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22/12/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951813

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, 22 décembre 2006, JURITEXT000006951813


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 05/08344 No MINUTE : Assignation du : 18 Mai 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 22 Décembre 2006

DEMANDEURS Madame Frédérique X...
... 75017 PARIS Monsieur Tito X...
... 75017 PARIS représentés par Me Thierry LEVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.507 DÉFENDEURS S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 1 Quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par Me Louis BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B.481 Monsieur Jean-Louis Y... d

omicilié : chez Société MADISON 18, rue de la Glacière 75013 PARIS défail...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 2ème section No RG : 05/08344 No MINUTE : Assignation du : 18 Mai 2005 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 22 Décembre 2006

DEMANDEURS Madame Frédérique X...
... 75017 PARIS Monsieur Tito X...
... 75017 PARIS représentés par Me Thierry LEVY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P.507 DÉFENDEURS S.A. TELEVISION FRANCAISE 1 1 Quai du Point du Jour 92100 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par Me Louis BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B.481 Monsieur Jean-Louis Y... domicilié : chez Société MADISON 18, rue de la Glacière 75013 PARIS défaillant Monsieur Edouard Z... 34 Chaussée de L'étang 94160 ST MANDE défaillant Monsieur Patrick A... 8 rue des Vignerons 94300 VINCENNES défaillant Madame Christiane B... 34 Boulevard de Clichy 75018 PARIS défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Claude VALLET, Vice-Président, signataire de la décision Véronique RENARD, Vice-Président Michèle PICARD, Vice-Président

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 20 Octobre 2006 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement Réputé contradictoire en premier ressort Faits et procédure Tito X... est écrivain et scénariste. Il a notamment écrit les textes de séries policières destinés à la télévision parmi lesquelles NAVARRO. Il est par ailleurs le président de la société de production Serial Producteurs. Frédérique X..., également scénariste, a participé depuis 1989 à l'écriture d'un certain nombre d'épisodes de séries télévisées. Selon contrat en date du 4 juin 1999, la société Serial Producteur a signé avec la société TF1 un contrat relatif à la coproduction de deux téléfilms de 96 mn de la série Marc ELIOT dont plusieurs épisodes avaient précédemment été produits et diffusés. Ces deux téléfilms ont été diffusés les 6

janvier et 10 février 2000 en première partie de soirée quelques jours seulement après leur acceptation par TF1. Selon convention en date du 16 mai 2000, les sociétés Serial Producteurs et TF1 ont décidé de la coproduction de six nouveaux épisodes de cette série: - Tant qu'il y aura des flics, - C'est votre enfant, - Tes père et mère, tu honoreras, - L'amour en cavale, - Une jeune femme pauvre, - 400 suspects, dont l'écriture a été commandée par la société productrice à Tito X... et Frédérique X... selon différents contrats signés entre le 6 décembre 1999 et le 6 décembre 2000. Par ailleurs, Tito X... et Frédérique X... ont écrit l'épisode pilote d'une série intitulée Cévennes selon contrat de commande d'écriture et de cession de droits en date du 25 août 1998. Bien qu'acceptés par TF1en 2001, ces téléfilms n'ont pas été programmés avant la fin de l'année 2004. C'est ainsi que l'épisode pilote de Cévennes a été diffusé le 29 décembre 2004 à 1h30, sans avoir été préalablement annoncé. Ayant appris que les épisodes intitulés " Tant qu'il y aura des flics" et " C'est votre enfant" devaient être diffusés les 23 et 28 janvier 2005 respectivement à 1h05 et 1h50, les demandeurs ont assigné la société TF1 en référé d'heure à heure aux fins d'obtenir qu'il lui soit fait interdiction de diffuser ces téléfilms à une heure aussi tardive. Cette demande a été rejetée par ordonnance en date du 22 janvier 2005. Les deux épisodes suivants ont été diffusés dans la même grille horaire. Par acte en date du 19 mai 2005, Tito X... et Frédérique X... ont assigné la société TF1 devant ce tribunal aux fins de voir ordonner la diffusion sous astreinte des six épisodes de la série Marc Eliot et de l'épisode pilote de la série Cévennes en première partie de soirée et obtenir l'indemnisation du préjudice résultant des atteintes aux droits patrimoniaux et moraux d'auteur qu'ils estiment avoir subi. Postérieurement à cette assignation, les 6 et 8 juillet 2005, la

société TF1 a diffusé les deux derniers épisodes de la série Marc ELIOT en troisième partie de soirée. Dans le dernier état de leurs écritures signifiées le 3 février 2006, Tito X... et Frédérique X... demandent, sur le fondement des articles 1134 du code civil et L 132-27 du Code de la propriété intellectuelle de dire et juger qu'en ne diffusant pas les sept films litigieux à 20h50, la société TF1 a porté atteinte au droit moral des auteurs des textes et en conséquence, de condamner la société TF1à :

- diffuser les films en cause "en prime time" sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, - payer aux demandeurs la somme de 224 042 euros ( 32 006 ç x 7) en réparation du préjudice matériel causé par la diffusion tardive des films et la somme de 15 000 euros à chacun d'eux en réparation de l'atteinte à leur droit moral, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, et de condamner la société défenderesse au paiement d'une indemnité de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de leur conseil. Dans ses écritures récapitulatives signifiées le 18 novembre 2005, la société TF1 oppose l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de l'ensemble des coauteurs d'une part et du fait de l'apport des droits patrimoniaux des auteurs à la SACD d'autre part. Subsidiairement, elle demande de dire que les fondements juridiques invoqués à l'appui des demandes sont inapplicables et qu'en tout état de cause elle n'a commis aucune faute et notamment aucun abus de droit en ne diffusant pas les films litigieux en première partie de soirée. Plus subsidiairement encore, la société TF1 conclut au débouté des demandes indemnitaires et demande d'enjoindre à Tito X... et Frédérique X... de communiquer les relevés SACD relatifs aux sept téléfilms en cause sous astreinte de 5000 euros euros par jour de retard. A titre reconventionnel, elle sollicite l'allocation

de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dénigrement outre celle de 7500 euros au titre de ses frais irrépétibles et la condamnation des demandeurs aux dépens dont distraction au profit de son conseil. Madame Christiane B... et Messieurs Edouard Z..., Jean-Louis Y... et Patrick A... assignés par les demandeurs en leur qualité de co-auteurs de oeuvres en cause n'ont pas constitué avocat. Motifs de la décision Sur la recevabilité des demandes: [* sur la mise en cause des coauteurs: Attendu que la société TF1 estime que les demandeurs sont irrecevables à agir faute d'avoir appelé en cause une partie des co-auteurs des oeuvres considérées, à savoir, Mesdames Nancy HEIKIN et Emmanuelle FORMER et Monsieur Emmanuel C... pour le téléfilm " 400 suspects", et Monsieur Quentin D... pour le téléfilm "L'amour en cavale"; qu'elle soutient que bien que ne figurant pas aux génériques, ces personnes ont signé avec la société Serial Producteur des contrats d'auteur; Attendu que les oeuvres en cause sont des oeuvres de collaboration et à ce titre propriété commune des auteurs qui doivent, à peine d'irrecevabilité, exercer leurs droits d'un commun accord; Attendu que les demandeurs ont respecté cette disposition légale en assignant les réalisateurs des films concernés ainsi que l'auteur de la musique; Attendu que s'il n'est pas contesté que des contrats d'auteur ont bien été signés entre le producteur et Mesdames HEIKIN et FORMER et Messieurs C... et D..., leurs travaux n'ont pas été acceptés, raison pour laquelle il ne figurent pas aux génériques des films ainsi qu'il en est justifié étant précisé que ces génériques portent la signature de Monsieur E..., directeur de la fiction de la société TF1; Qu'en conséquence, l'exception sera rejetée; *] sur l'apport des droits d'exploitation à la SACD: Attendu que les demandeurs sont membres de la SACD à laquelle ils ont fait apport de leurs droits d'exploitation notamment

sur les oeuvres enAttendu que les demandeurs sont membres de la SACD à laquelle ils ont fait apport de leurs droits d'exploitation notamment sur les oeuvres en cause; que la société défenderesse en déduit que l'action engagée n'est recevable que sur le seul fondement d'une atteinte au droit moral des auteurs; qu'elle souligne qu'il n'existe entre elle et les auteurs aucun flux financier, dès lors que la société TF1 verse annuellement aux sociétés d'auteur, en vertu du protocole d'accord signé le 25 juin 1990, 5% de ses recettes nettes en contrepartie notamment du droit de diffusion des oeuvres de leur répertoire, la SACD répartissant entre ses membres les sommes ainsi recueillies en fonction de critères de répartition dont elle a seule la maîtrise; qu'elle en conclut qu'il ne peut dès lors y avoir de lien entre l'horaire de diffusion supposée préjudiciable et le manque à gagner allégué; Attendu cependant que l'apport à la SACD du droit d'autoriser ou d'interdire la communication au public par un procédé quelconque ainsi que la reproduction par tout procédé et l'utilisation à des fins publicitaire ou commerciale des oeuvres, prévu par l'article 1er des statuts, n'interdit pas à l'auteur d'agir en justice pour la protection de ses droits patrimoniaux; Que cette exception sera rejetée. Sur le fond: Attendu qu'au soutien de leurs prétentions tendant à voir dire que la société TF1 a commis une faute en programmant la diffusion des oeuvres litigieuses en troisième partie de soirée, les demandeurs font valoir que cette société a manqué à la bonne foi qui préside aux relations contractuelles et a méconnu les dispositions de l'article L 132-27 du Code de la propriété intellectuelle; Attendu qu'il convient de rappeler ici que l'architecture contractuelle aboutissant à la diffusion d'une oeuvre audiovisuelle est organisée en une chaîne de contrats liant d'une part l'auteur au producteur et d'autre part le producteur au diffuseur dans des conditions telles qu'il n'existe pas de rapport

contractuel direct entre l'auteur et le diffuseur; Que néanmoins, ce dernier dispose d'un droit de contrôle sur l'ensemble du travail d'écriture et de réalisation jusqu'au visa du générique: validation du sujet et des différentes étapes d'écriture ( synopsis, séquencier, continuité dialoguée), des décors de la mise en scène, de la distribution et du montage; que les contrats versés aux débats comportent l'engagement du producteur d'accepter toutes les modifications qui seraient demandées par le représentant de TF1 sans possibilité d'en initier aucune qui ne serait approuvée par celui-ci; qu'il suit de là que le film correspond nécessairement en tous points à la ligne éditoriale de la société qui en a acquis les droits de diffusion pour un nombre et une durée limitée, ici trois diffusions pendant une durée de quatre ans; Attendu que le contrat d'auteur qui lie celui-ci au producteur a un double objet, d'une part la définition des modalités du travail d'écriture et d'autre part la cession des droits d'exploitation au producteur comportant une rémunération proportionnelle fondée sur l'exploitation, versée par la SACD en ce qui concerne les territoires couverts par cette société et par le producteur en ce qui concerne les autres, et un "minimum garanti"versé au fur et à mesure de la réalisation du travail d'écriture validé par le diffuseur; Attendu que la rémunération proportionnelle des auteurs, telle que définie par la SACD est fonction de la tranche horaire dans laquelle l'oeuvre est diffusée, la rémunération la plus importante correspondant naturellement à la première partie de soirée qui recueille l'audience la plus importante; Attendu que les contrats versés aux débats ne comportent aucune précision relative à la programmation de la diffusion des oeuvres en cause; Que les demandeurs soutiennent néanmoins qu'il doit être tiré des circonstances de la création et du contexte dans lequel elle est intervenue qu'il était implicitement mais nécessairement

entendu que ces films étaient destinés à être diffusés en première partie de soirée de sorte qu'en modifiant l'horaire unilatéralement et sans motif défini, le diffuseur a tout à la fois privé l'auteur d'une partie de sa rémunération et dévalorisé l'oeuvre en ne lui permettant pas de rencontrer le public auquel elle était destinée portant ainsi atteinte au droit patrimonial et au droit moral; Attendu que les dispositions de l'article L 132-27 qui imposent au producteur d'exploiter l'oeuvre conformément aux usages de la profession ne sont pas applicables, la société TF1 ayant ici la qualité de diffuseur; qu'à supposer que son engagement financier puisse conduire à lui conférer la qualité de producteur, force est d'admettre qu'aucun usage professionnel ne conduit à exploiter des films de télévision exclusivement dans un créneau horaire défini; Attendu que la chaîne contractuelle ci-dessus exposée induit, du fait de l'étroite interdépendance des conventions conclues, l'existence d'une obligation de diffusion à la charge de la société TF1, faute de quoi l'auteur, dont le travail a été accepté dès lors que le film est réalisé, ne perçoit pas de rémunération proportionnelle; qu'en l'espèce, cette obligation a été respectée; Attendu en revanche que ni l'importance du budget engagé, ni le succès éventuel du début d'une série, voire des précédentes écrites par les mêmes auteurs, pas plus que le format ou la limitation des scènes de violence ou de sexe ne peuvent conduire à instaurer une obligation de diffusion dans une partie déterminée de la grille de programmation, en l'absence de toute précision dans les contrats; Attendu que les demandes ne sont pas fondée sur l'abus de droit, de sorte il n'y a pas lieu de répondre aux développements de la défenderesse sur ce point; Qu'en conséquence, les demandes seront rejetées. Sur la demande reconventionnelle: Attendu que la société TF1 reproche aux demandeurs d'avoir commis des actes de dénigrement à son encontre en publiant

sur le site internet www.titotopin.com le texte de l'assignation saisissant ce tribunal assorti d'un message à destination de tous les auteurs de films non diffusés ou diffusés à des horaires tardifs en leur proposant soutien et conseil, et d'avoir ainsi porté atteinte à son image de diffuseur de séries de fiction; Attendu que les demandeurs opposent qu'ils n'ont fait qu'informer la communauté des auteurs de leur action dans des termes mesurés et en prenant soin de présenter l'issue du procès comme aléatoire; Attendu cependant que le fait de mettre à la disposition du public, qui n'est pas limité aux auteurs de fiction, le texte intégral d'une assignation en justice qui, même si elle ne présente pas de caractère de secret, n'a néanmoins pas vocation à être largement divulguée, est de nature à jeter le discrédit sur le défendeur à l'instance; que l'information relative à l'éventualité d'un rejet de la demande, qui est un truisme, est sans incidence sur l'existence de la faute; Attendu que le texte de l'assignation a été diffusé sur le site de Monsieur Tito X... et le commentaire qui l'accompagne est rédigé à la première personne par celui-ci de sorte qu'il n'est pas permis de mettre en cause la responsabilité de Frédérique X... ; Que le préjudice causé par Tito X... sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 5000 euros à la société TF1. Sur les autres demandes: Attendu qu'il serait inéquitable que la société TF1 supporte la charge de ses frais non compris dans les dépens; qu'il lui sera alloué la somme de 5000 euros à ce titre; Attendu que les demandeurs seront condamnés in solidum aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile. Par ces motifs Le tribunal, statuant en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort, Rejette les exceptions d'irrecevabilité, Déboute Tito X... et Frédérique X... de l'ensemble de leurs demandes, Dit qu'en publiant sur

internet l'assignation délivrée à la société TF1, Monsieur Tito X... a commis une faute directement à l'origine d'un préjudice d'image subi par la société défenderesse, En conséquence, Condamne Monsieur Tito X... à payer à la société TF1 la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne solidairement Tito X... et Frédérique X... à payer à la société TF1 la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, Les condamne in solidum aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. Fait et jugé à Paris le 22 Décembre 2006 Le Greffier Le Président .


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951813
Date de la décision : 22/12/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2006-12-22;juritext000006951813 ?
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