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03/02/2016 | FRANCE | N°14-23638

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 février 2016, 14-23638


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2013), que Mme X..., engagée le 8 décembre 1994 par la société Collavet plastiques en qualité d'opératrice sur presse à compression, a été licenciée pour motif économique le 31 mars 2010 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes tendant à

condamner l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2013), que Mme X..., engagée le 8 décembre 1994 par la société Collavet plastiques en qualité d'opératrice sur presse à compression, a été licenciée pour motif économique le 31 mars 2010 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et de la débouter de ses demandes tendant à condamner l'employeur à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement ; que pour retenir l'existence de difficultés économiques, la cour d'appel a essentiellement retenu la baisse du chiffre d'affaires de 10 % sur l'exercice 2010 qui clôturait au 30 juin 2010, le fait que le résultat d'exploitation qui avait présenté un solde positif de 85 669 euros au 30 juin 2009 était devenu négatif de 22 597 euros au 30 juin 2010, le fait que la dégradation s'était traduite par un effondrement de la trésorerie qui s'établissait à 32 226 euros au 30 juin 2010 alors qu'elle était de 185 374 euros un an plus tôt et le fait que la société avait été assigné en redressement judiciaire par l'URSSAF le 28 octobre 2010 ; qu'en se fondant essentiellement sur des événements postérieurs pour juger fondé le licenciement économique notifié le 31 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ que les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent être réelles et justifier la suppression du poste ; que les seuls éléments relevés par la cour d'appel à la date du licenciement sont une baisse de chiffre d'affaires de 13 % et une alerte du commissaire aux comptes ; que ces éléments sont insuffisants à caractériser des difficultés économiques justifiant la suppression du poste de Mme X... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que, préalablement au licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu de réaliser tous les efforts de formation et d'adaptation et de rechercher de manière sérieuse, loyale et effective toutes les possibilités de reclassement du salarié au sein de l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la bonne exécution de cette obligation ; qu'en se bornant à relever que la société Collavet plastiques ne fait pas partie d'un groupe, qu'il résulte de son registre du personnel qu'elle n'a embauché aucun opérateur sur presse à compression voire sur presse à injection entre le 1er décembre 2009 et le 31 août 2011 et que la société Collavet plastiques démontre qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible d'être proposé Mme X..., sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que l'employeur rapportait la preuve qu'il avait effectivement mis en oeuvre tous les efforts requis pour tenter de sauvegarder l'emploi de la salariée, préalablement au prononcé de son licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir constaté, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, d'une part, que la réalité du motif économique était établie en raison de pertes qui avaient conduit le commissaire aux comptes à déclencher une procédure d'alerte avant le licenciement intervenu le 31 mars 2010 et d'impayés qui avaient lourdement pesé sur la trésorerie, ces difficultés s'étant poursuivies après le licenciement, et d'autre part, que l'employeur avait démontré l'absence de postes disponibles sur les deux sites de production de la société, la cour d'appel a pu estimer, par des motifs propres et adoptés, que le licenciement était justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et M. Maron, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du trois février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de ses demandes tendant à voire juger que la rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la société Collavet Plastiques à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, que selon la lettre de licenciement du 31 mars 2010, la suppression de l'emploi de Mme X... s'inscrivait dans le cadre d'un " plan de restructuration qui passait, notamment, par la suppression de cinq postes au service de production sur le site de Saint-Hilaire (...) afin d'adapter l'effectif au volume d'activité sensiblement diminué " ; que ce courrier invoquait des " difficultés financières inquiétantes " se traduisant " au bilan intermédiaire arrêté au 31 décembre 2009, par des pertes supérieures à 65. 000 € (contre un bénéfice, l'année précédente à la même époque de 35. 000 €) et résultant d'une " diminution notable " du chiffre d'affaires " de plus de 15 % par rapport à 2008 " combinée aux difficultés de ses clients qui l'avaient contrainte à inscrire une provision pour clients douteux de plus de 90. 000 € ; que la lettre de licenciement vise précisément les difficultés économiques ayant fondé la mesure litigieuse ; que les comptes annuels arrêtés au 30 juin 2010 et les situations intermédiaires arrêtées aux 31 décembre 2009 et 30 mars 2010 rendent compte d'une dégradation significative et continue du chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2009/ 2010 pendant lequel le licenciement a été notifié ; que le chiffre d'affaires, qui avait été de 2. 158. 519 € lors de l'exercice 2008/ 2009, a baissé à 1. 938. 651 € lors de l'exercice suivant, subissant ainsi une réduction de 10 % ; que concomitamment, le résultat d'exploitation qui avait présenté un solde positif de 85. 669 € au 30 juin 2009 est devenu négatif de 22. 597 € au 30 juin 2010 ; que cette dégradation de la performance économique, qui a été aggravée par les difficultés de ses clients qui l'ont contrainte à inscrire une provision pour créances douteuses de près de 95. 000 € au cours de l'exercice, s'est traduite par un effondrement de la trésorerie qui s'établissait à 32. 226 € au 30 juin 2010 alors qu'elle était de 185. 374 € un an plus tôt ; que la situation intermédiaire au 31 mars 2010 fait ressortir une baisse du chiffre d'affaires de 13 % pour la période du 1er juillet 2009 au 31 mars 2010 par rapport à la période du 1er juillet 2008 au 31 mars 2009, pour un résultat d'exploitation négatif de 78. 856 € alors qu'il avait été positif de 107. 414 € sur la même période ; que cette dégradation brutale de la situation économique de cette PME familiale a été jugée préoccupante par M. Z..., le commissaire aux comptes, qui a initié une procédure d'alerte le 8 mars 2010 ; que le 28 octobre 2010, la société Collavet Plastiques a même été assignée en redressement judiciaire par l'Urssaf de l'Isère ; que le chiffre d'affaires de la société Collavet Plastiques avait été de 2. 527. 203 € pour l'exercice clos le 30 juin 2007 et de 2. 534. 539 € lors de l'exercice clos le 30 juin 2008 ; que la baisse de chiffres d'affaires enregistrée au cours de l'exercice 2009/ 2010 s'inscrivait ainsi dans un phénomène de réduction de l'activité ayant débuté l'exercice précédent ; qu'elle n'avait pas un caractère ponctuel ; que l'examen des éléments comptables produits ne fait pas apparaître que la société Collavet Plastiques aurait au cours de l'exercice 2009/ 2010 ou au cours de l'exercice précédent procédé à des investissements inadaptés qui auraient asséché la trésorerie de l'entreprise et auraient été à l'origine de ses difficultés ; que la réalité de difficultés économiques à la date du licenciement, allant au-delà de simples difficultés passagères puisque la pérennité même de l'entreprise était en question, est avérée ; que la décision de la société Collavet Plastiques de supprimer des emplois dans ses ateliers de production pour en mettre le nombre en adéquation avec le niveau de son activité, n'appelle aucune critique ; que l'article L 1233-4 du code du travail fait peser sur l'employeur une obligation de reclasser le salarié en cas de licenciement pour motif économique qui lui impose de proposer au salarié tous les postes disponibles relevant de la même catégorie que celui occupé par l'intéressé ou les emplois équivalents assortis d'une rémunération équivalente ; que Mme X... reproche à son ancien employeur de ne lui avoir adressé " aucune proposition alternative de reclassement à la décision de licenciement " ; qu'il est constant que la société Collavet Plastiques ne fait pas partie d'un groupe ; qu'il résulte de son registre du personnel que la société Collavet Plastiques n'a embauché aucun opérateur sur presse à compression voire sur presse à injection entre le 1er décembre 2009 et le 31 août 2011 ; que par contre, les emplois d'opérateur sur presse ont, durant cette même période, été affectés par une rupture conventionnelle (sortie du 31 janvier 2010), par quatre licenciements (sorties échelonnées entre les 12 avril et 2 juin 2010) et le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée (sortie du 28 février 2010) ; que s'il résulte de ce même document que la société Collavet Plastiques a réalisé une embauche durant cette même année, il sera immédiatement observé que l'embauche d'un régleur sur presse intervenue le 6 septembre 2010 a fait suite à la démission du précédent titulaire du poste, survenue le 30 juillet 2010 ; qu'indépendamment même de la question de l'aptitude de Mme X... à occuper un tel poste, le poste de régleur n'était pas disponible au jour de la rupture du contrat ; que la société Collavet Plastiques démontrant qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible d'être proposé à Mme X..., le grief tiré d'une violation de l'obligation de reclassement sera rejeté ; qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement a une cause réelle et sérieuse puisque la violation de l'ordre des licenciements, qui est par ailleurs invoquée par l'appelante, ne rendrait pas en tout état de cause le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE ¿ que les pertes financières de la société COLLAVET présentaient un caractère réel et sérieux ; que la Sté COLLAVET subissait une détérioration de son chiffre d'affaires et de ses résultats ; que le courrier recommandé avec AR du Commissaire aux comptes de la Sté COLLAVET du 8 mars 2010, qui indique : « PROCEDURE D'ALERTE : Dans le cadre de ma mission, j'ai relevé les faits suivants : la situation comptable de la société au 31 décembre 2009, fait apparaître une perte de 65. 566 € liée à une provision pour clients douteux de 94. 437 €. Par ailleurs, le niveau d'activité est en baisse. Le CA pour la période du 1/ 7/ 09 au 31/ 12/ 09 s'établit à 954. 739 €, contre 1. 132. 358 € pour la période du 1/ 7/ 08 au 31/ 1/ 08, soit une baisse de 16 %. Compte tenu de la situation, je pense que les faits mentionnés ci-dessus sont de nature à compromettre la continuité de l'activité de votre société. Conformément à l'art. 234-2 du nouveau code de commerce, il m'est fait obligation de vous demander des explications sur les faits que j'ai relevés » ; que les impayés/ clients auxquels la Sté devait faire face au cours du 1er trimestre 2010 (SAS HYMER France (courrier de Me A...) en redressement judiciaire le 25/ 11/ 2009 : montant de la créance 1. 350 € SAS RITM (courrier de Me B...) en redressement judiciaire le 11/ 01/ 2010 - montant de la créance 861 € ; Sté EUROFAB (courrier de Me C...) déclarée en liquidation judiciaire le 2. 3. 2010 ; montant de la créance irrécouvrable : 112. 946 €) qui ont lourdement pesé sur sa trésorerie, impayés qui se sont poursuivis en 2011 (SAS RPA PROCESS TECHNOLOGIES (Me D...) en redressement judiciaire le 27 janvier 2011 : montant de la créance 6. 327 €) ; que dès le 1er trimestre 2010, il devenait vital pour la survie de la société COLLAVET de prendre toutes les mesures liées à son redressement ; que la Sté COLLAVET va prendre des mesures afin d'adapter sa structure au niveau d'activité ; que les résultats de fin 2010 ont confirmé le caractère sérieux de la situation économique ; que la Sté COLLAVET a continué à connaître des difficultés après le licenciement économique des salariés au mois de juin 2010 (Le 28 octobre 2010 ¿ Assignation aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et subsidiairement de liquidation judiciaire à la requête de l'URSSAF - cotisations non réglées à hauteur de plus de 76. 000 € ; Le 27 janvier 2011 : Une contrainte de la part du Pôle Emploi, pour un solde débiteur de 1039 € ; Le 14 avril 2011 ¿ Signification de contrainte de l'URSSAF pour plus de 23. 000 € ; Le 11 juillet 2011 : Assignation aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et subsidiairement de liquidation judiciaire à la requête de l'URSSAF-cotisations non réglées à hauteur de plus de 147. 000 €) ; que la réalité du licenciement pour motif économique sera retenue ;

1°/ ALORS QUE le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement ; que pour retenir l'existence de difficultés économiques, la cour d'appel a essentiellement retenu la baisse du chiffre d'affaires de 10 % sur l'exercice 2010 qui clôturait au 30 juin 2010, le fait que le résultat d'exploitation qui avait présenté un solde positif de 85. 669 € au 30 juin 2009 était devenu négatif de 22. 597 € au 30 juin 2010, le fait que la dégradation s'était traduite par un effondrement de la trésorerie qui s'établissait à 32. 226 € au 30 juin 2010 alors qu'elle était de 185. 374 € un an plus tôt et le fait que la société avait été assigné en redressement judiciaire par l'Urssaf le 28 octobre 2010 ; qu'en se fondant essentiellement sur des évènements postérieurs pour juger fondé le licenciement économique notifié le 31 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent être réelles et justifier la suppression du poste ; que les seuls éléments relevés par la cour d'appel à la date du licenciement sont une baisse de chiffre d'affaires de 13 % et une alerte du commissaire aux comptes ; que ces éléments sont insuffisants à caractériser des difficultés économiques justifiant la suppression du poste de madame X... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ ALORS QUE, préalablement au licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu de réaliser tous les efforts de formation et d'adaptation et de rechercher de manière sérieuse, loyale et effective toutes les possibilités de reclassement du salarié au sein de l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la bonne exécution de cette obligation ; qu'en se bornant à relever que la société Collavet Plastiques ne fait pas partie d'un groupe, qu'il résulte de son registre du personnel qu'elle n'a embauché aucun opérateur sur presse à compression voire sur presse à injection entre le 1er décembre 2009 et le 31 août 2011 et que la société Collavet Plastiques démontre qu'il n'existait aucun poste disponible susceptible d'être proposé Madame X..., sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que l'employeur rapportait la preuve qu'il avait effectivement mis en oeuvre tous les efforts requis pour tenter de sauvegarder l'emploi de la salariée, préalablement au prononcé de son licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-23638
Date de la décision : 03/02/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 fév. 2016, pourvoi n°14-23638


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.23638
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