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02/04/2010 | FRANCE | N°332015

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 02 avril 2010, 332015


Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Dominique C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision n° 322083 du 10 juillet 2009 par laquelle il a annulé le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il avait annulé l'élection de M. Jacques B et de M. Jean-René A en qualité de conseillers municipaux de la commune de Nogent-sur-Marne à l'issue du scrutin du 16 mars 2008 et les avait déclarés inéligibles ;
r>2°) d'annuler l'élection de M. Jacques B et de prononcer son inéligibilité ...

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Dominique C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision n° 322083 du 10 juillet 2009 par laquelle il a annulé le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il avait annulé l'élection de M. Jacques B et de M. Jean-René A en qualité de conseillers municipaux de la commune de Nogent-sur-Marne à l'issue du scrutin du 16 mars 2008 et les avait déclarés inéligibles ;

2°) d'annuler l'élection de M. Jacques B et de prononcer son inéligibilité pour un an ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. Dominique C et de Me Brouchot, avocat de M. Jacques B et de M. Jean-René A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. Dominique C et à Me Brouchot, avocat de M. Jacques B et de M. Jean-René A ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ;

Considérant que, saisi en appel d'une requête de M. B et de M. A dirigée contre le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, le tribunal avait, à la demande de M. C, annulé leur élection en qualité de conseillers municipaux de Nogent-sur-Marne à l'issue du scrutin du 16 mars 2008 et les avait déclarés inéligibles, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, par une décision du 10 juillet 2009, a annulé dans cette mesure le jugement attaqué ; que, toutefois, en se bornant à infirmer le motif retenu par les premiers juges pour rejeter les conclusions de M. C tendant à l'annulation de l'élection de M. B et à ce que ce dernier soit déclaré inéligible pour un an, le Conseil d'Etat a omis de se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le mérite des autres griefs soulevés par M. C qui, distincts dans sa requête de ceux tendant à l'annulation des opérations électorales sur lesquels le tribunal administratif avait définitivement statué par une partie de son jugement non frappée d'appel, mettaient en cause le financement de la campagne électorale conduite par M. B ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête présentée par M. C tendant à la rectification de l'erreur matérielle résultant de cette omission est recevable ; qu'il y a lieu, par suite, d'examiner, par l'effet dévolutif de l'appel, les autres griefs soulevés par M. C devant le tribunal administratif de Melun à l'appui de ses conclusions tendant à ce que M. B soit déclaré inéligible pour une durée d'un an aux fonctions de conseiller municipal ;

Considérant, d'une part, que le grief tiré de ce que le contrat de mise à disposition d'un local pour tenir la permanence électorale de M. B aurait été consenti par la société d'économie mixte de rénovation et de construction de Nogent (SAIEM), dont le président directeur général était M. A, en méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats est distinct du grief, articulé dans la demande initiale, tiré de ce que l'avantage résultant de cette mise à disposition aurait été sous-évalué ; que, par suite, le grief tiré de la rupture d'égalité, articulé par M. C dans le mémoire en réplique qu'il a adressé au tribunal administratif après l'expiration du délai du recours contentieux résultant de l'article R. 119 du code électoral, est irrecevable ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ;

Considérant qu'il ne résulte de l'instruction ni que M. B ait utilisé, dans le cadre de la campagne électorale, le véhicule de fonction mis à sa disposition, en qualité de maire, par la commune de Nogent-sur-Marne, ni qu'il ait eu recours, dans le même cadre, aux services du chauffeur de la mairie ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le directeur de cabinet du maire de Nogent-sur-Marne ou la directrice de la communication de la commune aient participé à la campagne électorale au titre de leurs fonctions ; qu'il n'est pas établi que M. B aurait utilisé, pour les besoins de la campagne électorale, des photographies appartenant à la commune sans acquitter de droits d'utilisation, ni que le site internet de la commune aurait renvoyé au site de la campagne de M. B ;

Considérant que si, au cours de la campagne électorale, a été mentionnée sur le site internet de la commune l'indication de ce que le tribunal administratif de Melun avait, au bénéfice de la commune, mis à la charge d'une candidate aux élections municipales sur une liste concurrente de celle conduite par M. B le paiement de frais de procédure liés à cette instance, une telle mise en ligne, que le tribunal administratif a d'ailleurs qualifié de manoeuvre en se prononçant sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales, ne peut être regardée, eu égard à son montant très limité, comme le don d'une personne morale prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réunion organisée par la mairie de Nogent avec des professionnels de la restauration, qui s'est tenue le 28 février 2008, avait pour objet d'examiner les conséquences sur l'exploitation des restaurants et débits de boissons de la commune de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif résultant du décret du 15 novembre 2006, dont les dispositions sont devenues applicables à ces établissements le 1er janvier 2008 ; que cette réunion d'information ne présente pas un caractère électoral ; que, par suite, les frais relatifs à son organisation ne présentent pas le caractère de dépenses électorales ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les frais de location d'une salle pour l'organisation d'une autre réunion, tenue le 19 février 2008, avec des professionnels de santé, ont été inscrits au compte de campagne de M. B ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 septembre 2008, le tribunal administratif de Melun a annulé son élection en qualité de conseiller municipal et l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du jour où ce jugement sera devenu définitif ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence de l'annulation du jugement sur ce point, de valider l'élection de M. B ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. C et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les motifs de la décision n° 322083 en date du 10 juillet 2009 du Conseil d'Etat statuant au contentieux sont complétés ainsi qu'il est indiqué par les motifs de la présente décision.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête en rectification d'erreur matérielle de M. C est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Dominique C, à M. Jacques B, à M. Jean-René A, à Mme Oummou E, à M. Stéphane D et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 332015
Date de la décision : 02/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Analyses

54-08-05-02 PROCÉDURE. VOIES DE RECOURS. RECOURS EN RECTIFICATION D'ERREUR MATÉRIELLE. RECEVABILITÉ. - EXISTENCE - JUGE D'APPEL AYANT OMIS, DANS LE CADRE DE L'EFFET DÉVOLUTIF DE L'APPEL, DE SE PRONONCER SUR LE MÉRITE DES AUTRES MOYENS SOULEVÉS DEVANT LES PREMIERS JUGES [RJ1].

54-08-05-02 Un recours en rectification d'erreur matérielle est recevable - et, en l'espèce, fondé - dans le cas où le juge d'appel (en l'espèce, le Conseil d'Etat) s'est borné à infirmer le motif retenu par les premiers juges sans se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le mérite des autres moyens - il s'agissait de griefs mettant en cause le financement de la campagne électorale, distincts de ceux venant à l'appui de la demande d'annulation des opérations électorales sur lesquels le tribunal administratif avait définitivement statué par une partie de son jugement non frappée d'appel.


Références :

[RJ1]

Cf. 14 février 1990, Epoux Gloviak et autres, n° 105159, p. 35.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2010, n° 332015
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Gargoullaud
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : BROUCHOT ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:332015.20100402
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