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25/07/2013 | SéNéGAL | N°44

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, 25 juillet 2013, 44


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°44 du 25/7/13 J/276/RG/13 21/6/13 Administrative ------- -Henry Ah A (Mes Géni & Kébé, Mbaye Séne, Baboucar Cissé)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat)
PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye,
Sangoné Fall, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
31 juillet 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de

pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUP...

ARRET N°44 du 25/7/13 J/276/RG/13 21/6/13 Administrative ------- -Henry Ah A (Mes Géni & Kébé, Mbaye Séne, Baboucar Cissé)
Contre :
-Etat du Sénégal (Agent judiciaire de l’Etat)
PRESENTS :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye,
Sangoné Fall, Conseillers, RAPPORTEUR :
Fatou Habibatou Diallo, PARQUET GENERAL:
Abdourahmane Diouf; GREFFIER :
Cheikh Diop; AUDIENCE :
31 juillet 2013
MATIERE :
Administrative
RECOURS :
Excès de pouvoir REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ----------------- COUR SUPREME ----------------- CHAMBRE ADMINISTRATIVE ----------------- A l’audience publique spéciale du Mercredi trente et un juillet de l’an deux mille Treize ; ENTRE : - Ad Ah A, citoyen britannique né le … … … à …, Irlande, Royaume Uni, détenu à la Maison d’Arrêt de Reubeuss à Dakar, suivant mandats d’arrêt n°3369/08/09 du 19/02/13 et n°06/2013/MAE du 27/02/2013, décernés par les autorités italiennes, ayant pour conseils constitués : -Géni & Kébé, SCP d’Avocats, ayant ses bureaux 47, boulevard de la République, Dakar ; -Maitre Mbaye Séne, avocat à la cour, ayant ses bureaux 192, Avenue Ac Ai, Dakar ; -Maître Baboucar Cissé, avocat à la cour, ayant ses bureaux Immeuble Ae Aa Af, 1er étage, corniche ouest x rue 15, Médina, Dakar ; D’UNE PART ;
ET :
-L’Etat du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’Etat, en ses bureaux sis au Ministère de l’Economie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Dakar ; D’AUTRE PART ; Vu la requête enregistrée le 23 juillet 2013 au Greffe central de la Cour suprême, par laquelle Ad Ah A, ayant pour Conseils Ab Ag et Kébé, Maître Mbaye Séne et Maître Baboucar Cissé, avocats à la cour, sollicite l’annulation du décret n° 2013-910 du 1er juillet 2013, autorisant son extradition vers l’Italie ; Vu la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême ; Vu la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition ; Vu la loi n°2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux ; Vu les lettres du 24 juillet 2013 par lesquelles le Greffier en chef de la Cour suprême a communiqué la requête au Ministre de l’Intérieur et à l’Agent judiciaire de l’Etat conformément à l’article 73-3 de la loi organique sur la Cour suprême; Vu le reçu du 24 juillet 2013 attestant la consignation de l’amende ; Vu le mémoire en défense de l’Agent judiciaire de l’Etat reçu au greffe le 29 juillet 2013 ; Vu le décret attaqué ; Vu les autres pièces produites au dossier ; Ouï Madame Fatou Habibatou Diallo, Présidente de la Chambre en son rapport ; Ouï Monsieur Abdourahmane Diouf, Avocat général, en ses conclusions, tendant au rejet du recours ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que le requérant Ad Ah A, en transit à l’Aéroport de Dakar, a été arrêté le 3 avril 2013 par la Brigade de Police spéciale à la demande des Autorités judiciaires Italiennes, suite à deux mandats d’arrêt européens lancés contre lui pour les délits de blanchiment d’argent ; qu’à la suite de la demande d’extradition formulée par le Ministre Italien de la Justice, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar, ayant donné le 27 mai 2013 un avis favorable, le Président de la République a pris le 1er juillet 2013, le décret n°2013-910 autorisant son extradition vers l’Italie ; que ledit décret fait l’objet du présent recours articulé en deux moyens divisés en branches ; Sur le premier moyen en ses deux branches tiré du vice de forme, en ce que le Directeur de la Maison d’arrêt de Rebeuss lui a notifié le décret attaqué en français sans recours à un interprète, alors qu’il est citoyen Britannique ne parlant pas le français et en ce que la Chambre d’accusation, en donnant son avis, s’est attaché les services d’un interprète qui n’a pas prêté serment et dont l’identité n’a pas été précisée ; Considérant que d’une part, l’irrégularité de la notification qui n’a d’influence que sur le délai de recours, en l’espèce, ne saurait affecter la validité formelle du décret, et que d’autre part, la Chambre d’accusation ne s’est pas attachée les services d’un interprète pour rendre son avis ;
Qu’il s’ensuit que le moyen en ses deux branches est inopérant ; Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi :
- Sur la première branche du moyen tirée de la violation de la Constitution en son article 98, en ce que les mandats d’arrêt européens sur la base desquels il a été arrêté sont prévus et réglementés par la Décision-cadre du Conseil de l’Union Européenne du 13 juin 2002 qui est un Traité signé par des Etats Européens, Traité que le Sénégal n’a pas ratifié et qu’il ne peut appliquer, sauf à violer sa propre Constitution ; Considérant que le décret attaqué a été pris sur le fondement de la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition qui permet au Gouvernement Sénégalais de livrer sur leur demande, aux gouvernements étrangers, tout individu non sénégalais qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’Etat requérant ou d’une condamnation exécutoire prononcée par ses tribunaux, est trouvé sur le territoire de la République et non pour appliquer une décision-cadre du Conseil de l’Union Européenne qui prévoit et réglemente les mandats d’arrêt européens ;
Qu’ainsi, aucune violation de la Constitution n’étant établie, cette branche du moyen est mal fondée ; - Sur la deuxième branche du moyen tirée de la violation de l’article 1er de la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition qui ne peut s’appliquer en matière de blanchiment de capitaux, que, soit en l’absence de Traité ou de toute autre disposition en tenant lieu, soit, s’il existe un Traité ou des dispositions en tenant lieu, aux points que celui-ci n’aurait pas réglementés, alors qu’en l’espèce, il existe un Traité spécifique, la Directive n°07/2002 CM/UEMOA du 19 septembre 2002 incorporée dans le dispositif législatif sénégalais par la loi n°2004-09 du 6 février 2004 qui est une loi spéciale relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et qui, dérogeant sur le général est la seule à devoir être appliquée au cas d’espèce ; Considérant que l’article 1er de la loi n°71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition dispose : « En l’absence de Traités, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions de la présente loi qui s’applique également aux points qui n’auraient pas été expressément réglementés par les dits Traités » ; Considérant que la directive n°7/2002 CM/UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats-membres de l’UEMOA n’est pas un Traité relatif à l’extradition au sens de l’article 1er de la loi de 1971. Qu’il s’agit d’un objectif de l’Union transposé dans le droit national, par l’adoption de la loi uniforme n°2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux ; Considérant que cette loi instaure en ses articles 72 et suivants une procédure simplifiée, après avoir précisé en son article 71 sur les conditions de l’extradition pour les infractions visées dans la loi, qu’il n’est pas dérogé aux règles de droit commun de l’extradition, notamment celles relatives à la double incrimination ; qu’ainsi, elle renvoie à la loi de 1971 qui constitue le droit commun de l’extradition ; Considérant que l’Italie, Etat requérant et le Sénégal n’étant liés par aucune convention d’extradition, il ne peut donc être soutenu une quelconque violation de l’article 1er de la loi visée au moyen ; Qu’il échet en conséquence de déclarer mal fondée cette branche du moyen ; -Sur la troisième branche du moyen tirée de la violation des articles 72 et 74 de la Loi uniforme de 2004 relative au blanchiment de capitaux, en ce que :
- d’abord, la demande d’extradition devait être adressée au Procureur général près la Cour d’appel de Dakar ou près la Cour suprême, alors que quand il a été arrêté à l’Aéroport de Dakar, il n’y avait aucune demande préalable adressée à cette autorité, - ensuite la demande d’arrestation provisoire adressée à l’Etat requis doit indiquer l’existence d’une des pièces visées par l’article 72 et préciser l’intention d’envoyer une demande d’extradition, ce qui n’a pas été le cas au vu des dossiers sur la base desquels il a été entendu par le Procureur de la République et le Procureur général,
- enfin, conformément à l’article 74 al 5, l’arrestation provisoire devait prendre fin dans le délai de 20 jours, l’autorité compétente n’ayant pas été saisie de la demande d’extradition et des pièces mentionnées à l’article 72 jusqu’au 13 mai 2013, date de la lettre de saisine du Parquet général ; Considérant que Ad Ah A a fait l’objet d’une arrestation provisoire avant que la demande d’extradition du Ministre Italien de la Justice ne parvienne aux Autorités Sénégalaises ; Considérant que cette demande d’arrestation provisoire accompagnée, conformément à l’article 72 visé au moyen de mandats d’arrêt européens délivrés contre lui pour blanchiment d’argent a été adressée à l’Autorité judiciaire compétente, qui s’est révélée être le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar ; Considérant que si l’article 74 al 5 dispose que l’arrestation provisoire prend fin si, dans le délai de vingt jours, l’autorité compétente n’a pas été saisie de la demande d’extradition et des pièces mentionnées à l’article 72, la loi de 1971 aménage, plus spécifiquement que la loi uniforme de 2004, ce délai de vingt jours en tenant compte de la situation géographique du pays requérant ;
Qu’en effet, conformément à l’article 20 alinéa 2 de cette loi, le délai de vingt jours est porté à un mois, si le territoire du pays requérant est non limitrophe, et à deux mois si ce territoire est hors d’Afrique comme c’est le cas de l’Italie ;
Qu’en l’espèce donc, il n’y a aucune violation du délai prévu, le requérant ayant été arrêté provisoirement le 3 avril 2013 et le Parquet général saisi le 13 mai 2013 ;
Qu’il s’ensuit que cette branche du moyen n’est pas fondée ; - Sur la quatrième branche du moyen tirée de la violation de la Loi uniforme de 2004 relative au blanchiment de capitaux en son article 53, en ce qu’en vertu de ce texte, les demandes d’entraide judiciaires se rapportant aux infractions de blanchiment de capitaux ne peuvent s’appliquer qu’entre Etats de l’UEMOA, la seule condition pouvant permettre à un Etat-partie de l’UEMOA de faire droit à pareille demande provenant d’un Etat-tiers est que la Législation de cet Etat fasse obligation à celui-ci de donner suite aux demandes de même nature émanant de l’Etat du Sénégal ou d’un Etat-partie de l’UEMOA, alors que non seulement aucun Accord de coopération judiciaire ne lie l’Etat du Sénégal à l’Italie, mais les deux Etats n’ont aucun Accord d’extradition ou d’entraide judiciaire qui oblige l’Italie à faire droit à une demande d’extradition émanant du Sénégal, ce qui ressort expressément de la lettre du Ministre Italien de la justice demandant l’extradition ; Considérant que l’entraide judiciaire consiste en la recherche de preuves et en l’exécution de mesures de contrainte, en particulier lorsque les infractions résultant d’opérations susceptibles d’être qualifiées de blanchiment de capitaux présentent un caractère international ; Considérant qu’elle se distingue de la coopération internationale qui dépasse l’espace communautaire, ciblant les autres Etats à l’échelle internationale et qui consiste en l’échange d’informations, d’investigations et de procédure visant les mesures conservatoires ainsi que la confiscation des instruments et produits liés au blanchiment de capitaux, aux fins d’extradition et d’assistance technique mutuelle ;
Considérant que c’est sur la base de la coopération internationale que le Gouvernement sénégalais se fondant sur les dispositions de l’article 3 de la loi de 1971 a autorisé l’extradition ;
Qu’ainsi, l’article 53 visé au moyen qui ne s’applique pas en matière d’extradition ne saurait être violé ;
Qu’il s’ensuit que cette branche du moyen est mal fondée ; PAR CES MOTIFS :
Rejette la demande de Ad Ah A tendant à l’annulation du décret n°2013-910 du 1er juillet 2013 autorisant son extradition vers l’Italie ; Dit que l’amende consignée est acquise au Trésor public ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique spéciale tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Fatou Habibatou Diallo, Président de chambre, Président,
Abdoulaye Ndiaye,
Mahamadou Mansour Mbaye,
Waly Faye,
Sangoné Fall, Conseillers,
Cheikh Diop, Greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre, Président, les Conseillers et le Greffier.
Le Président de Chambre, Président : Fatou Habibatou Diallo Les Conseillers : Abdoulaye Ndiaye Mahamadou Mansour Mbaye Waly Faye Sangoné Fall
Le Greffier :
Cheikh Diop



Analyses

ÉTRANGERS – EXTRADITION – LOI APPLICABLE – CONDITIONS D’APPLICATION – DÉFAUT DE CONVENTION D’EXTRADITION – CAS – DÉTERMINATION.


Parties
Demandeurs : HENRY JAMES FITZSIMONS
Défendeurs : ÉTAT DU SÉNÉGAL

Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 25/07/2013
Date de l'import : 17/07/2023

Fonds documentaire ?: Bulletin des arrets


Numérotation
Numéro d'arrêt : 44
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2013-07-25;44 ?
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