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05/05/2015 | FRANCE | N°14-83409

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 mai 2015, 14-83409


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bruno X...,

contre l'arrêt de la Cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2014, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a déclaré coupable, a ajourné le prononcé de la peine et ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin

, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Gre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bruno X...,

contre l'arrêt de la Cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2014, qui, pour infraction au code de l'environnement, l'a déclaré coupable, a ajourné le prononcé de la peine et ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 513 et 591 du code de procédure pénale ;
« en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'avoir exécuté des travaux de remblai nuisibles au débit des eaux ou au milieu aquatique, faits prévus par l'article L. 173-1, I du code de l'environnement, et a ajourné le prononcé de la peine à une audience ultérieure avec obligation de remettre en état les 5 000 m² de remblai litigieux dans un délai de neuf mois sous astreinte journalière de 30 euros passé ce délai ;
« alors que le prévenu ou son avocat ont toujours la parole en dernier ; que faute de constater que tel aurait été le cas en l'espèce, l'arrêt attaqué ne peut qu'être censuré » ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le rapport a été fait, que le ministère public a été entendu en ses réquisitions et que l'avocat du prévenu a été entendu en sa plaidoirie, a pris et développé ses conclusions et a déposé des pièces ;
Que, dès lors, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté ; Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 173-1-I, L. 173-5, L. 173-9 du code de l'environnement, 132-66, 132-67, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'avoir exécuté des travaux de remblai nuisibles au débit des eaux ou au milieu aquatique, faits prévus par l'article L. 173-1, I du code de l'environnement, et a ajourné le prononcé de la peine à une audience ultérieure avec obligation de remettre en état les 5 000 m² de remblai litigieux dans un délai de neuf mois sous astreinte journalière de 30 euros passé ce délai ;
« aux motifs propres que, sur la culpabilité, dans ses conclusions, le prévenu fait soutenir que l'article L. 216-8 du code de l'environnement servant de base aux poursuites n'existe plus depuis son abrogation par ordonnance du 11 janvier 2012 ; que toutefois, il y a d'abord lieu de relever que l'article visé était applicable au moment des faits poursuivis ; que cette suppression résulte de la restructuration du code de l'environnement qui a conduit, à droit constant s'agissant de l'incrimination à un nouvel article L. 173-1-I, l'article en cause prévoyant dans sa nouvelle rédaction résultant de la loi du 16 juillet 2013 une répression à hauteur de, un an d'emprisonnement, et de 75 000 euros d'amende, applicable, en l'espèce, comme prévoyant une sanction plus douce ; qu'aucun grief résultant de l'absence de visa de la nouvelle numérotation n'est justifié par le prévenu ; que s'agissant du fait que le prévenu ne serait pas le propriétaire du terrain, il y a lieu de relever que contrairement à ce qu'il affirme, il n'a pas été poursuivi en qualité de propriétaire mais comme exploitant la parcelle en cause ce qu'il ne conteste pas ; que sur la qualification de zone humide du terrain considéré, qui jusque-là n'était pas contestée par le prévenu, les constatations faites par les agents du service départemental de la Moselle le confirme puisque la parcelle présente un sol fortement humide malgré la période de sécheresse du moment, les traces d'eau pérenne caractérisant la zone humide d'un point de vue physique au sens de l'arrêté ministériel du 24 juin 2008 modifié par l'arrêté ministériel du 1er octobre 2009 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; que c'est sur la base de cette qualification qu'était intervenue une première procédure en 2003, procédure dont le prévenu a indiqué avoir eu connaissance ; que le schéma directeur d'aménagement et de la gestion des eaux élaboré par le comité de bassin Rhin-Meuse, approuvé par le préfet le 15 novembre 1996, a déterminé la politique de l'eau et a prescrit dans son chapitre IV la nécessité de préserver les zones humides pour leurs qualités avérées, une cartographie des zones humides concernées dont fait partie la parcelle en cause étant annexé au schéma ; que contrairement à ce que soutient le prévenu, la délimitation a bien été expressément visée par l'autorité préfectorale ; qu'il résulte des constatations faites par les agents de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques que les travaux de remblai effectués l'ont été sur une surface totale de 1,64 h étant précisé que l'ancienne partie remblayée en 2003 portait sur 11.370 m² soit une extension de remblai de 5 000 m² ; qu'aux termes des articles L. 214-1 et L. 214-3 du code de l'environnement, une autorisation pour assèchement est nécessaire lorsque les travaux envisagés portent sur une surface supérieure à 1 hectare, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune autorisation n'a été requise par le prévenu pour procéder aux travaux ; que le prévenu conteste être à l'origine des travaux de remblai, arguant que la société BCP et son gérant en sont responsables ; que toutefois, il résulte clairement de l'enquête diligentée et des déclarations recueilles telles qu'elles viennent d'être rappelées et spécialement des propres déclarations du prévenu que c'est bien sous sa responsabilité que des dépôts de terre et de matériaux divers ont été effectués sur la parcelle litigieuse, dépôt qui ont été ensuite aplanis entraînant la disparition de la zone humide et de la diversité de sa végétation ; qu'exploitant la parcelle, le prévenu ne peut se réfugier derrière une prétendue intervention intempestive de la société BCP et de son gérant M. Y... ; que compte tenu de la procédure intervenue en 2003 pour les mêmes motifs et pour la même parcelle, le prévenu, qui connaissait cette procédure, ne peut arguer d'une quelconque bonne foi ; qu'à la suite de la procédure de 2003, des instructions précises avaient été données interdisant tout autre remblai sans autorisation ; que le jugement entrepris dont la cour d'appel adopte par ailleurs les motifs est confirmé dans toutes ses dispositions ;
« et aux motifs réputés adoptés que, selon l'article L. 211-11°, on entend par zone humide les terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année" ; que le terrain dont s'agit se trouve dans le complexe de prairies humides de la vallée de la Nied française et que les agents de l'ONEMA ont pu constater que le sol restait humide malgré une période de sécheresse ; qu'ils ont également constaté la présence de plantes hygrophiles : joncacés, polygonacés et poacés ; que l'article L. 214-1 soumet à autorisation les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques et entraînant une modification du mode d'écoulement des eaux ; qu'en outre, une procédure a été établie en 2003 à l'encontre de Mme X... pour le dépôt de 11 370 m² de remblai sur le même terrain ; que la procédure a été classée sans suite sous réserve de maintien de la zone à joncs au sud de la zone remblayée et de la roselière située au nord, tous nouveaux dépôts étant interdits et le terrain devant rester soigneusement clôturé ; que cependant, il a été constaté par les agents de l'ONEMA et les services de gendarmerie, le dépôt sans autorisation de nouveaux remblais sur une superficie d'environ 5 000 m² supplémentaires, traverses de chemin de fer, tas de terre, argile liquide, branchage, morceau de ferraille ; que les faits objets de la prévention sont donc établis à l'encontre de M. X... ;
« 1°) alors que sont implicitement abrogées les dispositions d'une décision ou d'une norme administrative incompatibles avec celles d'une décision ou d'une norme administrative postérieure de rang égal ou supérieur ; que le délit réprimé par l'article L. 173-1 du code de l'environnement postule notamment que soient effectués des travaux portant gravement atteinte à une zone humide ; que les critères de détermination d'une zone humide et leurs méthodes de mise en oeuvre sont fixés, avec précision, par l'arrêté interministériel du 24 juin 2008 (publié au JO 9 juillet 2008), lequel a été prévu par le décret n° 2007-135 du 30 janvier 2007, codifié à l'article R. 211-108 du code de l'environnement, lequel décret a lui-même été prévu par l'article 127 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ajoutant un nouvel alinéa au I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; qu'en déclarant M. X... coupable de travaux de remblaiement portant atteinte à une zone humide en se bornant à affirmer que la parcelle qu'il exploitait était classée en zone humide par la cartographie annexée à un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux élaboré par le comité de bassin Rhin-Meuse et approuvé par le préfet le 15 novembre 1996, sans vérifier si cette cartographie annexe était conforme aux critères et méthodes fixés onze ans et demi plus tard par l'arrêté interministériel du 24 juin 2008, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
« 2°) alors que, à sa culpabilité déclarée par les premiers juges en raison du remblaiement effectué sur la parcelle qu'il exploitait, M. X... opposait qu'en l'absence d'arrêté préfectoral délimitant légalement les zones humides en Moselle le seul document opposable était le PLU de Remilly, et que précisément celui-ci autorisait, en son article A-2-7, le remblaiement des sols par les agriculteurs pourvus qu'ils soient nécessaires à leur exploitation ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
« 3°) alors que, au soutient de sa relaxe, M. X... soulignait aussi que les agents de l'ONEMA s'étaient contentés d'affirmer que la parcelle qu'il exploitait était une zone humide, sans avoir mis en oeuvre l'une des deux méthodes minutieusement décrites et imposées par l'arrêté interministériel du 24 juin 2008 ; qu'en ne répondant pas davantage à ce chef péremptoire de ses conclusions et en se bornant à affirmer, par motifs propres et adoptés, que les agents de l'ONEMA avaient constaté un remblaiement sur 5 hectares ainsi que la persistance d'humidité malgré une période de sécheresse et la présence de plantes hygrophiles, la cour d'appel n'a pas mieux justifié sa décision » ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que M. X..., exploitant agricole, a effectué un remblai de terre et matériaux divers sur une parcelle qu'il exploite afin, selon ses dires, de refaire la clôture qui était dégradée, d'assainir la zone pour l'hygiène de son bétail et de rendre le site propre, en acceptant, pour rendre service, des dépôts sur les terrains ; que considérant que ceux-ci constituaient une zone humide protégée, des agents de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques ont dressé procès-verbal ; que, poursuivi devant le tribunal correctionnel, le prévenu a été déclaré coupable, la peine étant ajournée avec obligation de remise en état sous astreinte ; qu'il a relevé appel, ainsi que le ministère public ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les agents ont constaté sur la parcelle en cause, les éléments caractéristiques de zones humides ; que sur le plan floristique, la parcelle abrite dans sa partie non remblayée une majorité de végétaux typiques des milieux humides tels que les joncs et les roseaux et que la zone constitue un excellent habitat relais pour l'entomofaune et pour les oiseaux des milieux aquatiques ;
Que les juges ajoutent que les travaux réalisés sur la zone humide ont plusieurs impacts, tels que la destruction de la végétation spécifique du milieu et par conséquent de l'habitat qu'elle constitue pour l'ensemble de la faune, l'altération globale de la biodiversité et de la production biologique de la zone, la diminution des capacités épuratoires du milieu, la perte des capacités de rétention de l'eau, que l'emprise de la nouvelle zone remblayée marque une rupture dans la continuité écologique de la parcelle visée et que la nature des matériaux stockés sous forme de remblai reste douteuse et potentiellement source de pollution diffuse du sol ;
Que la cour d'appel en déduit que la parcelle présente un sol fortement humide malgré la période de sécheresse du moment, les traces d'eau pérenne caractérisant la zone humide d'un point de vue physique au sens de l'arrêté ministériel du 24 juin 2008 modifié par l'arrêté ministériel du 1er octobre 2009 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides, en application de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a qualifié la zone humide conformément aux articles L. 211-1, R. 211-10 du code de l'environnement et à l'arrêté ministériel du 24 juin 2008 modifié le 1er octobre 2009, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-83409
Date de la décision : 05/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Eaux et milieux aquatiques - Zone soumise à des contraintes environnementales - Zone humide - Caractérisation - Portée

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour retenir l'existence d'une zone humide et condamner un prévenu pour travaux illicites, retient, sans s'arrêter aux énonciations du schéma départemental de gestion de l'eau ou des documents d'urbanisme, les constatations floristiques et entomologiques des agents spécialisés, les impacts des travaux litigieux sur la zone et en déduit que celle-ci présente les caractéristiques physiques précisées à l'arrêté du 24 juin 2008 modifié, pris en application de l'article R. 211-108 du code de l'environnement


Références :

article R. 211-108 du code de l'environnement

arrêté ministériel du 24 janvier 2008 modifié le 1er octobre 2009

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 10 avril 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 mai. 2015, pourvoi n°14-83409, Bull. crim. criminel 2015, n° 97
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 97

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lagauche
Rapporteur ?: M. Fossier
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.83409
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