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21/06/2007 | FRANCE | N°07DA00367

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 21 juin 2007, 07DA00367


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 12 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Fatah X, demeurant ..., par Me Boukhelifa, avocat ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0500595, en date du 11 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

6 janvier 2005 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;
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L. 76...

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2007 par télécopie et régularisée par la réception de l'original le 12 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour

M. Fatah X, demeurant ..., par Me Boukhelifa, avocat ; il demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0500595, en date du 11 janvier 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

6 janvier 2005 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision préfectorale est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en motivant sa décision sur la base de la seule condamnation pénale prononcée à son encontre, le préfet, puis le Tribunal en confirmant cette décision administrative, pour le même motif, ont entaché leur décision d'erreur de droit ; qu'en l'espèce, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en considérant que sa décision ne portait pas atteinte à sa vie familiale alors qu'il est marié et est devenu père d'un enfant français à l'entretien et à l'éducation duquel il participe ; qu'il est également proche de la première enfant de son épouse ; que la commission d'expulsion et le service pénitentiaire d'insertion et de probation du Val-de-Reuil ont, d'ailleurs, émis un avis défavorable à son expulsion ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré qu'eu égard à la gravité des faits commis et malgré ses efforts de réinsertion, le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation pour prononcer son expulsion pour menace grave à l'ordre public ; que ce Tribunal a, enfin, méconnu les dispositions de l'article L. 521-2 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mars 2007 portant clôture de l'instruction au 15 mai 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2007, présenté par le préfet de l'Eure qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il soutient que l'article L. 521-2 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu ; que son expulsion pour menace grave pour l'ordre public en application de l'article L. 521-1 du même code pouvait être prononcée dès lors qu'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ; que, compte tenu de son comportement délictueux au cours des deux années de vie en France, et compte tenu du caractère incertain de ses capacités de réadaptation sociale, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en retenant qu'il constituait à la date de sa décision une menace grave pour l'ordre public ; qu'au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 avril 2007 par télécopie, présenté pour M. Y, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen qu'il est désormais père de deux jeunes enfants de nationalité française ; que la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

M. Albert Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 modifiée du

2 novembre 1945 susvisée encore applicable à la date de la décision attaquée : « Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public » ; que le premier alinéa de l'article 25 de la même ordonnance dispose : « Sous réserve des dispositions de l'article 26, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

/ (…) » ; que, cependant, le dernier alinéa du même article énonce que : « Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application des articles 23 et 24 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans » ; qu'il est constant que M. X, de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une condamnation, devenue définitive, à une peine de quinze ans de réclusion criminelle ; qu'il entrait ainsi dans le cas où son expulsion pouvait être prononcée en application de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 nonobstant la circonstance qu'il était père d'une enfant française mineure ;

Considérant qu'il ressort de la décision attaquée et il n'est pas sérieusement contesté que le préfet de l'Eure s'est fondé non seulement sur la gravité des faits qui ont motivé la condamnation de M. X mais également sur l'ensemble du comportement de l'intéressé, et a notamment pris en considération les effets de sa mesure d'expulsion sur sa situation privée et familiale ; que, par suite, son arrêté qui n'est pas fondé sur la seule condamnation pénale infligée à M. X, n'est pas entaché d'erreur de droit ;

Considérant que, compte tenu, notamment, de la gravité des faits perpétrés par M. X le 24 juillet 1996 et sanctionnés par une condamnation à quinze ans de réclusion criminelle pour meurtre, de sa fuite en Allemagne pour échapper aux poursuites et des autres infractions commises par l'intéressé au cours de ses deux années de présence irrégulière en France entre 1994 et 1996, il ne ressort pas des pièces du dossier que, nonobstant un comportement correct en prison et l'amorce d'une vie familiale environ un an avant la décision attaquée, le préfet de l'Eure aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en retenant qu'à la date de sa décision, sa présence continuait de présenter une menace grave pour l'ordre public ;

Considérant que si M. X, qui s'est marié pendant son incarcération, le 16 avril 2004, est désormais père d'une enfant française, née de cette union, le 4 octobre 2004, et allègue être proche de la fille de son épouse née d'une précédente union, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés ainsi que de la durée et des conditions de son séjour en France avant son incarcération, que la mesure d'expulsion, en date du 6 janvier 2005, ait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, alors que l'ensemble de sa famille proche réside en Algérie et qu'il n'est ni établi ni même allégué que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine, une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que la circonstance qu'un second enfant du couple soit né postérieurement à la décision attaquée ainsi que, d'ailleurs, à l'exécution de la mesure d'expulsion elle-même, le 1er mars 2007, est sans influence sur l'appréciation de la situation familiale qui doit être opérée à la date de la décision attaquée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, compte tenu du motif tiré de ce que la présence de M. X constituait sur le sol national une menace grave pour l'ordre public et en l'absence d'éléments particuliers justifiant malgré cette menace la présence du père auprès de l'enfant compte tenu de l'intérêt supérieur de celui-ci, il n'apparaît pas que le préfet ait fait une appréciation erronée des faits existants à la date de sa décision, pour la mise en oeuvre des stipulations de l'article 3 de la convention de New-York ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fatah X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

N°07DA00367 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00367
Date de la décision : 21/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : BOUKHELIFA HACEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-06-21;07da00367 ?
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