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19/11/2015 | FRANCE | N°14-18159

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2015, 14-18159


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude

permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété ; que l'indemnisation accordée au titre d'un préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été employé par l'entreprise Valeo climatisation, aux droits de laquelle se trouve la société Valeo systèmes thermiques (la société) en son établissement de Nogent-le-Rotrou de 1971 à 2000, en qualité d'agent professionnel ; que par arrêté ministériel du 1er août 2001, cet établissement a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que le salarié, qui avait quitté l'entreprise le 31 décembre 2000 dans le cadre d'un dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi, et qui perçoit une pension de retraite à taux plein depuis le 1er janvier 2005, n'a pas bénéficié de l'ACAATA ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en réparation d'un préjudice d'anxiété ;
Attendu que pour débouter le salarié de cette demande, l'arrêt retient qu'aucune pièce afférente aux postes occupés par le salarié n'est produite, que celui-ci produit le rapport d'épreuve d'effort subie en décembre 2006 dans le cadre d'un bilan cardio vasculaire, sans rapport évoqué avec une exposition à l'amiante, le compte-rendu d'un scanner thoracique pratiqué le 5 septembre 2011 mentionnant des poumons emphysémateux sans indication d'une affection résultant d'une exposition à l'amiante, l'indication d'un suivi d'une exposition à l'amiante ne suffisant pas à laisser craindre la déclaration d'une maladie liée à ce produit, un certificat médical du 2 mai 2011 indiquant qu'il est « l'objet d'une anxiété réactionnelle depuis 2007 », sans précision de la permanence ou de l'objet de cette anxiété, que ces documents et l'évocation de la maladie et du décès d'anciens collègues dont certains seraient liés à leur exposition à l'amiante ne suffisent pas à établir la réalité d'une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, non plus que la réactivation de cette angoisse lors de contrôles et d'examens réguliers, de sorte que les conditions de l'indemnisation sollicitée ne sont pas réunies ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un salarié remplissant les conditions d'adhésion prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel, a droit, qu'il ait ou non adhéré à ce régime légal, à la réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Valeo systèmes thermiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Valeo systèmes thermiques et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Raymond X... de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... fait valoir qu'il a travaillé sur différentes chaînes de production et à la maintenance de la chaufferie ; que la société l'a incité à partir en 2000, avant la mise en place de plans amiante et qu'il n'a donc pas perçu d'indemnité réparant la perte d'années d'espérance de vie et son anxiété ; qu'au fil des années, il a été informé des méfaits de l'amiante et des maladies voire du décès de certains de ses anciens collègues ; qu'il a subi des examens médicaux en lien avec son contact professionnel avec l'amiante pendant trente ans ; que la société intimée répond que M. X... a demandé à bénéficier de l'ARPE ; que s'il a travaillé dans un établissements visé par un arrêté ministériel en application de l'article 41 de la loi de 1998 sur la préretraite amiante, M. X... ne réunit pas les conditions de l'indemnisation posées par la jurisprudence ; que les salariés qui ont travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante se trouvant par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étant amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse, sont bien-fondés à demander réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que, par arrêté du 1er août 2001, l'établissement de Nogent le Rotrou de la société Valeo systèmes thermiques, au sein duquel avait travaillé M. X... de 1971 à 2000, a été répertorié parmi les établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et les établissements de calorifugeage, susceptibles d'ouvrir droit à la cessation d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que M. X... n'a pas bénéficié du dispositif de préretraite amiante eu égard à la date de son départ, antérieure audit arrêté ; que cependant, la réparation du préjudice spécifique d'anxiété revendiquée par M. X... nécessite que soit établie une situation d'inquiétude permanente telle que sus évoquée ; qu'aucune pièce afférente aux postes occupés par M X... n'est produite ; que ce dernier produit : - le rapport d'épreuve d*effort subie en décembre 2006 dans le cadre d'un bilan cardio vasculaire, sans rapport évoqué avec une exposition à l'amiante ; - le compte-rendu d'un scanner thoracique pratiqué le 5 septembre 2011 mentionnant des poumons emphysémateux sans indication d'une affection résultant d'une exposition à l'amiante ; l'indication d'un suivi d'une exposition à l'amiante ne suffisant pas à laisser craindre la déclaration d'une maladie liée à ce produit ; - le certificat rédigé par le Dr A... le 2 mai 2011 indiquant que son patient est " l'objet d'une anxiété réactionnelle depuis 2007 ", sans précision de la permanence ou de l'objet de cette anxiété ; que ces documents et l'évocation de la maladie et du décès d'anciens collègues dont certains seraient liés à leur exposition à l'amiante ne suffisent pas à établir la réalité d'une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante non plus que la réactivation de cette angoisse lors de contrôles et d'examens réguliers ; que les conditions de l'indemnisation sollicitée n'étant pas réunies, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE selon la jurisprudence de la Cour de cassation du 11 mai 2010, numéros 09-42.241 et 09-42.257 : « les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse » ; qu'au moment des faits Monsieur X... Raymond n'apporte pas la preuve qu'il se trouvait dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il ne démontre pas non plus être amené au moment des faits à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu'il n'y a pas de lien de cause concrète entre le poste tenu par Monsieur X... Raymond et le préjudice invoqué ; qu'en conséquence, le Conseil de prud'hommes déboute Monsieur X... de sa demande.
ALORS QUE le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'il subit de ce seul fait un préjudice spécifique d'anxiété qu'il appartient à l'employeur d'indemniser ; qu'après avoir relevé que l'établissement de Nogent-le-Rotrou de la SAS Valeo Systèmes Thermiques, au sein duquel Monsieur Raymond X... avait travaillé de 1971 à 2000, avait été répertorié parmi les établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et les établissements de calorifugeage, susceptibles d ` ouvrir droit à l'allocation de cessation d ` activité des travailleurs de l'amiante, mais, en outre, que Monsieur Raymond X... avait subi des examens médicaux dans le cadre d'un suivi d'une exposition à l'amiante, et qu'il évoquait le fait que des anciens collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle et/ ou étaient décédés à cause de l'amiante, la Cour d'appel a jugé que les conditions de l'indemnisation sollicitée n'étaient pas réunies ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que Monsieur Raymond X... se trouvait, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
ET ALORS QU ALORS QUE tout salarié qui a travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ouvrant droit à l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété, sans qu'il ait à rapporter la preuve de son exposition personnelle ; qu'en reprochant à Monsieur Raymond X... de ne pas justifier des postes qu'il avait occupés et du lien de causalité entre ceux-ci et le préjudice subi, quand il était établi qu'il avaient travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et erroné en violation de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-18159
Date de la décision : 19/11/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2015, pourvoi n°14-18159


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.18159
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