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10/06/2009 | FRANCE | N°315764

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 10 juin 2009, 315764


Vu 1°), sous le n° 315764, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 24 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Régine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la commune de Saint-Joseph, d'une part, annulé le jugement du 22 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé la décision implicite née du silence gardé par le maire de la

commune sur sa demande en date du 3 mai 2003 tendant à son intégration ...

Vu 1°), sous le n° 315764, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 24 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Régine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la commune de Saint-Joseph, d'une part, annulé le jugement du 22 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé la décision implicite née du silence gardé par le maire de la commune sur sa demande en date du 3 mai 2003 tendant à son intégration dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques, d'autre part, rejeté sa demande d'annulation de cette décision présentée devant le tribunal administratif ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Saint-Joseph ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 315765, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 24 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Régine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la commune de Saint-Joseph, d'une part, annulé le jugement du 19 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé l'arrêté du 29 avril 2003 par lequel le maire de la commune l'a intégrée au grade d'agent territorial qualifié du patrimoine hors classe non titulaire ainsi que l'arrêté du 26 mai 2003 portant avancement d'échelon à l'ancienneté maximum à compter du 1er juin 2003, en tant qu'ils rejettent sa demande d'intégration dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques, d'autre part, rejeté ses demandes d'annulation de ces décisions présentées devant le tribunal administratif ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Saint-Joseph ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2009, présentée pour la commune de Saint-Joseph ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 ;

Vu le décret n° 91-841 du 2 septembre 1991 ;

Vu le décret n° 2001-898 du 28 septembre 2001 ;

Vu le décret n° 2002-348 du 13 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de Mme A et de la SCP Monod, Colin, avocat de la commune de Saint-Joseph,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de Mme A et à la SCP Monod, Colin, avocat de la commune de Saint-Joseph ;

Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique a fixé dans ses articles 4 et 5 les conditions selon lesquelles les agents non titulaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics recrutés après le 27 janvier 1984 et exerçant des fonctions correspondant à celles des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale peuvent, pendant une période de cinq ans, être directement intégrés dans ces cadres d'emplois ; que, notamment, le 3° de l'article 4 exige, pour ceux des candidats ne possédant pas les titres ou diplômes requis des candidats aux concours externes d'accès à ces cadres d'emplois, qu'ils aient obtenu la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence de ces titres ou diplômes, selon des modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat ; que, selon le 2° de l'article 5 de cette loi, dont les dispositions ont été précisées par l'article 5 du décret du 28 septembre 2001, les candidats à l'intégration directe doivent avoir été recrutés au plus tard le 14 mai 1996 lorsque, à la date de leur recrutement, les fonctions qu'ils exerçaient correspondaient à celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois pour lequel un seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 ;

Considérant que le décret du 13 mars 2002 pris pour l'application du 3° de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001, dans sa rédaction applicable en l'espèce, a créé des commissions de première instance et une commission nationale d'appel chargées de se prononcer par décision motivée sur les qualifications acquises par le candidat et leur adéquation aux missions du cadre d'emplois d'accueil ; que, si l'autorité territoriale dont relève l'agent qui sollicite son intégration directe en application des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 3 janvier 2001 peut compétemment refuser de faire droit à cette demande en se fondant notamment sur les conditions prévues au 2° de l'article 5 de cette loi, il n'appartient qu'aux commissions instituées par le décret du 13 mars 2002 d'apprécier le respect de la condition énoncée au 3° de l'article 4 de la même loi relative à l'expérience professionnelle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, alors agent non titulaire de la commune de Saint-Joseph, a présenté le 3 mai 2003 une demande d'intégration directe dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques, assortie d'une demande de reconnaissance de son expérience professionnelle ; qu'il ressort des écritures présentées par la commune de Saint-Joseph devant le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion et la cour administrative d'appel de Bordeaux que les décisions litigieuses du maire de Saint-Joseph sont fondées sur ce que celle-ci ne remplissait ni la condition tenant à l'exercice de fonctions correspondant à celles définies par le statut particulier du cadre d'emplois de conservateur territorial de bibliothèque, ni la condition de titres ou diplômes ou d'expérience professionnelle équivalente ;

Considérant que, pour faire droit aux requêtes d'appel de la commune de Saint-Joseph et rejeter les demandes de Mme A tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande du 3 mai 2003 et des arrêtés du maire de la commune des 29 avril et 26 mai 2003 en tant qu'ils refusent l'intégration de l'intéressée dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques, la cour administrative d'appel a estimé, contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal administratif, que Mme A ne remplissait pas la condition d'expérience professionnelle prévue au 3° de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001 et que le maire de Saint-Joseph avait donc pu, à bon droit, rejeter pour ce motif la demande d'intégration directe présentée par l'intéressée ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'appartenait pas à l'autorité territoriale, mais seulement à la commission de première instance instituée par le décret du 13 mars 2002, d'apprécier le respect de cette condition, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que ses arrêts doivent, pour ce motif, être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

Considérant, d'une part, que, si l'article 5 de la loi du 3 janvier 2001 fait obligation aux autorités territoriales d'adresser aux agents susceptibles de bénéficier de la procédure d'intégration directe qu'elle prévoit une proposition d'intégration dans les conditions prévues à l'article 6 du décret du 28 septembre 2001, ces dispositions ne sauraient faire obstacle à ce qu'un agent dont la demande d'intégration directe a été rejetée par l'autorité territoriale, sans que celle-ci lui ait préalablement adressé une proposition d'intégration, puisse régulièrement demander l'annulation de ce refus pour excès de pouvoir ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision définitive du maire de Saint-Joseph refusant à Mme A le bénéfice des dispositions de la loi du 3 janvier 2001 lui ait été régulièrement notifiée ; que, par suite, la commune de Saint-Joseph n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite de rejet dont l'intéressée demande l'annulation et les arrêtés des 29 avril et 26 mai 2003 en tant qu'ils rejettent sa demande d'intégration constitueraient des décisions confirmatives d'une décision de refus antérieure devenue définitive ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques : Les conservateurs territoriaux de bibliothèques constituent, organisent, enrichissent, évaluent et exploitent les collections de toute nature des bibliothèques. Ils sont responsables de ce patrimoine et du développement de la lecture publique. / Ils organisent l'accès du public aux collections et la diffusion des documents à des fins de recherche, d'information ou de culture. Les catalogues de collections sont établis sous leur responsabilité. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que Mme A, si elle a été initialement recrutée en 1989 pour exercer des fonctions d'employé administratif, a assuré, de 1994 à 1999, la direction par intérim de la bibliothèque municipale de la commune de Saint-Joseph, qui était d'ailleurs, à compter de l'année 1997, au nombre des bibliothèques autorisées, en application du cinquième alinéa de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991, à recruter plusieurs conservateurs territoriaux de bibliothèques ; qu'elle a, à ce titre, constitué et enrichi les collections au moyen des crédits d'acquisition qu'elle gérait, participé à la création d'un logiciel de gestion des ouvrages, encadré une vingtaine d'agents et organisé de nombreuses manifestations destinées à favoriser le développement de la lecture publique ; qu'ainsi, Mme A a exercé, avant la date de publication de l'arrêté portant ouverture du deuxième concours en application de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984, soit le 18 décembre 1997, des fonctions correspondant à celles définies par le statut particulier du cadre d'emplois des conservateurs territoriaux de bibliothèques ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le maire de Saint-Joseph ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance, à la supposer établie, que Mme A ne remplissait pas la condition d'expérience professionnelle prévue au 3° de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001 pour refuser de faire droit à sa demande d'intégration directe ; qu'il lui appartenait seulement, le cas échéant, de transmettre la demande de reconnaissance d'expérience professionnelle présentée par Mme A à la commission compétente ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Joseph n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a fait droit aux demandes d'annulation présentées par Mme A ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Joseph la somme de 3 000 euros à ce même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 mars 2008 sont annulés.

Article 2 : La requête d'appel de la commune de Saint-Joseph et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La commune de Saint-Joseph versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Régine A/nom et à la commune de Saint-Joseph.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 315764
Date de la décision : 10/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2009, n° 315764
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : BLANC ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:315764.20090610
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