoir connaissance, la cour d'appel a violé l'article 1148 du Code civil.
ALORS ENFIN QUE la force majeure, permettant à l'employeur de s'exonérer des obligations qui sont les siennes en cas de licenciement, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible entraînant une impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat de travail, même après tentative de reclassement ; que seul le fait d'avoir tenté de reclasser le salarié et de n'y être pas parvenu est de nature à caractériser le critère de l'irrésistibilité indispensable à la reconnaissance de la force majeure, ce d'autant plus que l'employeur est tenu d'une obligation d'adaptation de ses salariés; qu'en l'espèce, pour dire impossible la poursuite du contrat de travail de Monsieur X... et le débouter de ses demandes d'indemnités de rupture, la Cour se borne à énoncer que les seules fonctions que Monsieur X... était en droit de revendiquer après la rupture de son contrat étaient celles d'agent de service avion qui étaient les siennes, en dehors de toute obligation de reclassement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 septembre 2013


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 09 avr. 2015, pourvoi n°13-25813

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Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 09/04/2015
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-25813
Numéro NOR : JURITEXT000030473250 ?
Numéro d'affaire : 13-25813
Numéro de décision : 51500552
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2015-04-09;13.25813 ?
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