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27/02/2012 | FRANCE | N°346540

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 27 février 2012, 346540


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 9 février et le 9 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS, dont le siège est 32, rue Raymond Losserand à Paris (75014) et l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE, dont le siège est Ferme de l'Etang à Feuguerolles-Bully (14320) ; la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT03276

-08NT03388 du 2 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'a...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 9 février et le 9 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS, dont le siège est 32, rue Raymond Losserand à Paris (75014) et l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE, dont le siège est Ferme de l'Etang à Feuguerolles-Bully (14320) ; la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT03276-08NT03388 du 2 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé l'article 1er du jugement n° 0700653, 0800482 du tribunal administratif de Caen en date du 17 octobre 2008 qui avait annulé la décision du 14 septembre 2006 du conseil d'administration de Réseau ferré de France procédant à la fermeture de la section de voie ferrée située entre Bagnoles-de-l'Orne et La Ferté-Macé et de la ligne située entre Briouze et La Ferté-Macé, d'autre part, rejeté la demande présentée par la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS devant le tribunal administratif de Caen et, enfin, rejeté la requête de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par Réseau ferré de France devant la cour administrative d'appel de Nantes, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 octobre 2008 en tant qu'il avait rejeté la demande de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE tendant à l'annulation de la décision du 23 novembre 2007 de Réseau ferré de France procédant au déclassement de la ligne reliant Briouze à Bagnoles-de-l'Orne, d'annuler cette décision du 23 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de Réseau ferré de France le versement, à chacune des requérantes, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;

Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;

Vu le décret n° 2006-1517 du 4 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de Me Brouchot, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de Réseau ferré de France,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Brouchot, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE et à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de Réseau ferré de France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 septembre 2006, Réseau ferré de France a procédé à la fermeture de la section de ligne reliant Bagnoles-de-l'Orne à La Ferté-Macé et de la ligne reliant Briouze à La Ferté-Macé ; que, par une décision du 23 novembre 2007, Réseau ferré de France a procédé au déclassement de cette ligne et de cette section de ligne ; que, par un jugement du 17 octobre 2008, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé, à la demande de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS, la décision de fermeture du 14 septembre 2006 et, d'autre part, rejeté la demande de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE tendant à l'annulation de la décision de déclassement du 23 novembre 2007 ; que, par un arrêt du 2 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, sur recours de Réseau ferré de France (RFF), annulé le jugement du tribunal administratif de Caen en tant qu'il avait annulé la décision de fermeture du 14 septembre 2006 et rejeté la demande présentée à cet égard par la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS devant le tribunal administratif et, d'autre part, rejeté la requête de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE relative à l'annulation de la décision de déclassement du 23 novembre 2007 ; que la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il a annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Caen avait annulé la décision du 14 septembre 2006 :

Considérant, d'une part, qu'en estimant, pour écarter les moyens critiquant les conditions dans lesquelles le conseil municipal de La Ferté-Macé a été appelé à émettre un avis sur le projet de décision de fermeture, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les membres du conseil municipal n'auraient pas été informés du contenu du dossier qui leur étaient soumis, ni qu'ils n'auraient pas été convoqués dans le délai de cinq jours francs prescrit par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, la cour a suffisamment motivé sa décision, eu égard à la teneur de l'argumentation qui lui était soumise, et s'est livrée à une appréciation souveraine des éléments versés au dossier, qui n'est pas entachée de dénaturation ;

Considérant, d'autre part, que la cour administrative d'appel a écarté le moyen tiré de l'absence de prise en compte par Réseau ferré de France des intérêts dont il a la charge, notamment la promotion du transfert ferroviaire, en relevant que le trafic avait cessé depuis 1941, 1991 ou 1992 selon les sections de ligne en cause ; qu'elle n'a, par suite, pas omis de se prononcer sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il a statué sur la décision de fermeture du 14 septembre 2006, que la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a annulé l'article 1er du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Caen avait annulé la décision de Réseau ferré de France en date du 14 septembre 2006 ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à l'annulation de la décision du 23 novembre 2007 :

Considérant que la cour administrative d'appel de Nantes a écarté comme inopérant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision de déclassement au regard des intérêts du service public du chemin de fer, en relevant que la décision contestée aurait pour seul objet de transférer les terrains servant d'emprise aux lignes litigieuses hors du domaine public ferroviaire afin d'en permettre le cas échéant la cession ; que, toutefois, eu égard aux incidences que peut avoir une décision de déclassement sur la politique des transports, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des intérêts du service public du chemin de fer peut être utilement soulevé à l'encontre d'une telle décision ; que, par suite, en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l'arrêt attaqué, que l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 novembre 2007 de Réseau ferré de France procédant au déclassement de la ligne reliant Bagnoles-de-l'Orne à La Ferté-Macé et de celle reliant Briouze à La Ferté-Macé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Nantes ayant annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 14 septembre 2006 portant fermeture de la ligne et de la section de ligne en cause, le moyen tiré de ce que la décision de déclassement devrait être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de fermeture ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article 31 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France prévoit que le conseil d'administration autorise les déclassements de lignes ou sections de ligne ; qu'aux termes de l'article 39 du même décret : Le président du conseil d'administration de RFF met en oeuvre la politique définie par le conseil d'administration et assure l'exécution des délibérations. (...) Le conseil d'administration peut déléguer à son président une partie de ses pouvoirs, sous réserve pour lui d'agir dans le cadre des programmes de l'établissement et dans la limite des crédits ouverts par ses budgets, et de rendre compte au conseil de sa gestion. (...) Le président du conseil d'administration peut déléguer une partie de ses compétences dans des conditions fixées par le conseil d'administration (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, par une décision du 29 novembre 2007 régulièrement publiée au bulletin officiel des actes de RFF, le conseil d'administration de RFF a délégué à son président le pouvoir de décider, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, du classement et du déclassement du domaine public de l'établissement de tout bien immobilier dont la valeur estimée ne dépasse pas 10 millions d'euros, y compris lorsque le déclassement emporte, au titre de l'article 49 du décret du 5 mai 1997, modification de la consistance du réseau ferré national et que, d'autre part, par une décision du 14 septembre 2007 régulièrement publiée au bulletin officiel des actes de RFF, le président du conseil d'administration de RFF a délégué sa signature au directeur du patrimoine de l'établissement pour toute décision de déclassement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le directeur du patrimoine de RFF n'aurait pas eu compétence pour signer la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 22 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France : (...) Le ministre chargé des transports dispose d'un délai de deux mois pour autoriser la fermeture et, le cas échéant, demander le maintien en place de la voie. Le silence gardé par le ministre chargé des transports pendant ce délai vaut autorisation pour RFF de fermer la ligne ou la section de ligne considérée. (...) ; qu'aux termes de l'article 49 du même décret : L'autorisation du ministre chargé des transports de fermer une ligne ou une section de ligne vaut autorisation de procéder au déclassement des biens constitutifs de l'infrastructure de cette ligne ou section de ligne à l'exception, en cas de demande de maintien de la voie, des biens nécessaires à ce maintien. / RFF peut procéder au déclassement dans les cinq ans de l'autorisation de fermeture. / Au-delà de ce délai, RFF consulte la région (...) ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 4 décembre 2006 modifiant le décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France et le décret du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national : L'absence d'opposition du ministre chargé des transports aux décisions de fermeture de ligne prise par RFF avant la date de publication du présent décret vaut autorisation de fermeture pour l'application de l'article 49 du décret du 5 mai 1997 (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé des transports a été informé du projet de fermeture de la ligne et de la section de ligne en cause et n'y a pas fait opposition dans le délai de deux mois ; que cette absence d'opposition valait autorisation de fermeture ainsi qu'autorisation de procéder au déclassement de cette ligne et de cette section de ligne ; que le déclassement étant intervenu moins de cinq ans après l'autorisation de fermeture, il pouvait intervenir sans nouvelle consultation de la région Basse-Normandie, qui avait a été consultée en 2005 sur le projet de fermeture et de retranchement ; que, par suite, les moyens tirés du défaut d'autorisation du ministre et du défaut de consultation de la région ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le trafic avait cessé depuis de nombreuses années sur la ligne et la section de ligne en cause et qu'aucune perspective de reprise n'était envisagée ; qu'ainsi, Réseau ferré de France a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prendre la décision de déclassement litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE la somme de 2 000 euros à verser à Réseau ferré de France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit versée à la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et à l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 décembre 2010 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.

Article 3 : L'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE versera à Réseau ferré de France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS et de l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS D'USAGERS DES TRANSPORTS, à l'ASSOCIATION RESEAU VERT DE BASSE-NORMANDIE et à Réseau ferré de France.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 346540
Date de la décision : 27/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2012, n° 346540
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: M. Aymeric Pontvianne
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : BROUCHOT ; SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER, MEIER-BOURDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:346540.20120227
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