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13/01/2010 | GABON | N°22/09-10

Gabon | Gabon, Cour d'appel de libreville, 13 janvier 2010, 22/09-10


Texte (pseudonymisé)
Le silence observé par le titulaire d’un compte bancaire dans le délai d’un mois suivant la réception de ses relevés bancaires ne peut constituer une présomption d’approbation desdits relevés lorsqu’ils sont envoyés de façon irrégulière et comporte de nombreuses écritures erronées empêchant tout contrôle.
Ne peut être exclu des débats un rapport succédant à un précédent rapport au motif qu’il est incomplet alors que ledit rapport procède d’une décision de justice régulière et avait pour but et résultat de faire la totalité de la mission confiée au pr

emier expert.
La banque s’étant illustrée par des manquements graves dans la gestion de...

Le silence observé par le titulaire d’un compte bancaire dans le délai d’un mois suivant la réception de ses relevés bancaires ne peut constituer une présomption d’approbation desdits relevés lorsqu’ils sont envoyés de façon irrégulière et comporte de nombreuses écritures erronées empêchant tout contrôle.
Ne peut être exclu des débats un rapport succédant à un précédent rapport au motif qu’il est incomplet alors que ledit rapport procède d’une décision de justice régulière et avait pour but et résultat de faire la totalité de la mission confiée au premier expert.
La banque s’étant illustrée par des manquements graves dans la gestion des comptes de son client , a violé ses obligations contractuelles et doit être condamnée au paiement des sommes correspondant au préjudice subi par lui.
COUR D’APPEL JUDICIAIRE DE LIBREVILLE, ARRET N0 22/09-l0 DU 13 JANVIER 2010, Société HYPER-MARCHE de L’OGOOUE « HYMO » (Me MOUTSINGA) contre LIQUIDATION « BNCR »Banque National du Crédit Rural (Me ITCHOLA)
COMPOSITION DE LA COUR :
PRESIDENT : Mr LEBAMA Jacques, Président de Chambre; MEMBRES : Mme EFFALE NZE Pélagie, Conseiller ; Et Mme IKAPI Yvette, Conseiller ; GREFFIER : Me ZAMBA Véronique ;
RAPPORTEUR:Mr LEBAMA Jacques
En présence de Mr le Procureur Général.
LA COUR
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI
La Cour statue sur l’appel interjeté par la Société Hyper Marché de I’Ogooué en abrégé HYMO contre le jugement du 07 Novembre 2007 rendu par le Tribunal de première Instance de Libreville dans le litige l’opposant à la Liquidation de la Banque Nationale du Crédit Rural, en abrégé BNCR et ayant statué ainsi qu’il suit :
« Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire à l’égard de toutes les parties, en matière commerciale et en premier ressort ;
- Rejette la fin de non recevoir soulevée par la Liquidation BNCR ; - Homologue uniquement le rapport d’expertise de Ab Y, Expert Judiciaire ; - Fixe la créance de la société HYMO à la somme de 271.181.203 Frs CFA ; - L’invite à la produire auprès de la Liquidation de la BNCR ; - Déboute les parties de toutes les autres demandes ; - Condamne la Liquidation BNCR aux dépens ».
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:
La Société J-IYMO avait ouvert des comptes de dépôt à vue sous le n0 01101.473.002 R à l’Aa X de Libreville et n° 03.101.270.001 G de Lambaréné ;
Après plusieurs mois, elle relevait des irrégularités dans le fonctionnement desdits comptes ;
Par Ordonnance de référé en date du 23 Août 2001, la Société IIYMO obtenait une expertise à l’effet de déterminer la situation des comptes de I’HYMO à la BNCR et de dire si CCS comptes ont fait l’objet d’irrégularités dans leur fonctionnement ;
Par rapport dressé courant Mars 2002, Monsieur l’expert commis concluait que : « l’expertise a porté sur un total de mouvements représentant 3.288.11.717 Frs CFA ; Le total des mouvements justifiés dans les livres de la banque s’élève à3.170.905.539 Francs CFA, soit 96, 44% du total des mouvements recherchés Les 117.206.178 Francs CFA non justifiés se ventilent en :
- 101 .346.678 Francs CFA de mouvements dont la recherche dans les journées comptables de la banque sont toujours en cours ;
- Les 15.859.500 Frs CFA de versements en espèce non retrouvés sur les comptes bancaires et les bordereaux de versements ne sont pas reconnus par la banque.
Les mouvements en cours de recherche appartenant à la catégorie des mouvements qui ont tous été justifiés dans les écritures de la banque et ne souffrent d’aucune contestation; on peut estimer que les recherches documentaires vont logiquement aboutir, portant ainsi à 100% la justification en banque de tous les mouvements contestés par la société HYMO, hors les remises en espèces dont les bordereaux détenus par la société HYMO sont contestés par les services de la banque ;
Les 15.859.500 Frs CFA de versement en espèces effectués par la société HYMO et non positionnés sur les comptes bancaires apparaissent comme les seuls mouvements contestés dans le rapport HYMO, un dépôt de 2.180.000 Frs CFA devant faire l’objet d’une graphologie complémentaire, la signature du caissier étant contestée par les services de la banque, les autres dépôts pour un montant de 13.679.500 Frs CFA devant être réintégrés dans les comptes de la société HYMO »
Postérieurement, HYMO contestait ledit rapport et obtenait une décision ordonnant le complément
du rapport d’expertise, initialement dressé ;
L’expert nouvellement désigné livrait ses conclusions dans un rapport dressé courant Août 2003 ;
Ledit rapport a mis en évidence de nombreuses irrégularités et l’expert a précisément conclut que
« Les régulations à faire permettent d’indiquer que la société HYMO n’est pas redevable de la somme de 115.474.896 Frs CFA réclamée par la BNCR ;
Cette banque devrait rembourser à la société HYMO au moins la somme de 156.138.977 Frs CFA, compte tenu des régularisations à effectuer sur les comptes n0 03.101.270.001 G Lambaréné et 01.101.473.002 R Libreville.
S’agissant des contestations des opérations d’un montant de 8.579.827.790 Frs CFA par la société HYMO, une somme de 6.775.138.649 Frs CFA a pu être justifiée ; en revanche, les opérations relatives à 1.804.689.141 Frs CFA n’ont pu être justifiées ;
La responsabilité des fautes professionnelles commises dans le fonctionnement des comptes de la société HYMO est imputable à la BNCR ;
En cause d’appel, la société HYMO par la plume de son conseil plaide la recevabilité de son appel au motif que le délai d’appel n’ayant pas commencé a courir, son recours sera donc en la forme jugé recevable pour avoir été déposé dans le délai légalement prescrit ;
Par ailleurs, sur le fond, elle relève la méconnaissance du premier juge de l’existence d’un rapport définitif de l’Expert C A produit au dossier et daté d’août 2003, se focalisant plutôt sur un rapport qualifié de provisoire et inexistant dans le dossier ; En outre, elle ajoute que selon ce rapport, les régularisations à faire nées des irrégularités relevées permettent, d’affirmer qu’elle n’est pas débitrice de la BNCR qui devrait lui rembourser la somme de 156. 138.977b Frs CFA compte non tenu des régularisations à effectuer sur les comptes n° 03.101.270.001 G Lambaréné et 01. 101.473.002 R Libreville »
Elle ajoute que s’agissant de la constitution portant sur des opérations d’une somme de 8.579.827.790 Frs CFA, l’expert conclut que :
«Si les documents examinés ont permis de déterminer que 6.775.138.649 Frs CFA ont pu être justifiés », il demeure que «faute de pièces justificatives, les opérations d’un montant de 1.804.689.141 Frs indiquées dans les extraits de compte n’ont pu être validées ;
Qu’enfin, elle relève la responsabilité des fautes professionnelles commises dans le fonctionnement de ses comptes bancaires soulignée par l’expert ;
Que c’est pourquoi, elle sollicite sur le fondement des articles 1134, 1147 du Code civil ancien et 12 et 16 du Code de procédure civile que :
- Soit infirmé le jugement du 07 Novembre 2007 en ce qu’il a refusé d’homologuer le second rapport dressé par l’expert C A et condamné la Liquidation BNCR sur la base du premier rapport établi par l’expert Y à payer à la société HYMO la somme de 271.181.203 FRs CFA ;
Evoquant et statuant à Nouveau :
La condamnation de la Liquidation BNCR à payer à la société 1iYMO la somme de 156.138.977 Frs CFA,
La condamnation de la Liquidation BNCR à payer à la société HYMO la somme de 1.804.689.1.41 Frs CFA identifiée dans les comptes n0 03.101.270.001 G Lambaréné et 01.101.473.002 R Libreville ;
La condamner aux dépens;
En Réponse l’intimée prétend que le second rapport, dressé par l’expert C A est inexploitable et n’a été dressé que provisoirement; qu’un tel rapport est dès lors nul et non avenu ;
Reconventionnellement, elle relève un appel incident contre le jugement déféré ; qu’elle argumente que le jugement entrepris aurait dû déclarer irrecevables les démarches de la société HYMO ;
Que bien plus, elle ajoute que l’expert Y a dans son rapport, rappelé un principe cardinal en droit bancaire suivant lequel dès réception de son relevé de compte, l’usager de la banque dispose d’un délai d’un mois pour contester le contenu de ce relevé, que son silence emporte approbation des écritures comptables y figurant ;
Qu’elle indique précisément que les demandes de la société I-IYMO sont intervenues longtemps après la rupture de ses relations avec la I3NCR et longtemps après son admission en liquidation des biens ;
En réplique, la société HYMO précise que Monsieur C avait produit son rapport définitif daté d’Août 2003 ; que de même, elle indique que le rapport d’expertise de Monsieur Y ayant été invalidé par arrêt de la Cour d’Appel de céans du 06 Novembre 2002, l’on ne saurait faire état de ses conclusions ; que de même, le rapport de l’expert C A bat totalement en brèche cette prétention en constatant outre que les extraits de compte n’étaient pas établis tous les mois d’une part, et que l’absence de cette information ou renseignement de la BNCR l’a empêcher de contrôler ses opérations en recevant les pièces justificatives en temps opportun d’autre part; que dans ces conditions, les arrêtés de compte eux-mêmes n’étant pas fiables, elle ne pouvait accorder le moindre crédit aux mouvements portés sur les comptes ;
SUR CE SUR LA RECEVABILITE DES APPELS PRINCIPAL ET INCIDENT
Attendu que les appels principal et incident formés par les parties en litige procèdent de la légalité édictée par les articles 451, 452, 480 et 487 du Gode de procédure civile qu’il y a lieu de les déclarer recevable ;
SUR LA FIN DE NON RECEVOIR TIREE DE LA PRESCRIPTION DE L’ACTION EN CONTESTATION DU CONTENU DU RELEVE DE COMPTE
Attendu qu’il est de principe en droit bancaire que dès réception de son relevé de compte, l’usager de la banque dispose d’un délai d’un (1) mois pour contester le contenu de ce relevé ;
Que son silence emporte approbation des écritures comptables y figurant ;
Attendu qu’en la cause, il résulte du dossier que la société HYMQ ne recevait pas régulièrement de la BNGR ses extraits de relevé de compte ; que cette irrégularité l’a mise dans l’impossibilité de les consulter avec assiduité et exercer par conséquent toute action gracieuse ou judiciaire y relative ;
Qu’une telle situation peut au demeurant s’analyser en un cas de force majeur pour la société HYMO ;
Attendu qu’en définitive, en raison des motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter ladite fin de non recevoir ;
SUR L’HOMOLOGATION DU SECOND RAPPORT D’EXPERTISE DATE D’AOUT 2003
Attendu que l’examen des pièces du dossier révèle que le second rapport d’expertise daté du 30 Août 2003 procède d’une décision de justice, à la suite des insuffisances relevées dans le précédent rapport; qu’il avait précisément pour but de faire la totalité de la mission initialement confiée au premier expert ;
Que son examen approfondi permet de constater que les missions confiées ont été accomplies et conformément à la loi; que de même, les conclusions livrées sont claires et non équivoques ;
Que son contenu n’a du reste, rien de provisoire dans la mesure où l’expert désigné est même parvenu à une conclusion générale ;
Qu’en raison des motifs qui précèdent, il y a lieu d’homologuer le second rapport dressé courant Août 2003, le premier étant devenu caduc du fait des carences relevées ;
SUR LA RESPONSABILITE DES DYSFONCTIONNEMENTS DES COMPTES BANCAIRES DE LA SOCIETE HYMO
Attendu qu’il résulte des éléments du dossier notamment du rapport d’expertise dressé courant Août 2003 et homologué par la Cour; que la BNCR s’est illustrée par des manquements graves dans la gestion des comptes de la société HYMO et violant ainsi allègrement ses obligations contractuelles ; qu’il s’ensuit de ce qui précède de déclarer la liquidation de la BNCR responsable des irrégularités relevées dans le fonctionnement des comptes de HYMO ;
SUR LE PREJUDICE CONTRACTUEL
Attendu que suivant l’article 1147 du Code civil ancien, « le débiteur est condamné à raison de l’inexécution de l’obligation toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputable, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ;
Attendu qu’en la cause, la responsabilité contractuelle de la liquidation BNCR ayant été retenue tel que cela ressort clairement dans les nombreuses irrégularités relevées dans le fonctionnement des comptes de la société HYMO; qu’il y a lieu conformément à l’article 1147 précité de la condamner en paiement des sommes correspondantes au préjudice qui en résulte ;
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort: - En la forme: Reçoit les appels principal et incident des parties en litige ;
- Au Fond : Infirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
- Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la liquidation BNCR ; - Dit n’y avoir lieu à homologuer le rapport d’expertise de Mars 2002 dressé par Monsieur
Y, expert près. la Cour d’Appel de céans ;
- En revanche, homologue uniquement celui d’Août 20032 dressé par Monsieur C A expert près la Cour d’Appel de Libreville ;
- Déclare la liquidation BNCR, responsables des dysfonctionnements survenues dans la gestion des comptes de l’HYMO ;
- En conséquence, la condamne à payer à l’HYMO les sommes suivantes :
B Cent cinquante six millions cent trente huit mille neuf cent soixante dix sept (156.138.977) Francs CFA correspondant au montant de la valeur des irrégularités constatées ;
B Un milliard huit cent quatre millions six cent quatre millions six cent quatre vingt neuf mille cent quarante et un (1.804.689.141) Francs CFA au titre du montant des opérations non validées sur les comptes HYMO n° 03.101.270.001 G Lambaréné et n0 01.101.473.002 R Libreville
- La condamne en outre aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique, les jour, mois et an que dessus.
EN FOI DE QUOI, LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE APRES LECTURE FAITE, PAR LE PRESIDENT QUI L’A RENDU ET PAR LE GREFFIER. /-



Analyses

DROIT BANCAIRE - RECEPTION D'UN RELEVE DE COMPTE - ABSENCE DE REGULARITE DANS LA RECEPTION DES RELEVES BANCAIRES DU COMPTE - IMPOSSIBLITE DE CONSULTER LES RELEVES DE COMPTE AVEC REGULARITE ET FIABILITE - ABSENCE DE CONTESTATION DANS LE DELAI D'UN MOIS SUIVANT LA RECEPTION - PRESOMPTION D'APPROBATION DES RELEVES (NON) ; SUCCESSION DE DEUX RAPPORT D'EXPERTISE - EXCLUSION PAR LE PREMIER JUGE DU SECOND RAPPORT CONSIDERE COMME PROVISOIRE - CONSIDERATION ERRONEE DU PREMIER JUGE - QUALIFICATION DE DEFINITIF DU SECOND RAPPORT NOMBREUSES IRREGULARITES CONSTATEES PAR LES EXPERTS DANS LA TENUE DES ECRITURES DU COMPTE BANCAIRE - NOMBREUSES OMISSIONS D'ECRITURES DE CREDIT EN FAVEUR DU TITULAIRE DU COMPTE - RESPONSABILITE DU LIQUIDATEUR DE LA BANQUE REPRESENTANT CELLE-CI - CONDAMNATION DE LA BANQUE A REPARER LE PREJUDICE DU TITULAIRE DU COMPTE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Tribunal : Cour d'appel de libreville
Date de la décision : 13/01/2010
Date de l'import : 22/11/2019

Numérotation
Numéro d'arrêt : 22/09-10
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ga;cour.appel.libreville;arret;2010-01-13;22.09.10 ?
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