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18/06/1998 | FRANCE | N°960456

France | France, Tribunal administratif de Besançon, 18 juin 1998, 960456


Vu la requête enregistrée le 3 avril 1996 par laquelle la commune de Danjoutin (90400), représentée par son maire, par la SCP Garot Gehant Moyne et Saiah, avocat, demande au tribunal de condamner les sociétés Mathis et Albizzati au paiement de la somme de 390.009,54 F assortie des intérêts de droit, et au paiement de la somme de 12.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Le tribunal a entendu à l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel, conseiller,
- les observations de Me Chenin substituant Me Cadrot, avocat de la S.A. Albizzati, et les co

nclusions de Mme Moulin, commissaire du gouvernement ;
- Vu la loi...

Vu la requête enregistrée le 3 avril 1996 par laquelle la commune de Danjoutin (90400), représentée par son maire, par la SCP Garot Gehant Moyne et Saiah, avocat, demande au tribunal de condamner les sociétés Mathis et Albizzati au paiement de la somme de 390.009,54 F assortie des intérêts de droit, et au paiement de la somme de 12.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Le tribunal a entendu à l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel, conseiller,
- les observations de Me Chenin substituant Me Cadrot, avocat de la S.A. Albizzati, et les conclusions de Mme Moulin, commissaire du gouvernement ;
- Vu la loi du 28 pluviôse An VIII,
- Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985,
- Vu le code des marchés publics,
- Vu le code civil,
- Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Considérant qu'au terme d'un marché négocié en date du 30 mai 1989, la commune de Danjoutin a confié à la société Albizzati, la construction d'une passerelle enjambant la rivière "La Savoureuse" afin de permettre l'accès des piétons à des installations sportives ; que la réception des travaux a eu lieu le 8 février 1990 ; que quelques mois plus tard, des désordres sont apparus consistant dans le vrillage des planchers et la déformation des poutres formant limons et garde-corps ; que la commune demande la condamnation de l'entreprise Albizzati, titulaire du marché, et de la société Mathis, fabricant de la passerelle et fournisseur de l'entrepreneur principal, à réparer les dommages résultant de ces désordres ;
Sur la fin de non recevoir soulevée par la société Mathis :
Considérant que la société Mathis a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte en cours d'instance le 30 avril 1996 ; qu'elle soutient que la procédure introduite devant le Tribunal administratif doit être interrompue de ce fait ;
Considérant que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi susvisée du 25 janvier 1985 d'où résultent, d'une part, le principe de la suspension ou de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, d'autre part, l'obligation, qui s'impose aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers, de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent, pas plus d'ailleurs que ne le faisaient les articles 35 et suivants de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; qu'il en résulte que si est réservée à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif, s'agissant des créances qui par leur nature relèvent de sa compétence, d'examiner si la personne publique demanderesse a droit à réparation, de fixer le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre, et de prononcer ainsi une condamnation, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de ces créances ; qu'il suit de là que la société Mathis n'est pas fondée à soutenir que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prononcé à son encontre ferait obstacle à la présente procédure devant le Tribunal administratif ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise, que l'action des intempéries sur les éléments en bois de l'ouvrage a entraîné un vrillage des planchers et une déformation des poutres formant limon et garde-corps ; que les conséquences des intempéries se poursuivant, le pourrissement des bois entraînera, s'il n'y est porté remède, la destruction totale de l'ouvrage ; que ces désordres affectant la passerelle sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, qu'ils n'étaient ni visibles, ni prévisibles, le jour de la réception des travaux ; que ces faits sont de nature à engager la responsabilité du constructeur sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, ainsi que celle du fabricant sur le fondement du principe dont s'inspire l'article 1792-4 du même code ;
Considérant que pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Albizzati soutient que les désordres sont imputables à son fournisseur, la société Mathis ; qu'il ressort effectivement des pièces du dossier que les désordres sont dus aux fautes de la société Mathis dans le choix des bois devant servir à la construction de la passerelle ; que, cependant, le constructeur ne saurait s'exonérer de la responsabilité qui est la sienne en excipant du fait de son fournisseur, qui n'a pas la qualité de constructeur ; que cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder le dommage comme n'étant pas imputable au constructeur et ne constitue pas pour lui, un cas de force majeure ; que, par suite, la société Albizzati n'est pas fondée à soutenir que le dommage ne lui est pas imputable ;
Considérant que pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Albizzati soutient également que le choix du fabricant lui a été imposé par le maître de l'ouvrage ; que cette circonstance n'est pas de nature à l'exonérer de la responsabilité qui est la sienne ; qu'ainsi, la société Albizzati n'est pas fondée à soutenir que les dommages sont dus au fait de la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Danjoutin est fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Albizzati, en tant que constructeur, et Mathis, en tant que fabricant, à réparer le préjudice par elle subi du fait de la construction de l'ouvrage en cause ;

Sur le préjudice :
Considérant que si la commune demande les sommes nécessaires au remplacement de la passerelle, il résulte des pièces du dossier et du rapport d'expert que les désordres nécessitent seulement une réparation; que le montant de cette réparation doit être estimé à la somme de 255.000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que la commune de Danjoutin a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 255.000 F à compter de la date d'enregistrement de sa requête ;
Sur les dépens :
Considérant que les frais d'expertise, s'élevant à la somme de 38.864.04 F TTC qui ont été avancés par la commune de Danjoutin, doivent être mis à la charge définitive de la société Albizzati et de la société Mathis ;
Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société Albizzati et la société Mathis à verser à la commune de Danjoutin la somme de 4.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que la commune de Danjoutin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la société Albizzati la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La société Albizzati et la société Mathis sont solidairement condamnées à payer à la commune de Danjoutin la somme de 255.000 F (deux cent cinquante cinq mille francs) avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1996.
Article 2 : La société Albizzati et la société Mathis sont solidairement condamnées à payer à la commune de Danjoutin la somme de 4.000 F (quatre mille francs) au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - les frais d'expertise sont mis à la charge de la société Albizzati et de la société Mathis.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la société Albizzati sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Danjoutin, à la société Albizzati, à la société Mathis.


Sens de l'arrêt : Condamnation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION - Responsabilité du fabricant de l'ouvrage ou d'une partie de l'ouvrage (article 1792-4 du code civil) - Existence (1).

39-06-01-04-005, 39-06-01-07-01 Une commune, ayant décidé l'installation d'une passerelle enjambant une rivière traversant son territoire, en a confié la mise en place à une entreprise, par un marché passé uniquement avec celle-ci, mais stipulant que la parcelle serait un modèle fabriqué par une entreprise tierce. Cette passerelle ayant été atteinte de désordres de nature à compromettre sa solidité, la commune a demandé au juge administratif de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, l'entreprise qui avait installé la passerelle et celle qui l'avait fabriquée. Les désordres étant imputables au choix des matériaux par le fabricant, celui-ci est, sur le fondement du principe dont s'inspire l'article 1792-4 du code civil, condamné solidairement avec l'entrepreneur ayant installé la passerelle, qui a seul la qualité de constructeur, à indemniser la commune.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - CONDAMNATION SOLIDAIRE - Existence - Condamnation solidaire du fabricant de l'ouvrage avec l'entrepreneur qui l'a mis en place (1).


Références :

Code civil 1792-4

1.

Cf. sol. contr. CE, 1992-03-20, Société Tuileries de Perrignier, p. 126


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Mallol
Rapporteur ?: M. Agnel
Rapporteur public ?: Mme Moulin

Origine de la décision
Tribunal : Tribunal administratif de Besançon
Date de la décision : 18/06/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 960456
Numéro NOR : CETATEXT000008284203 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.administratif.besancon;arret;1998-06-18;960456 ?
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