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12/01/2017 | FRANCE | N°15-19440

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 janvier 2017, 15-19440


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 avril 2015), que Mme X..., propriétaire d'une maison qu'elle a donnée à bail à Mme Y..., lui a donné congé par lettre reçue le 19 août 2010 pour le 31 juillet 2011 ; qu'après la restitution des lieux, Mme X... l'a assignée en paiement d'un arriéré de loyers ; que Mme Y... a sollicité reconventionnellement la restitution de son dépôt de garantie et la réparation du préjudice résultant de la délivrance du congé dont elle a invoqué la nullité ;



Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 avril 2015), que Mme X..., propriétaire d'une maison qu'elle a donnée à bail à Mme Y..., lui a donné congé par lettre reçue le 19 août 2010 pour le 31 juillet 2011 ; qu'après la restitution des lieux, Mme X... l'a assignée en paiement d'un arriéré de loyers ; que Mme Y... a sollicité reconventionnellement la restitution de son dépôt de garantie et la réparation du préjudice résultant de la délivrance du congé dont elle a invoqué la nullité ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de fixer à la somme de 10 000 euros le montant de l'indemnisation de Mme Y... au titre des préjudices matériels et moraux et de la condamner, après compensation entre les créances respectives des parties, à payer une somme de 9 738 euros ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par une interprétation souveraine de la lettre du 2 août 2010 que son ambiguïté rendait nécessaire, que le congé avait été délivré pour reprise au profit du fils de Mme X..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner Mme X... à rembourser à Mme Y... le montant du dépôt de garantie, l'arrêt retient qu'il n'est pas produit de procès-verbal d'entrée dans les lieux et que le constat d'huissier de sortie ne révèle pas de désordre particulier, si ce n'est quelques trous chevillés dans les faïences de la salle de bains et murales dont il n'est pas établi que Mme Y... soit à l'origine ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier du procès-verbal de constat d'entrée dans les lieux qui figurait dans le bordereau de pièces annexé aux conclusions de Mme X... et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du premier moyen et sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du second moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il a fixé à la somme de 1 612 euros la créance de Mme X... épouse Z...sur Mme Y... au titre des arriérés locatifs, et condamné Mme X... à payer à Mme Y... une somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices matériels et moraux, l'arrêt rendu le 3 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie sur le surplus devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X... à rembourser à Mme Y... le montant du dépôt de garantie-1 350 euros-et, après compensation entre les créances respectives des parties, d'AVOIR condamné Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 9 738 euros ;

AUX MOTIFS QU'« il n'est pas produit de procès verbal d'entrée dans les lieux et le constat d'huissier de sortie ne révèle pas de désordre particulier, si ce n'est quelques trous chevillés dans les faïences de la salle de bains et murales dont il n'est pas établi que Mme Y... soit à l'origine. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme X... à rembourser à Mme Y... le montant du dépôt de garantie » ;

1°) ALORS QUE, tenu de respecter le principe du contradictoire, le juge du fond doit inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des documents invoqués par les parties, figurant sur le bordereau de communication de pièces et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en l'espèce, Mme X... invoquait (v. concl. p. 8) et produisait en cause d'appel (pièce n° 10 de son bordereau de communication) un état des lieux d'entrée établi le 1er août 2008, pièce dont la communication était admise par Mme Y... laquelle en avait vainement demandé, devant le conseiller de la mise en état, la mise à l'écart des débats ; qu'en affirmant qu'il n'était pas produit de procès-verbal d'entrée dans les lieux, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de cette pièce figurant au bordereau dont il n'était ni établi ni même allégué qu'elle n'avait pas été communiquée en appel, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de constat de Me A...du 1er août 2011 mentionnait que Mme Y... admettait avoir peint la varangue (galerie-véranda typique de la Réunion) ainsi que les poteaux d'une couleur différente de celle présente à l'origine sur la façade de la maison, ces peintures de couleur ayant été appliquées de façon non professionnelle, l'huissier constatant des tâches de peinture sur le plafond de couleur blanche ainsi que des différences de teinte sur un même pan de mur ; que l'huissier constatait encore, s'agissant de la salle de bains, « une importante trace de choc est présente sur la porte, côté extérieur de la pièce » ; qu'en affirmant que le constat d'huissier de sortie ne révélait pas de désordre particulier, si ce n'est quelques trous chevillés dans les faïences de la salle de bains et murales dont il n'était pas établi que Mme Y... fût à l'origine, la cour d'appel a méconnu le principe sus-visé ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE le juge du fond doit analyser, serait-ce sommairement, l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'il en va tout spécialement ainsi lorsque, en cause d'appel, une partie produit de nouvelles pièces afin de pallier une insuffisance dans l'administration de la preuve déplorée par le premier juge ; qu'en l'espèce, afin de prouver l'état dans lequel la maison avait été laissée par Mme Y..., Mme X... produisait, pour la première fois en cause d'appel, une attestation émanant de Mme B...en date du 20 mai 2013 (pièce d'appel 49) ainsi qu'une attestation émanant de M. C...(pièce d'appel 50) en date du 11 novembre 2012 dans lesquelles ceux-ci décrivaient l'état de dévastation des lieux ; qu'en omettant de se prononcer sur ces pièces nouvelles, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le montant de l'indemnisation de Mme Y... au titre des préjudices matériels et moraux réduite à la somme de 10 000 euros, et, après compensation entre les créances respectives des parties, d'AVOIR condamné Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 9 738 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, constaté la nullité du congé pour reprise délivré à la locataire par lettre datée du 2 août 2010, reçue par sa destinataire le 19 août 2010, ainsi que son caractère frauduleux, Mme X... ayant tenté d'imposer à sa locataire, par le biais d'un nouveau bail, une augmentation de loyer tout à fait contraire aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989. Mme Y..., mère de 3 jeunes enfants, a été contrainte de quitter la maison qu'elle louait pour prendre une nouvelle maison, d'une superficie inférieure (trois chambres au lieu de quatre) et pour un prix plus élevé (1 600 euros mensuels au lieu de 1 369, 26 euros). Elle a dû s'acquitter des frais d'agence, d'un montant de 1 600 euros et payer un nouveau dépôt de garantie du même montant. Elle a subi, du fait des manoeuvres de Mme X..., un préjudice matériel et moral incontestable qu'il convient d'indemniser à hauteur d'une somme qu'il y a lieu de réduire à 10 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les noms et adresses des bénéficiaires de la reprise qui ne peuvent être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, son partenaire ou de son concubin notoire. Le courrier adressé par la locataire au bailleur le 18 septembre 2010 ne constitue en aucune manière une renonciation de celle-ci à se prévaloir de la nullité du congé délivré. Il fait état de la réception du congé pour reprise, Mme Y... déplorant d'être contrainte de rechercher un autre logement mais se pliant aux droits du bailleur de reprendre son logement pour l'occuper conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989. Le locataire ne peut présumer la faute par anticipation, le juge ne pouvant contrôler celle-ci qu'a posteriori. Les différentes pièces versées aux débats et notablement les échanges de courriers entre les parties démontrent que la propriétaire n'avait pas l'intention réelle de loger son fils dans les lieux loués ainsi qu'elle le confirme dans un courrier de sa main, daté du 6 juillet 2011, dans lequel elle indique que son fils ne tient pas spécialement à récupérer la maison du 10 rue des lanternes. Dans ce même courrier, elle fait une proposition à la défenderesse de conclusion d'un nouveau bail pour le même logement avec un loyer supérieur. Elle ne justifie par ailleurs nullement de l'empêchement de son fils de s'installer dans l'ouest pour des raisons professionnelles. Il est également établi que les lieux litigieux ont été reloués dès le départ des précédents locataires, avec un loyer plus élevé, un témoin attestant avoir entendu la bailleresse proposer cette location à des locataires potentiels, sans qu'il ne soit jamais question de l ‘ occupation des lieux par son fils. Les tentatives d'obtention par la demanderesse d'un nouveau contrat de bail, auprès de la locataire, à un prix plus élevé, sont établies par les différents échanges épistolaires entre les parties. Le caractère frauduleux du congé pour reprise délivré à Mme Y... résulte de l'ensemble de ces éléments, qui établissent que Mme Z...n'a jamais eu l'intention de reprendre le logement pour son fils, mais qu'elle souhaitait en réalité obtenir une augmentation du montant du loyer relatif à cette maison. Elle disposait, si elle estimait que le montant de ce loyer était trop faible par rapport au prix du marché, de moyens légaux en vue d'obtenir l'augmentation du loyer, sans délivrer un congé pour reprise sans fondement. Il convient donc de constater la nullité de ce congé et de prévoir l'indemnisation de la locataire du préjudice qu'elle a subi du fait de cette résiliation frauduleuse » ;

1°) ALORS QUE la validité d'un congé doit être appréciée eu égard aux motifs qui y sont exposés ; que la réalisation de travaux impliquant la libération des lieux constitue un motif de reprise dont il appartient au juge d'apprécier le caractère légitime et sérieux ; qu'en l'espèce, le congé du 2 août 2010 mentionnait très clairement l'intention de Mme X... d'entreprendre des modifications et travaux, outre sa volonté de mettre la maison à disposition de son fils au terme des travaux projetés ; que Mme X..., afin d'établir la réalité des travaux, versait aux débats l'ensemble des factures des travaux réalisés pour un total de 18 967, 72 euros ; qu'en se bornant à vérifier si Mme X... avait eu l'intention réelle de loger son fils sans à aucun moment apprécier si la réalisation des travaux constituait un motif légitime et sérieux, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 du code civil ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE le juge du fond doit se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'il en va tout spécialement ainsi lorsque, en cause d'appel, une partie produit de nouvelles pièces afin de pallier une insuffisance dans l'administration de la preuve déplorée par le premier juge ; qu'en l'espèce, afin de prouver qu'elle n'avait pas été animée d'une intention frauduleuse au moment où le congé avait été délivré, Mme X... produisait trois attestations établies les 7 et 14 novembre 2012 et 24 octobre 2013 par son fils, M. D..., lequel y précisait qu'après avoir demandé à sa mère de mettre à sa disposition la villa louée à Mme Y..., afin de venir s'y installer avec sa compagne et leurs enfants, il avait appris au printemps 2011 qu'il serait affecté au poste de directeur d'école à Sainte-Clotilde, ce qui l'avait contraint à renoncer à son projet de venir habiter à Saint-Gilles-les-Bains ; qu'en omettant de se prononcer sur ces pièces, tandis que le premier juge, dans des motifs adoptés, avait retenu que Mme X... ne justifiait nullement de l'empêchement de son fils de s'installer dans l'ouest pour des raisons professionnelles, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE, tenu de respecter le principe du contradictoire, le juge du fond doit inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des documents figurant sur le bordereau de communication de pièces et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en affirmant que Mme X... ne justifiait nullement de l'empêchement de son fils de s'installer dans l'ouest pour des raisons professionnelles sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des attestations émanant de M. D...et figurant au bordereau dont il n'était ni établi ni même allégué qu'elles n'avaient pas été régulièrement communiquées, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS subsidiairement QUE l'intention frauduleuse du bailleur ayant délivré un congé pour habiter doit s'apprécier au moment où le congé a été délivré ; que, s'il s'avère que le motif légitime de ce congé à fin de reprise a perdu pour une cause extérieure au bailleur son actualité, la loi n'impose pas à ce dernier d'en informer le locataire et le congé demeure valable ; qu'en retenant qu'il s'évinçait d'un courrier de Mme X... du 6 juillet 2011, soit 11 mois après la délivrance du congé, que celle-ci n'avait pas l'intention réelle de loger son fils dans les lieux loués et qu'elle n'y justifiait par ailleurs nullement de l'empêchement de son fils de s'installer dans l'ouest pour des raisons professionnelles, la cour d'appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-19440
Date de la décision : 12/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 03 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jan. 2017, pourvoi n°15-19440


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.19440
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