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11/08/2009 | SéNéGAL | N°27

Sénégal | Arrêt n° 27 du 11 août 2009 (Aliou DIACK – Sophie MBODJ c/ – Mamadou Ciré DIALLO – Ministre Chargé de l’Intérieur )


Arrêt n° 27 du 11 août 2009



LA COUR SUPRÊME,

Après en avoir délibéré conformément à la loi :

SUR LA JONCTION :

Considérant que les requêtes introduites par Aliou Diack et Sophie Mbodj, candidats investis sur la
même liste et pour la même élection, tendent à l’infirmation de l’arrêt du 17 juin 2009, par lequel la
Cour d’Appel de Dakar a annulé les opérations électorales dans la communauté rurale de Mbane ;

Que les deux affaires présentant un lien de connexité certain, il échet, pour une bonne administra

tion
de la justice, d’ordonner leur jonction, afin de statuer sur le tout par un seul et même arrêt ;

SUR LA RECEVA...

Arrêt n° 27 du 11 août 2009



LA COUR SUPRÊME,

Après en avoir délibéré conformément à la loi :

SUR LA JONCTION :

Considérant que les requêtes introduites par Aliou Diack et Sophie Mbodj, candidats investis sur la
même liste et pour la même élection, tendent à l’infirmation de l’arrêt du 17 juin 2009, par lequel la
Cour d’Appel de Dakar a annulé les opérations électorales dans la communauté rurale de Mbane ;

Que les deux affaires présentant un lien de connexité certain, il échet, pour une bonne administration
de la justice, d’ordonner leur jonction, afin de statuer sur le tout par un seul et même arrêt ;

SUR LA RECEVABILITÉ DES REQUÊTES :

Considérant que le Ministre chargé de l’Intérieur, dans son mémoire en défense, a conclu à
l’irrecevabilité des requêtes et des moyens développés en violation de l’article 35 de la loi organique
n° 2008-35 du 8 août 2008 sur la Cour suprême qui dispose que la requête doit à peine d’irrecevabilité
indiquer les nom et domicile des parties, alors qu’en l’espèce, la requête de Aliou Diack ne le vise pas,
et celle de Sophie Mbodj ne mentionne le nom d’aucune des parties ;

Qu’il ajoute qu’il n’y a pas adéquation entre les moyens développés dans la requête de Sophie Mbodj
avec le cas d’ouverture invoqué, la partie de la décision critiquée et ce en quoi celle-ci encourt le
reproche allégué ;

Considérant que l’article 35 précité est relatif aux dispositions générales applicables aux procédures
devant les formations de la Cour suprême ;

Mais considérant que ce sont plutôt les dispositions spéciales relatives aux recours en matière
administrative qui régissent les contentieux des élections régionales, municipales et rurales,
notamment, celles de l’article 76-1 de la loi organique sur la Cour suprême au sens desquelles le
pourvoi est formé par une simple requête, exempte de tout formalisme particulier ;

Que s’agissant de la critique portée sur les moyens, il convient de faire observer que, conformément à
l’article 1
er
alinéa 2 de la loi organique sur la Cour suprême, le recours en matière de contentieux
électoral est formé dans les conditions prévues par le code électoral et desquelles il ressort que le juge
de l’élection est saisi de réclamations ;

Considérant qu’il résulte de l’article 76 précité que le recours est intenté par le Ministre chargé de
l’Intérieur et les parties intéressées dans le délai d’un mois qui court soit à compter de la date de la
notification de la décision attaquée, soit à l’expiration du délai imparti à la Cour d’Appel pour statuer ;

Considérant que l’arrêt attaqué a été notifié à Aliou Diack le 29 juin 2009 ; qu’ainsi le recours qu’il a
introduit le 10 juillet 2009 est recevable ;




Considérant que l’arrêt attaqué n’ayant pas été notifié à Sophie Mbodj, son recours introduit le 20
juillet 2009 est recevable ;


SUR LE FOND :

Considérant que la Cour d’Appel de Dakar a été saisie par Mamadou Ciré Diallo, candidat sur la liste
de la coalition SOPI 2009 pour les élections dans la communauté rurale de Mbane, de réclamations
fondées sur des griefs tirés de ce que d’une part, dans le bureau de vote de Diamaguène n° 1 et les
bureaux n° 1, 2, 3 et 4 de Ndombo, les électeurs ont voté avec des bulletins prévus pour les élections
régionales de Ziguinchor et que d’autre part, l’absence de sécurité dans le centre de vote de Ndombo a
empêché 2 025 électeurs inscrits de voter ;

Qu’elle a retenu que ces griefs justifiés ont gravement porté atteinte à la sincérité et à la régularité du
vote en annulant les opérations électorales dans lesdits bureaux ;

Que pour annuler les opérations électorales dans lesdits bureaux, elle a retenu que ces griefs justifiés
ont gravement porté atteinte à la légitimité et à la régularité du vote ;

Qu’au terme des rectifications qu’elle a opérées, la Cour d’Appel a procédé à un nouveau décompte
des voix en attribuant 36 sièges à la coalition SOPI 2009 et 10 sièges à la coalition Benno Siggil
Sénégal, inversant ainsi les résultats précédemment proclamés ;

SUR LES MOYENS REUNIS TIRES DE LA MAUVAISE APPRECIATION DES FAITS ET
DE L’INSUFFISANCE DES MOTIFS, SANS QU’IL SOIT BESOIN D’EXAMINER LES
AUTRES MOYENS DES REQUETES :

Sur la 1
ère
branche fondée sur l’insécurité dans les lieux de vote de Ndombo :

Considérant que lorsqu’il est saisi de réclamations tendant à l’annulation d’opérations électorales, le
juge de l’élection doit rechercher, d’abord, si les griefs sont avérés, et ensuite, s’ils ont pu influer sur
l’issue du scrutin ;

Considérant qu’en l’espèce, les mentions portées sur le procès-verbal de la commission
départementale de recensement des votes et faisant état de l’insécurité dans les lieux de vote de
Ndombo ne sont pas signées et n’émanent ni du président de la commission, ni de ses assesseurs,
puisqu’elles font état de propos tenus dans les bureaux de vote et rapportés par des mandataires qui ne
sont désignés que par et pour les partis politiques en lice ; à cela près que ces mentions ne figurent sur
aucun des procès-verbaux des bureaux de vote concernés ;

Considérant qu’il n’est pas sans intérêt de relever la manifestation d’une expression massive des
suffrages dans les bureaux incriminés, puisque sur 2 025 électeurs inscrits, 1 410 ont pu voter, soit
70 % du corps électoral contrairement à ce qu’a soutenu Mamadou Ciré Diallo ;

Considérant que, pour motiver sa décision, la Cour d’Appel a repris les allégations du requérant sans
rechercher si les faits articulés étaient établis ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs fondés sur des faits dont la matérialité et l’exactitude ne
sont pas avérés, la Cour d’Appel a privé sa décision de toute justification légale ;

Qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué encourt l’annulation ;




Sur la 2
ème
branche du moyen fondée sur l’utilisation des bulletins de vote de Ziguinchor :

Considérant que le juge de l’élection doit veiller au respect du choix de l’électeur, l’annulation du
vote de celui-ci qui ne peut être qu’exceptionnelle, doit être justifiée le cas échéant, par des motifs
indiscutables et faisant ressortir que son choix a été vicié par des irrégularités avérées ;

Considérant qu’il est allégué que des bulletins de vote prévus pour les élections régionales de
Ziguinchor ont été utilisés dans le bureau n° 1 de Diamaguène et dans d’autres bureaux de l’école de
Ndombo ;

Que ce fait serait constitutif d’un manquement dans l’organisation des opérations de vote imputable à
l’Administration ;

Considérant que l’arrêt attaqué, qui relève ledit manquement, n’indique pas cependant en quoi et
comment l’utilisation de ces bulletins a pu avoir une incidence sur le choix des électeurs, ou a pu les
induire en erreur ;

Considérant que, en effet, si le bulletin de vote porte la mention de la collectivité locale concernée, il
comporte aussi conformément aux dispositions de l’article R.48 du code électoral, le nom du parti ou
de la coalition de partis politiques en lice ;

Considérant que les sigles, couleurs et symboles des partis politiques ne varient pas d’une collectivité
locale à une autre, de sorte qu’aucune confusion n’est possible pour l’électeur dans l’identification du
bulletin de son choix ;

Considérant, en outre, que la mention de ce manquement n’a été portée sur aucun des procès verbaux
des bureaux de vote par les acteurs des opérations électorales ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans établir que ce fait a influé ou pu influer sur la régularité et la
sincérité du scrutin, la Cour d’Appel n’a pas légalement justifié sa décision par une motivation
adéquate et appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

– ordonne la jonction des procédures inscrites sous les n° J/175 et J/189/RG/2009 ;

– déclare recevables les recours de Aliou Diack et de Sophie Mbodj ;

– annule l’arrêt de la Cour d’Appel de Dakar du 17 juin 2009 ;

– Vu le procès-verbal de la commission départementale de recensement des votes de Dagana ;

– dit que les résultats du scrutin pour les élections locales dans la Communauté rurale de Mbane sont
les suivants :
• nombre d’électeurs inscrits :
12 695
• nombre de votants :
8 432
• nombre de bulletins nuls :
115
• nombre de suffrages valablement exprimés :
8 317
Ont obtenu :
scrutin majoritaire

- Benno Siggil Sénégal :
4 274 soit 23 sièges

- Coalition SOPI 2009 : 4 043 soit zéro siège

scrutin proportionnel

- Benno Siggil Sénégal :
4 274 soit 12 sièges

- Coalition SOPI 2009 : 4 043 soit 11 sièges


– ordonne la restitution des amendes consignées par les requérants ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, Chambre administrative, en son audience publique
tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :

Président : Fatou Habibatou DIALLO ; Conseillers : Mouhamadou NGOM, Mamadou Abdoulaye
DIOUF, Amadou Hamady DIALLO, Abdoulaye NDIAYE ; Avocat général : Abdourahmane DIOUF ;
Rapporteur : Fatou Habibatou DIALLO ; Avocat : Assane SECK ; Greffier : Cheikh DIOP.


Synthèse
Formation : chambre administrative
Numéro d'arrêt : 27
Date de la décision : 11/08/2009

Analyses

REQUÊTE – FORME – DISPOSITIONS APPLICABLES – DÉTERMINATION Le contentieux des élections régionales, municipales et rurales est régi par les dispositions de l’article 76-1 de la loi organique sur la Cour suprême au sens desquelles le pourvoi est formé par une simple requête, sans formalisme particulier. ÉLECTIONS – ÉLECTIONS RÉGIONALES, MUNICIPALES ET RURALES – CONTENTIEUX – CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ DU SCRUTIN – OFFICE DU JUGE – DÉTERMINATION Lorsqu’il est saisi de réclamations tendant à l’annulation d’opérations électorales, le juge de l’élection doit rechercher si les griefs sont avérés et s’ils ont pu influer sur l’issue du scrutin. Ainsi a privé sa décision de toute justification légale, une Cour d’Appel qui, sans rechercher si elles sont établies, se borne à reprendre les allégations d’insécurité dans un centre de vote qui aurait empêché des milliers d’électeurs de voter, alors que cela n’a été mentionné sur aucun des procès-verbaux des bureaux de vote concernés où il y a eu, au contraire, une expression massive des suffrages. ÉLECTIONS – ÉLECTIONS RÉGIONALES, MUNICIPALES ET RURALES – CONTENTIEUX – CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ DU SCRUTIN – OFFICE DU JUGE – DÉTERMINATION Le juge de l’élection est tenu de veiller au respect du choix de l’électeur, l’annulation du vote de celui-ci ne pouvant être qu’exceptionnelle et devant être justifiée par des motifs indiscutables faisant ressortir que son choix a été vicié par des irrégularités avérées. Ainsi n’a pas justifié sa décision, une Cour d’Appel qui, pour annuler les résultats de certains bureaux de vote, y relève l’utilisation de bulletins prévus pour une autre région, sans indiquer en quoi cela a pu avoir une incidence sur le choix des électeurs ou compromettre la régularité ou la sincérité du scrutin, alors que si le bulletin de vote porte la mention de la collectivité locale concernée, il comporte aussi, conformément aux dispositions de l’article R.48 du code électoral, le nom du parti ou de la coalition de partis politiques en lice et que les sigles, couleurs et symboles des partis politiques ne varient pas d’une collectivité locale à une autre, de sorte qu’aucune confusion n’est possible pour l’électeur dans l’identification du bulletin de son choix et qu’en outre, la mention de ce manquement n’a été portée sur aucun des procès-verbaux des bureaux de vote par les acteurs des opérations électorales.

ÉLECTIONS – ÉLECTIONS RÉGIONALES, MUNICIPALES ET RURALES – POURVOI – REQUÊTE – FORME – DISPOSITIONS APPLICABLES – DÉTERMINATION


Parties
Demandeurs : Aliou DIACK – Sophie MBODJ
Défendeurs : – Mamadou Ciré DIALLO – Ministre Chargé de l’Intérieur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme,.chambre.administrative;arret;2009-08-11;27 ?
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