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07/03/2017 | FRANCE | N°16-80739

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mars 2017, 16-80739


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par

- L'association ABCDE,
- L'association U Levante, parties civiles ;

contre un arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre les sociétés La Rondinara Loisirs, Milanini BTP, Soffocor et MM. [F] [X], [R] [T] et [H] [Y] pour infraction au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2017 oÃ

¹ étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par

- L'association ABCDE,
- L'association U Levante, parties civiles ;

contre un arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre les sociétés La Rondinara Loisirs, Milanini BTP, Soffocor et MM. [F] [X], [R] [T] et [H] [Y] pour infraction au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle BOULLOCHE, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL et de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que, le 11 février 2008, les sociétés La Rondinara Loisirs, Milanini BTP, Soffocor, MM. [X], [T] et [Y] ont déposé une demande de permis de construire en vue d'édifier une résidence hôtelière de 54 logements dans une zone dite "remarquable" au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, que le plan local d'urbanisme décrivait comme constructible ; que la mairie n'ayant pas répondu à cette demande, le permis a été considéré comme ayant été accordé tacitement ; qu'il n'en a pas été fait usage pendant deux ans environ ; que pendant ce délai, le juge administratif, saisi par U-Levante, a, la zone concernée étant légalement inconstructible, annulé le plan local d'urbanisme, la dernière décision à ce sujet ayant été rendue le 21 mai 2010 ; que les prévenus ont alors saisi la mairie pour obtenir un "certificat de non retrait du permis", qu'ils ont obtenu en juillet 2010, et ont entrepris les travaux qu'ils envisageaient depuis 2008 ; que ces travaux ont duré jusqu'au printemps 2012 ; que les associations ont mis en demeure dès le 3 septembre 2010, puis le parquet ayant classé sans suite- fait citer entre le 21 août 2013 et le 23 janvier 2014, les prévenus pour violation de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ; qu'elles ont, dans leurs conclusions, demandé liminairement le sursis à statuer pour que puisse s'appliquer l'article L. 480-13 du même code ; qu'elles ont, en outre, réclamé, notamment, la remise en état des lieux sous astreinte au titre de l'action civile et 100 000 euros de dommages-intérêts ; que le tribunal correctionnel, par un jugement du 11 mars 2014, a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, en constatant qu'à la date des faits reprochés, le permis de construire n'avait pas été annulé ; que sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de l'association U Levante et ABCDE et a condamnée l'association U Levante sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que l'association U Levante et l'association ABCDE ont relevé appel de cette décision, mais non le ministère public ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 111-1, L. 160-1, L. 421-6, L. 421-8, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du code de l'urbanisme, 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base égale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a décidé que l'infraction d'exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance des règles générales d'urbanisme n'était pas caractérisée et a déclaré les constitutions des parties civiles des associations U Levante et ABCDE irrecevables ;

"aux motifs propres qu'aux termes de l'article 509 du code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que, c'est ainsi qu'en cas d'appel formé par la seule partie civile, ce qui est le cas en l'espèce, la juridiction d'appel n'est en principe saisie que de l'action civile, car faute d'appel de la part du ministère public ou du prévenu, l'action publique se trouve éteinte par la chose jugée ; que les juges du second degré, saisi ainsi du seul appel de la partie civile ne peuvent prononcer aucune autre peine contre le prévenu définitivement relaxé du fait de l'absence de recours du ministère public selon une jurisprudence constante ; que tel est le cas en l'espèce, seules les parties civiles ont relevé appel du jugement déféré ; qu'il sera donc simplement recherché si les faits invoqués par les associations U Levante et ABCDE constituent ou non une infraction pénale, pour dans l'affirmative se prononcer sur les dispositions civiles ; que, par ailleurs, la chambre criminelle rappelle dans un arrêt, en date du 25 février 2014, que « le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite » ; qu'en l'espèce, l'association U Levante, invoque une violation des dispositions de l'article L. 160-1 et L. 146-6 et L. 146-4-1 du code de l'urbanisme ainsi que les dispositions de l'article L. 480-4 du même code ; qu'autrement dit, l'association U Levante reproche l'édification de constructions sur des sites remarquables, comme c'est le cas pour le site [Localité 2] ; que le 21 octobre 2010, un acte d'huissier constatait que les travaux sur le site [Localité 2] se poursuivaient malgré une mise en demeure le 3 septembre 2010 par l'association U Levante adressée aux différents prévenus leur demandant de cesser ou de donner l'ordre de cesser les travaux ; qu'un jugement du tribunal administratif de Bastia, en date du 29 mars 2012, allouait des dommages-intérêts aux associations U Levante et ABCDE en raison de la faute commise par la commune de [Localité 1] dans la délivrance tacite du permis de construire le 9 novembre 2008 à la SA Rondinara Loisirs ; que force est de constater, qu'au moment où l'association U Levante a cité les prévenus devant le tribunal correctionnel, aucune décision n'était intervenue concernant le permis de construire délivré tacitement ; que cette décision d'illégalité intervient seulement le 29 mars 2012 ; que, pour caractériser une infraction pénale, il est nécessaire de rapporter la preuve d'un élément légal, d'un élément matériel et d'un élément moral ; qu'à défaut d'un de ces éléments l'infraction n'est pas caractérisé ; qu'ainsi, au regard de ce qui précède à la date visée par l'association U Levante, soit le 21 octobre 2010, le permis de construire délivré par le maire de [Localité 1] n'avait toujours pas été déclaré illégal ; que par conséquent, l'infraction n'est pas caractérisée ;

"alors qu'en cas de poursuites engagées pour exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance des règles générales d'urbanisme, il appartient au juge pénal non pas de rechercher si ces travaux sont ou non soumis à autorisation ou à déclaration mais de vérifier si cette réalisation est prohibée par le plan d'urbanisme adopté en application du livre I de ce même code et servant de soutien à la prévention ; qu'en l'espèce, les prévenus ont été cité devant la juridiction pénale du chef d'exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance des règles générales d'urbanisme pour avoir à [Localité 1], notamment, le 21 octobre 2010 et en tout cas depuis temps non prescrit, réalisé ou participé à des travaux ou en avoir bénéficié en violation de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, en l'espèce, en construisant ou en participant à la construction ou en bénéficiant de la construction d'une résidence hôtelière de 54 logements, accueil, bar-restaurant, piscine et logement de gardien au lieu-dit [Localité 2], section P, parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ; qu'en les renvoyant des fins de la poursuite, en se bornant à relever qu'à la date visée par l'association U Levante, soit le 21 octobre 2010, le permis de construire délivré par le maire de [Localité 1] n'avait toujours pas été déclaré illégal, au lieu de rechercher si les prévenus avait continué volontairement à exécuter des travaux en méconnaissance des règles générales d'urbanisme, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes des parties civiles, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, saisie pour des faits de violation des articles L. 146-6 et L. 160-1, devenus L. 121-23, L. 121-24 et L. 610-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel, qui constatait que la construction avait commencé après que l'inconstructibilité des parcelles litigieuses avait été définitivement consacrée par le juge administratif, devait rechercher la faute commise par les défendeurs à l'action, à partir et dans la limite de ces faits, sous réserve, le cas échéant, de l'application de l'article L. 480-13 du même code, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant condamné l'association U Levante à verser aux prévenus la somme de 800 euros chacun sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"aux motifs qu'il y a lieu de condamner l'association U Levante à leur verser à chacun la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"alors qu'aux termes de l'article 475-1 du code de procédure pénale, lorsqu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, le juge peut condamner l'auteur de l'infraction à lui payer le montant qu'il détermine ; qu'en l'espèce, en confirmant un jugement ayant condamné l'association U Levante, partie civile, à payer à chacun des prévenus la somme de 800 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables au profit du prévenu, les juges ont violé les textes et principes susvisés" ;

Vu l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de cet article, lorsqu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, le juge peut condamner l'auteur de l'infraction à lui payer le montant qu'il détermine ;

Attendu que la cour d'appel a confirmé le jugement ayant condamné l'association U Levante, partie civile, à payer à chacun des prévenus la somme de 800 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables au profit du prévenu, les juges ont violé les textes susénoncés et le principe susvisé ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourrue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 18 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80739
Date de la décision : 07/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 18 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mar. 2017, pourvoi n°16-80739


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boulloche, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.80739
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