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08/06/2017 | FRANCE | N°16-15127

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juin 2017, 16-15127


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 février 2016), que Mme X..., après divers contrats, a été engagée le 23 juin 2008 par la société Vêtir (la société) en qualité de gérant-directeur de succursale, statut cadre moyennant une rémunération composée d'une partie fixe mensuelle de 1 144 euros et d'une partie variable calculée sur la base du chiffre d'affaires, la relation de travail étant régie par la convention collective nationale des maisons à succursale de vente au détail d'habillement du 3

0 juin 1972 ; que licenciée le 23 décembre 2009, elle a saisi la juridiction...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 février 2016), que Mme X..., après divers contrats, a été engagée le 23 juin 2008 par la société Vêtir (la société) en qualité de gérant-directeur de succursale, statut cadre moyennant une rémunération composée d'une partie fixe mensuelle de 1 144 euros et d'une partie variable calculée sur la base du chiffre d'affaires, la relation de travail étant régie par la convention collective nationale des maisons à succursale de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972 ; que licenciée le 23 décembre 2009, elle a saisi la juridiction prud'homale le 2 décembre 2010 de diverses demandes ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur et sur les premier et second moyens du pourvoi incident de la salariée :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a retenu l'existence d'heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée prévue par la convention de forfait annuel en heures ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen, sans portée en sa seconde branche, ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain de la cour d'appel qui, par une appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis a déterminé le montant des rappels de salaire litigieux ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi principal, par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Vêtir

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Vétir à verser à Mme X... les sommes de 6593, 66 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2008 au 1er décembre 2009 et 659, 36 euros à titre de congés payés afférents, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rappel de salaire pour la période comprise entre juin 2008 et la rupture du contrat de travail :
Les parties conviennent aux termes de leurs conclusions respectives qu'à compter du mois de juin 2008, Madame X... ne bénéficiait pas du statut de cadre dirigeant mais du statut cadre salarié au coefficient B2 de la convention collective.
En application de l'article 12 de l'avenant cadre de la convention collective du 30 juin 1972, la rémunération des cadres tient compte de l'horaire de l'entreprise et inclut forfaitairement les dépassements d'horaires qu'il pourrait être amené à faire pour remplir sa fonction, dès l'instant que cette rémunération est supérieure au salaire minimum garanti de la catégorie augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué dans l'entreprise et, éventuellement, de la prime d'ancienneté.
Le salaire minimum conventionnel pour un cadre catégorie B2 de la convention collective était du 1er juin 2000 au 30 novembre 2009 de 1. 922, 99 € et a été porté à 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009.
Le contrat de travail de Madame X... du 23 juin 2008 prévoit que sa rémunération est composée d'une partie fixe de 1. 144 € et d'une partie variable calculée sur le chiffre d'affaire.
Il est expressément prévu que les conditions de rémunération sont forfaitaires et comprennent donc le paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées et repos compensateur afférents, étant précisé que le forfait versé sera au moins égal au salaire minimum conventionnel augmenté des bonifications ou majorations prévues pour les heures supplémentaires.
Enfin, s'agissant de la durée du travail, le contrat fixait un forfait de 2. 024 heures de travail effectif.
Il résulte, donc, des dispositions contractuelles que Madame X... était rémunérée pour un forfait annuel de 2. 024 heures.
Compte tenu de la convention de forfait annuel en heures, sa rémunération devait être supérieure au salaire minimum garanti de sa catégorie (soit 1. 922, 99 € du 1 er juin 2008 au 30 novembre 2009 et 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009) augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué dans l'entreprise (soit 417 heures par an à 14, 33 €) et, éventuellement, de la prime d'ancienneté.
Ainsi sur une année, la rémunération de Madame X... ne pouvait être inférieure à 29. 009, 79 € soit par mois 2. 417, 48 € pour la période du 1er juin 2008 au 30 novembre 2009 et à 2. 815, 54 € pour la période du l er décembre 2009 à la rupture du contrat.
Ayant moins de trois ans d'ancienneté, elle ne pouvait prétendre à une prime d'ancienneté.
A compter du 1 er juin 2008, la SAS Vêtir reconnaît que Madame X... a perçu une rémunération brute moyenne de 2. 073, 28 €.
En conséquence, la Cour observe que Madame X... n'a pas perçu le minimum garanti par la convention collective augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire.
Le calcul de son rappel de salaire sera effectué sur la période du 1er juin 2008 au 1 er décembre 2009, la période suivante correspondant à sa mise à pied conservatoire sur laquelle il sera statué ultérieurement.
En conséquence, la Cour juge que la rémunération minimum de Madame X... pour la période du l er juin 2008 au 1 er décembre 2009, compte tenu de la convention de forfait était de 43. 912, 70 € alors qu'elle n'a perçu que 37. 319, 04 €.
La SAS Vêtir sera donc condamnée à lui payer la somme de 6. 593, 66 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1 er juin 2008 au 1 er novembre 2009 outre la somme de 659, 36 € au titre des congés payés y afférents »

1/ ALORS QU'en vertu de l'article 12 de l'avenant cadres de la convention collective nationale des maisons à succursale de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972, la rémunération du cadre tient compte de l'horaire de l'entreprise et inclut forfaitairement les dépassements d'horaire qu'il pourrait être amené à faire pour remplir sa fonction, « dès l'instant que cette rémunération est supérieure au salaire minimum garanti de la catégorie, augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué dans l'entreprise et, éventuellement, de la prime d'ancienneté » ; que l'avenant n° 41 du 23 mai 2000 relatif aux salaires, fixait les salaires mensuels minima garantis à compter du 1er juin 2000 « pour un horaire forfaitaire de 169 heures », ce dont il résultait qu'entre le 1er juin 2000 et l'entrée en vigueur de l'accord du 30 novembre 2009 sur les salaires qui s'y est substitué, les cadres devaient bénéficier d'une rémunération au moins égale au salaire minimum garanti défini par l'avenant du 23 mai 2000 augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire effectué au-delà de 169 heures mensuelles, ou 1787 heures annuelles ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Madame X... était rémunérée pour un forfait annuel de 2. 024 heures, ce dont il résultait un dépassement de 237 heures par rapport aux 1787 heures annuelles correspondant aux salaires minima garantis ; qu'en jugeant que sa rémunération devait être supérieure au salaire minimum garanti de sa catégorie soit 1. 922, 99 € du 1 er juin 2008 au 30 novembre 2009 augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué dans l'entreprise à hauteur de 417 heures par an, la Cour d'appel a violé l'article 12 de l'avenant cadres de la convention collective nationale des maisons à succursale de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972 et l'avenant n° 41 du 23 mai 2000 relatif aux salaires ;
2/ ALORS QUE l'accord du 30 novembre 2009 sur les salaires minimaux et la prime d'ancienneté ayant fixé à 2815, 54 euros le salaire minimum garanti d'un cadre B2 pour un horaire forfaitaire de 151, 67 heures, n'est entré en vigueur que le 1er février 2010 ; qu'en retenant que le salaire minimum conventionnel pour un cadre catégorie B2 de la convention a été porté à 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009 et qu'en conséquence, compte tenu de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué par la salariée, la rémunération de Madame X... ne pouvait être inférieure sur une année à 2. 815, 54 € pour la période du l er décembre 2009 à la rupture du contrat, la Cour d'appel a violé l'accord du 30 novembre 2009 relatif aux salaires minimaux et à la prime d'ancienneté par fausse application ;
3/ ALORS QU'en retenant que Mme X... aurait dû percevoir sur la période du 1er juin 2008 au 1er décembre 2009 la somme de 43 912, 70 euros, lorsque cette somme correspond à 2417, 48 euros sur 17 mois de juin 2008 à octobre 2009 – soit la rémunération minimale de la salariée fixée par la Cour d'appel en application de l'avenant du 23 mai 2000- à laquelle s'ajoute celle de 2815, 54 euros au titre du mois de novembre 2009 correspondant à la rémunération minimale fixée par la Cour d'appel en application de l'accord du 30 novembre 2009, lorsque cet accord n'était pas encore applicable, la Cour d'appel a encore violé l'accord du 30 novembre 2009 relatif aux salaires minimaux et à la prime d'ancienneté par fausse application.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Vetir à verser à Mme X... les sommes de 4733, 43 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies hors forfait, et de 473, 34 euros à titre de congés payés afférents, 15 000 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période comprise entre juillet 2008 et décembre 2009 :
Les heures de travail accomplies au-delà du forfait annuel en heure sont rémunérées comme des heures supplémentaires.
En revanche, en application de l'article D 3121-14-1 du code du travail qui exclut les salariés en forfait annuel en heures du dispositif du contingent annuel d'heures supplémentaires, ces derniers ne bénéficient pas de la contrepartie obligatoire en repos.
Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir, en cas de besoin, ordonné toutes les mesures d'instructions qu'il estime utile.
Ainsi, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par le salarié, qui doivent étayer suffisamment sa demande, et de ceux fournis par l'employeur qui doivent être de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
En l'espèce, Madame X... produit à la Cour son attestation ASSEDIC établie par la SAS Vêtir qui détaille le nombre d'heures travaillées entre le 12 décembre 2008 et le 30 novembre 2009 soit sur les douze derniers mois, dont le total s'élève à 2. 288, 29 heures.
La SAS Vêtir produit à la Cour le relevé des heures travaillées de sa salariée de janvier à novembre 2009 pour un total chiffré par la Cour à 2. 186, 50 heures et non de 1. 792 heures comme avancé par l'employeur.
Relevant en outre que ce décompte n'est établi que sur 11 mois et non 12 mois comme celui dont se prévaut la salariée, la Cour retiendra que, des propres déclarations de l'employeur, il est établi que Madame X... a accompli sur un an 2. 288, 29 heures de travail alors qu'elle n'a été rémunérée que pour 2. 024 heures de travail.
En conséquence, elle a accompli 264, 29 heures supplémentaires au-delà de son forfait annuel en heures ;
La Cour ayant jugé que son salaire horaire moyen dans le cadre de son forfait annuel de 2. 024 heures s'élevait à 14, 33 €, les 264, 29 heures supplémentaires doivent être rémunérées sur la base de 14, 33 € majoré de 25 % soit 17, 91 €.
En conséquence, pour 264, 29 heures supplémentaires hors forfait, la SAS Vêtir sera condamnée à payer à Madame X... la somme de 4. 733, 43 € à titre de rappel de salaire ou la somme de 473, 34 € au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Par application des dispositions des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a délivré de façon intentionnelle un bulletin de salaire mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Mme X... a accompli pendant plusieurs mois un nombre d'heures très supérieur à la durée légale du travail mais également aux heures supplémentaires forfaitisées que la SAS Vetir ne pouvait manquer d'ignorer.

Il ne lui a été proposé aucune régularisation à la rupture du contrat alors que l'employeur avait connaissance d'un dépassement important du forfait annuel d'heures.
Ces éléments démontrent que la SAS Vetir a, de façon intentionnelle, omis de payer et de déclarer aux organismes habilités l'intégralité des heures de travail accomplies par Mme X....
En conséquence cette dernière est fondée en sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la Cour, réformant la décision des premiers juges sur ce point, condamne la SAS Vetir à lui payer la somme de 15 000 euros à ce titre »
ALORS QUE selon l'article 5 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 modifié par l'avenant du 2 avril 2001, auquel se référait le contrat de travail de Mme X..., « la durée de présence du directeur de magasin correspondra, toutes pauses déduites, à un temps de travail effectif de 44 heures hebdomadaires, pour 46 semaines de travail par année complète, soit un total de 2024 heures de travail effectif pour une année complète » ; que la société Vetir faisait valoir que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires constitué par ce forfait annuel de 2024 heures s'appréciait sur l'année civile (conclusions d'appel de l'exposante p 36) ; qu'en évaluant les heures supplémentaires effectuées par Mme X... en se fondant sur le nombre d'heures travaillées par elle sur la période comprise entre le 12 décembre 2008 et le 30 novembre 2009, la Cour d'appel a violé l'article 5 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2000 modifié par l'avenant du 2 avril 2001 et l'article 1134 du Code civil, l'article L 1121-1 du Code du travail, ensemble l'article L 3171-4 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Vetir à verser à Mme X... les sommes de 2815, 54 euros à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied à titre conservatoire du 2 décembre 2009 au 5 janvier 2010 et 281, 55 euros au titre des congés payés y afférents, 8446, 62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 844, 66 euros pour les congés payés afférents, 1689, 32 euros à titre d'indemnité de licenciement, 15 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Le salaire minimum conventionnel pour un cadre catégorie B2 de la convention collective était du 1er juin 2000 au 30 novembre 2009 de 1. 922, 99 € et a été porté à 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009.
Le contrat de travail de Madame X... du 23 juin 2008 prévoit que sa rémunération est composée d'une partie fixe de 1. 144 € et d'une partie variable calculée sur le chiffre d'affaire.

Il est expressément prévu que les conditions de rémunération sont forfaitaires et comprennent donc le paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées et repos compensateur afférents, étant précisé que le forfait versé sera au moins égal au salaire minimum conventionnel augmenté des bonifications ou majorations prévues pour les heures supplémentaires.
Enfin, s'agissant de la durée du travail, le contrat fixait un forfait de 2. 024 heures de travail effectif.
Il résulte, donc, des dispositions contractuelles que Madame X... était rémunérée pour un forfait annuel de 2. 024 heures.
Compte tenu de la convention de forfait annuel en heures, sa rémunération devait être supérieure au salaire minimum garanti de sa catégorie (soit 1. 922, 99 € du 1 er juin 2008 au 30 novembre 2009 et 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009) augmenté de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué dans l'entreprise (soit 417 heures par an à 14, 33 €) et, éventuellement, de la prime d'ancienneté.
Ainsi sur une année, la rémunération de Madame X... ne pouvait être inférieure à 29. 009, 79 € soit par mois 2. 417, 48 € pour la période du 1 er juin 2008 au 30 novembre 2009 et à 2. 815, 54 € pour la période du l er décembre 2009 à la rupture du contrat »
ET AUX MOTIFS QUE « réformant la décision du conseil, la Cour juge que le licenciement de Mme X... n'est pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et qu'en conséquence la SAS Vetir doit payer à Mme X... son indemnité de préavis, les congés payés afférents ainsi que son indemnité de licenciement. Aussi la SAS Vetir sera condamnée à payer à Mme X... les indemnités qui lui sont dues au titre de la rupture du contrat de travail calculées sur la base d'une rémunération mensuelle brute de 2815, 54 euros soit :
-2815, 54 euros à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied à titre conservatoire du 2 décembre 2009 au 5 janvier 2010

-281, 55 euros au titre des congés payés y afférents,
-8446, 62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-844, 66 euros pour les congés payés afférents,
-1689, 32 euros à titre d'indemnité de licenciement »
ET AUX MOTIFS QUE « Par application des dispositions des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a délivré de façon intentionnelle un bulletin de salaire mentionnant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Mme X... a accompli pendant plusieurs mois un nombre d'heures très supérieur à la durée légale du travail mais également aux heures supplémentaires forfaitisées que la SAS Vetir ne pouvait manquer d'ignorer.

Il ne lui a été proposé aucune régularisation à la rupture du contrat alors que l'employeur avait connaissance d'un dépassement important du forfait annuel d'heures.
Ces éléments démontrent que la SAS Vetir a, de façon intentionnelle, omis de payer et de déclarer aux organismes habilités l'intégralité des heures de travail accomplies par Mme X.... En conséquence cette dernière est fondée en sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la Cour, réformant la décision des premiers juges sur ce point, condamne la SAS Vetir à lui payer la somme de 15 000 euros à ce titre »
1/ ALORS QUE l'accord du 30 novembre 2009 sur les salaires minimaux et la prime d'ancienneté ayant fixé à 2815, 54 euros le salaire minimum garanti d'un cadre B2 pour un horaire forfaitaire de 151, 67 heures n'est entré en vigueur que le 1er février 2010 ; qu'en retenant que le salaire minimum conventionnel pour un cadre catégorie B2 de la convention a été porté à 2. 189 € à compter du 30 novembre 2009, qu'en conséquence, compte tenu de la majoration pour dépassement d'horaire régulièrement effectué par la salariée, la rémunération de Madame X... ne pouvait être inférieure sur une année à 2. 815, 54 € pour la période du l er décembre 2009 à la rupture du contrat, et en prenant en conséquence cette somme pour base de calcul du rappel de salaire au titre de la mise à pied et des indemnités de rupture dues au titre du licenciement de Mme X... prononcé le 23 décembre 2009, la Cour d'appel a violé l'accord du 30 novembre 2009 relatif aux salaires minimaux et à la prime d'ancienneté par fausse application ;

2/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur la première branche entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif ayant accordé à Mme X... la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.
Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Mme X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en conséquence, d'avoir débouté celle-ci de sa demande en paiement de dommages et intérêt pour licenciement abusif et en conséquence encore d'avoir débouté celle-ci de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est intégralement reprises dans les conclusions de Mme X... auxquelles la Cour renvoie expressément ; qu'en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; qu'il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié ; que toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas en l'espèce ; que la cour rappelle que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise durant la durée du préavis ; qu'il est formulé plusieurs griefs à l'appui du licenciement pour faute grave de Mme X..., qu'il convient d'examiner ; que la sas Vêtir reproche tout d'abord à Mme X... d'avoir imputé à la direction la décision de refus de congés d'une salariée en janvier 2010 et celle d'imposer des bonnets de Noël aux employés du magasin ; qu'il n'est pas contesté que le refus d'accorder des congés à un salarié du magasin est une décision qui incombe en dernier lieu au directeur régional et qu'en l'occurrence Mme X... qui ne conteste pas avoir refusé d'accorder à Mme Y...qui en atteste, n'est pas en mesure de justifier avoir saisi le directeur régional de la difficulté ; que d'autre part, il est reproché à Mme X... d'avoir imposé le port du bonnet de Noël aux employés du magasin en décembre 2008 ; que ce grief n'est établi par aucune pièce du dossier ; que la sas Vêtir reproche également à Mme X... de ne pas avoir affiché les comptes rendus du comité d'entreprise ainsi que la note relative au renouvellement des élections professionnelles, Mme X... représentait l'employeur au sein du magasin dont elle avait la direction et devait à ce titre assurer la diffusion des informations relatives aux institutions représentatives du personnel ou syndicales ; qu'il est établi par les attestations des salariés du magasin et par un délégué syndical que les comptes rendus du CE et les notes relatives aux élections professionnelles ou syndicales n'étaient pas affichées ; qu'en s'abstenant de procéder à cet affichage, Mme X... a manqué à ses obligations et ne peut se retrancher derrière son employeur dès lors qu'il lui appartenait en sa qualité de gérant directeur, de veiller au respect des obligations légales concernant l'information des salariés du magasin dont elle avait la responsabilité ; qu'il est d'autre part reproché à Mme X... d'avoir eu une altercation téléphonique avec une déléguée syndicale à qui elle reprochait d'être passée au magasin ; qu'en réalité, Mme X... a reproché à Mme Z..., déléguée syndicale, d'être passée au magasin en son absence ; que cette dernière atteste de la réalité de l'altercation téléphonique ; que Mme X... conteste le grief de l'absence d'entretien des locaux réservés au personnel soutenant que e grief n'a pas été débattu lors de l'entretien préalable, qu'il n'entrait pas dans ses attributions de faire le ménage de ces locaux et qu'enfin elle avait spontanément nettoyé les locaux lors de son entrée en fonction ; que la cour observe d'une part qu'il ne peut être reproché à un gérant directeur de ne pas faire le ménage dans les locaux du personnel mais seulement de ne pas faire procéder à ce nettoyage ; que l'attestation de Mme A...démontre que Mme X... lui a imposé des horaires de travail incompatibles avec sa situation de salariée handicapée et elle témoigne d'une ambiance de travail difficile ; qu'il est reproché par ailleurs à Mme X... d'avoir dénigré son employeur ; que la sas Vêtir justifie de ce grief en produisant l'attestation de Mme Z..., déléguée syndicale qui témoigne de propos tenus par Mme X... « j'en ai marre de GEMO, je ne veux pas rester dans cette entreprise pourrie » ; que ces dénigrements sont également rapportés par Mme Y...; qu'enfin, la sas Vêtir reproche à Mme X... de ne pas avoir accompagné le personnel de son magasin dans la mise en oeuvre des challenges commerciaux ; que sur ce point plusieurs salariés attestent de l'absence d'information relative à ce challenge commercial mis à part un affichage qui n'a pas permis une information de tous les salariés ni une bonne compréhension de l'action ; que la cour considère qu'est établi l'ensemble des griefs fondant le licenciement de Mme X... à l'exception du grief relatif à la décision de port de bonnet de Noël et de celui relatif au nettoyage du local du personnel sur lequel un doute persiste ; que ces griefs sont formulés à l'encontre d'une jeune salariée sans expérience à qui la sas Vêtir a confié la direction d'un magasin au terme d'un entretien de quelques minutes et d'une formation de quelques jours ; que ces griefs sont suffisamment sérieux pour justifier le licenciement de Mme X... mais ils n'empêchaient pas le maintien de la relation contractuelle pendant la durée du préavis ;

1/ ALORS QUE la mauvaise exécution par un salarié des tâches qui lui sont confiées ne caractérise qu'une insuffisance professionnelle, laquelle ne constitue pas une faute et ne saurait par conséquent justifier un licenciement disciplinaire ; qu'aux termes de l'arrêt, la sas Vêtir a licencié Mme X... pour faute grave en lui reprochant, ces six griefs : 1° « vous justifiez auprès de votre personnel des refus de congés ou bien exigez le port du bonnet de Noël sur les périodes de fin d'année, en vous appuyant sur de soi-disant mails reçus de votre directeur régional bien entendu M. B...ne vous a jamais adressé ce type de message », 2° « Non seulement vous n'affichez pas les comptes rendus du Comité d'entreprise, la note relative au renouvellement des élections professionnelles mais vous n'hésitez pas à joindre une déléguée syndicale de l'entreprise afin de lui reprocher son passage au magasin » 3° « Vous n'assurez pas le bon entretien des locaux réservés au personnel, ce qui oblige ce dernier à prendre la pause à l'extérieur du magasin » 4° « Vous ne prenez pas en compte des situations personnelles difficiles, ce qui oblige certains membres de votre équipe à aviser l'Inspection du travail » 5° « Outre votre dénigrement systématique des décisions prises par l'entreprise (volume des livraisons …), vous n'accompagnez pas votre personnel dans la mise en oeuvre des challenges commerciaux … en effet vous vous contentez d'afficher la note sans la commenter au risque qu'une partie du personnel n'en prenne pas connaissance. Ce fût malheureusement le cas lors du dernier challenge commercial » 6° « Par ailleurs votre manque d'implication dans le travail sur la surface de vente a entraîné de votre part un manque de connaissance des contraintes rencontrées au quotidien par votre équipe … la situation est devenue si tendue que le personnel n'a eu d'autre choix que d'en faire part à Monsieur B...» ; qu'après avoir écarté la faute grave, la cour d'appel a considéré pour retenir la cause réelle et sérieuse, qu'à l'exception de ceux relatifs au port du bonnet de Noël et au nettoyage du local du personnel, avaient été établis l'ensemble des griefs « formulés à l'encontre d'une jeune salariée sans expérience à qui la sas Vêtir avait confié la direction d'un magasin au terme d'un entretien de quelques minutes et d'une formation de quelques jours » ; qu'en requalifiant en licenciement pour insuffisance professionnelle, le licenciement pour faute grave qui avait été prononcé sur le terrain disciplinaire sans caractériser des fautes imputables à Mme X... de nature à le justifier, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'une sanction disciplinaire ne peut être prononcé qu'en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l'employeur ; qu'après avoir constaté que la lettre de licenciement fixant les termes du litige avait reproché à Mme X... un « dénigrement systématique des décisions prises par l'entreprise (volumes des livraisons …) », la cour d'appel a considéré qu'« il est reproché par ailleurs à Mme X... d'avoir dénigré son employeur », que « la sas Vêtir justifie de ce grief en produisant l'attestation de Mme Z..., déléguée syndicale qui témoigne des propos tenus par Mme X... « j'en ai marre, je ne veux pas rester dans cette entreprise pourrie » et que « ces dénigrements sont également rapportés par Madame Y...» ; qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à caractériser le dénigrement systématique des décisions de l'entreprise reproché dans la lettre de licenciement, et donc une faute imputable à Mme X... susceptible de justifier un licenciement disciplinaire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme X... en paiement de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

AUX MOTIFS QUE la demande d'indemnité pour préjudice moral formée par Mme X... sera rejetée ;

ALORS QU'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation qui conteste l'appréciation des juges du fond sur la légitimité du licenciement, entraînera par voie de conséquence, la cessation de la disposition rejetant la demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice distinct, en l'état du lien de dépendance nécessaire entre ces décisions.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-15127
Date de la décision : 08/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 février 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2017, pourvoi n°16-15127


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.15127
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