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11/12/2002 | LUXEMBOURG | N°10000

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2002, 10000


Tribunal administratif N° 10000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 1997 Audience publique du 11 décembre 2002

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Recours formé par Madame …, … contre 1) le projet général d’aménagement de la Ville de Luxembourg et la décision d’adoption afférente du conseil communal de la Ville de Luxembourg et 2) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10

000C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 22 mai 1997 par Maître André ELVINGER...

Tribunal administratif N° 10000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mai 1997 Audience publique du 11 décembre 2002

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Recours formé par Madame …, … contre 1) le projet général d’aménagement de la Ville de Luxembourg et la décision d’adoption afférente du conseil communal de la Ville de Luxembourg et 2) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 10000C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 22 mai 1997 par Maître André ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) du projet général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, tel qu’il fut adopté définitivement quant à sa partie graphique par délibération du conseil communal du 12 juillet 1993, pour autant qu’il concerne la demanderesse, et contre la délibération elle-même et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 rejetant la réclamation introduite par la demanderesse;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 23 mai 1997 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative en date du 28 août 1997 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 28 août 1997 portant signification de ce mémoire en réponse à la demanderesse;

Vu l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives portant transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure du recours inscrit sous le numéro 10000C du rôle, y inscrit sous le numéro 10000 du rôle;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2000 au nom de la demanderesse;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 17 mars 2000 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2000 au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié par voie de télécopie en date du 13 juin 2000 au mandataire constitué de la partie demanderesse;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres André ELVINGER et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, de même que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Madame …, épouse de Monsieur …, demeurant à L-…, est propriétaire d’un terrain sis à …, lieu-dit « … », inscrit au cadastre de l’ancienne commune d’Eich sous le n° … de la section E de Eich.

Ledit terrain fit l’objet d’une autorisation de lotissement en date du 10 février 1961, un plan de lotissement fut dressé le 14 mars 1961 et une autorisation de bâtir fut accordée le 18 octobre 1961.

Sous l’empire de l’ancien plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, dit plan « VAGO », ledit terrain fut classé à l’intérieur du périmètre d’agglomération, plus précisément dans le « secteur d’habitation de faible densité », étant relevé que le projet du plan d’aménagement prévoyait initialement de classer une grande partie du terrain en dehors du périmètre d’agglomération dans le secteur forestier de la zone rurale, mais que, par décision du 27 mai 1968, le conseil communal revint sur ce projet en faisant droit à une réclamation du propriétaire.

Suivant le nouveau plan d’aménagement de la Ville de Luxembourg, tel que provisoirement adopté par délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 4 novembre 1991, le terrain précité a été maintenu à l’intérieur du périmètre d’agglomération, mais classé en grande partie en zone verte, c’est-à-dire en zone non aedificandi au sens du chapitre H de la partie écrite du nouveau plan d’aménagement général.

Par un courrier daté du 4 décembre 1991, Madame … adressa une opposition au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, sur base des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, dirigée contre le prédit reclassement en zone verte.

Il ressort d’un procès-verbal du 29 octobre 1992 relatant les auditions effectuées par le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, à la suite de l’affichage, pendant une durée de 30 jours, soit du 11 novembre au 10 décembre 1991, du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, tel qu’approuvé provisoirement par le conseil communal en date du 4 novembre 1991, dans le cadre des objections formulées dans ledit délai contre ledit projet, en vue de l’aplanissement des difficultés, qu’en ce qui concerne la réclamation précitée du 4 décembre 1991, Monsieur et Madame …-… ont été entendus en leurs explications fournies à la suite de la réclamation précitée.

Par courrier du 9 septembre 1993 adressé à Madame …, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa celle-ci que par délibération du 12 juillet 1993, le conseil communal avait statué sur la réclamation précitée introduite en date du 4 décembre 1991 et avait approuvé définitivement la partie graphique du projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg et qu’il avait été fait partiellement droit à son objection, en ce sens qu’une partie du terrain était reclassée en zone d’habitation H1.

Par courrier du 24 septembre 1993, le mandataire de Madame … adressa une réclamation au ministre de l’Intérieur, dirigée contre la décision précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du « 9 » septembre 1993, en ce que celui-ci n’avait pas reclassé l’ensemble du terrain concerné en zone d’habitation H1.

Suite à un accusé de réception du ministre de l’Intérieur en date du 17 novembre 1993 relativement au courrier précité du 24 septembre 1993, contenant l’information de ce que le ministre « [statue sur la réclamation] (…) après avoir entendu le conseil communal de Luxembourg et la commission d’aménagement », le mandataire de Madame …, par un courrier en date du 11 mars 1994, sollicita de la part du ministre de l’Intérieur la communication des avis du conseil communal et de la commission d’aménagement instituée auprès dudit ministre de l’Intérieur, que celui-ci a déclaré recueillir afin de pouvoir prendre position par rapport à la réclamation introduite par Madame … en date du 24 septembre 1993, afin de mettre la réclamante en mesure de faire connaître ses observations par rapport auxdits avis, conformément à l’article 5, troisième alinéa du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Le mandataire de Madame … s’est vu notifier, en date du 24 février 1997, la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 approuvant les parties graphique et écrite du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg, adoptées définitivement en dates des 12 juillet 1993 et 25 avril 1994, et rejetant entre autres la réclamation introduite en nom et pour compte de Madame …, « alors que le périmètre d’agglomération, tel qu’il est actuellement défini au Projet d’Aménagement Général permet la construction sur la propriété de la réclamante, attenante à la rue des 7 Arpents, d’une maison d’habitation et que le restant de la propriété, actuellement classée zone verte, ne se prête pas à la construction vu la topographie accidentée des fonds en question, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à un agrandissement de la zone d’habitation des lieux ».

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 22 mai 1997, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre 1.

du projet général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, tel qu’il fut adopté définitivement quant à sa partie graphique par délibération du conseil communal du 12 juillet 1993, pour autant qu’il concerne la demanderesse, et contre la délibération elle-même et 2.

de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 rejetant la réclamation introduite par la demanderesse.

Conformément aux dispositions de l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le recours sous analyse introduit sous le numéro 10000C du rôle devant la Cour administrative et y non encore entièrement instruit à la date d’entrée en vigueur de ladite loi, à savoir le 16 septembre 1999, a été transmis au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 10000 du rôle.

Quant à la compétence et à la recevabilité Concernant la recevabilité du recours et « au niveau strictement procédural », la Ville de Luxembourg demande au tribunal de vérifier si la demanderesse s’est conformée, lors de l’introduction de son recours, à la règle, énoncée à l’article 7, paragraphe 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, selon laquelle le recours doit être introduit dans les trois mois de la publication ou de la notification ou encore du jour de la prise de connaissance d’un acte administratif à caractère réglementaire. Dans ce contexte, la Ville de Luxembourg fait soutenir que ce délai n’aurait certainement pas été respecté en ce qui concerne le recours dirigé contre la décision du conseil communal du 12 juillet 1993. Elle se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne cette question par rapport au deuxième volet du recours, à savoir en ce qu’il est dirigé contre l’arrêté ministériel du 6 février 1997.

Plus généralement, le mandataire de la Ville de Luxembourg, suivi en ce sens par le délégué du gouvernement, soulève l’irrecevabilité ratione temporis du recours, en ce que la décision d’approbation ministérielle du 6 février 1997, s’analysant en un acte de tutelle administrative, rétroagirait quant à ses effets à la date de la décision communale approuvée du 12 juillet 1993, au motif que celle-ci serait antérieure à l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996, laquelle a, pour la première fois, par son article 7, prévu la possibilité d’un recours direct dirigé contre des actes administratifs à caractère réglementaire. Ainsi, le recours serait irrecevable tant en ce qu’il est dirigé contre la décision communale intervenue avant le premier janvier 1997 que contre la décision ministérielle, dans la mesure où ses effets rétroagiraient à la date à laquelle a été prise la décision communale.

Dans son mémoire en réponse, la Ville de Luxembourg conclut enfin à l’irrecevabilité du recours pour non respect des articles 2 et 4 du règlement de procédure du comité du contentieux du Conseil d’Etat, au motif que le dépôt du recours au greffe aurait dû être précédé de sa signification, par voie d’huissier, aux parties intéressées, l’acte de signification devant être déposé simultanément avec le recours lui-même.

Il convient encore de relever que si, dans son mémoire en réponse, la Ville de Luxembourg a conclu que la juridiction administrative serait compétente pour connaître d’un recours dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, tels ceux de l’espèce, à savoir la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 12 juillet 1993 et la décision ministérielle d’approbation du plan d’aménagement général de ladite ville, par la suite, dans son mémoire en duplique, l’administration communale soutient que ladite juridiction serait incompétente pour connaître du recours introduit contre lesdites décisions, au motif que ces dernières n’affecteraient pas directement la situation individuelle de la demanderesse, pour ne créer aucun droit de façon directe ni aucun devoir subjectif dans son chef et que ses intérêts ne seraient pas non plus affectés de manière certaine et actuelle.

Dans ladite duplique, la Ville de Luxembourg conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir direct et actuel dans le chef de la demanderesse.

QUANT A LA COMPETENCE L’examen de la compétence de la juridiction saisie précédant les questions de recevabilité du recours ainsi que l’examen de son bien-fondé, le tribunal est en premier lieu appelé à se prononcer quant au moyen d’incompétence soulevé par la Ville de Luxembourg basé sur ce que les décisions attaquées n’affecteraient pas directement la situation individuelle de la demanderesse.

Or, force est de constater que ledit moyen ne constitue en réalité pas un moyen d’incompétence, mais d’irrecevabilité, respectivement qu’il n’est pas fondé en tant que moyen d’incompétence.

En effet, le tribunal administratif est compétent pour connaître des recours en annulation dirigés contre toute disposition à caractère réglementaire, peu importe que ledit acte administratif à caractère réglementaire est ou n’est pas de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes ou qu’il nécessite, en vue d’affecter immédiatement la situation de telle personne, la prise d’un acte administratif individuel d’exécution (trib. adm. 26 septembre 2001, n° 11993 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires, n° 4).

Il s’ensuit que la question sous-jacente audit moyen doit partant être examinée en principe lors de l’analyse de la recevabilité du recours, dans le cadre de l’appréciation de l’intérêt à agir.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS Dans ce contexte, il y a lieu d’examiner en premier lieu le moyen d’irrecevabilité ratione temporis du recours, par rapport auquel la partie demanderesse, au regard des derniers errements jurisprudentiels, s’est rapporté à la sagesse du tribunal.

Il est constant en cause que les décisions portant adoption des plans d’aménagement dans le cadre de la procédure définie dans la loi modifiée du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes sont de nature réglementaire, de sorte que le plan général d’aménagement de la Ville de Luxembourg constitue un acte administratif à caractère réglementaire. Il est également incontesté que l’adoption définitive du susdit plan général d’aménagement par délibération du conseil communal du 12 juillet 1993 se situe à une date à laquelle où un recours direct contre un tel acte n’existait pas encore.

Il importe encore d’examiner la situation de la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997.

Les décisions portant adoption des plans d’aménagement dans le cadre de la procédure définie dans la loi précitée du 12 juin 1937 étant de nature réglementaire, la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue le cas échéant après réclamation de particuliers, participe à ce caractère (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C, Pas. adm. 2002, V° Acte réglementaire, n°16, et autres références y citées).

Il se dégage en outre de la jurisprudence constante de la Cour administrative qu’il y a lieu de qualifier la décision du ministre rendue en la matière sur réclamation d’un particulier, d’acte de tutelle administrative et de l’examiner suivant le régime général des actes de tutelle et que les actes réglementaires pris avant l’entrée en vigueur de l’article 7 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel par voie d’action (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C, Pas. adm. 2002, V° Acte réglementaire, n°1, et autres références y citées) et qu’il en va de même des actes réglementaires pris avant le 1er janvier 1997 et approuvés par l’autorité de tutelle postérieurement à cette date (Cour adm. 18 mars 1999, n° 10020C, Pas. adm. 2002, V° Acte réglementaire, n°1, et autres références y citées).

Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal administratif, eu égard à la jurisprudence constante de la Cour administrative, est appelé à déclarer le recours en annulation irrecevable, tant en ce qu’il est dirigé contre le projet général d’aménagement de la Ville de Luxembourg, tel qu’il fut adopté définitivement quant à sa partie graphique par délibération du conseil communal du 12 juillet 1993 et contre la délibération elle-même, que contre la décision du ministre de l’Intérieur du 6 février 1997 rejetant la réclamation introduite par la demanderesse.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 11 décembre 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10000
Date de la décision : 11/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-11;10000 ?

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