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08/04/2008 | FRANCE | N°07DA01909

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 08 avril 2008, 07DA01909


Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 17 décembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0702807, en date du 2 novembre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

29 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X et désignant la Tunisie comme pays de destination d

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Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2007 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par courrier original le 17 décembre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0702807, en date du 2 novembre 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté en date du

29 octobre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X et désignant la Tunisie comme pays de destination de cette mesure et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le président du Tribunal administratif de Rouen ;

Le préfet soutient que M. X est, de même que son épouse, en situation de séjour irrégulier sur le territoire français, les intéressés ayant vu la demande de régularisation de leur situation administrative qu'ils avaient formée rejetée par le préfet du Val-de-Marne le 11 octobre 2006 ; que même si leurs cinq enfants, âgés de 20, 19, 17, 9 et 4 ans, dont quatre sont nés en Tunisie, sont tous scolarisés en France et parlent le français, rien ne s'oppose, alors même que le dernier ne maîtriserait pas la langue de ce pays, à ce que ceux-ci poursuivent leur scolarité et leur vie familiale en Tunisie aux côtés de leurs parents ; que M. X ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale en Tunisie, où il a vécu avec son épouse jusqu'à l'âge de quarante ans ; que l'intéressé n'établit pas, en outre, que sa présence serait indispensable auprès de ses frères et soeurs, dont l'un réside régulièrement en France et les autres ont la nationalité française ; que, dans ces circonstances, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, le premier juge a estimé à tort que l'arrêté attaqué portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris et méconnaissait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 3 janvier 2008 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour fixe la clôture de l'instruction au 25 février 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2008, présenté pour M. Mohamed X, demeurant 4 rue Curie à Villeneuve-Saint-Georges (94190), par Me Essimi Zibi ; M. X conclut au rejet de la requête ; M. X soutient qu'il a suffisamment démontré, contrairement à ce qu'affirme le préfet, qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, alors que ses parents sont décédés et que ses frères et soeur, dont trois sont français, son épouse et ses enfants résident en France ; que le fait d'avoir vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de quarante ans ne permet pas à lui seul de présumer l'existence de telles attaches ; qu'il ne peut se réinstaller dans ce pays, où aucune personne, ni aucun endroit, n'est en mesure de l'accueillir avec sa famille ; que l'objection du préfet selon laquelle il ne démontrerait pas que sa présence serait indispensable auprès de ses frères et soeur est choquante, compte tenu de ses origines culturelles qui donnent une place importante aux relations familiales, et n'est pas pertinente ; que, dans ces circonstances, le premier juge a estimé à juste titre que l'arrêté attaqué portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaissait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- les observations de Me Essimi Zibi, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler, par le jugement attaqué en date du 2 novembre 2007, l'arrêté du 29 octobre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé de reconduire M. X, ressortissant tunisien, à la frontière, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a estimé que cet arrêté méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est entré en France, le 21 novembre 1999, sous couvert d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa de court séjour, vit avec son épouse, qui l'a rejoint au cours de l'année 2001, et leurs cinq enfants, dont trois sont mineurs ; que ces derniers, dont le plus jeune est né sur le territoire français le 14 avril 2003, sont tous scolarisés en France ; qu'il est, en outre, constant que les quatre frères et soeur de M. X demeurent habituellement sur le territoire français, deux frères et sa soeur étant de nationalité française et son dernier frère étant titulaire d'une carte de résidant valable jusqu'en 2013 ; qu'alors qu'il est établi, par ailleurs, par les pièces versées au dossier par M. X que sa mère, qui était veuve, est décédée en 2003, l'intéressé doit être regardé comme apportant suffisamment d'éléments permettant d'établir qu'il n'a pas conservé d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, nonobstant la circonstance qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans avant de se rendre en France ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée du séjour de M. X et malgré les conditions irrégulières de ce séjour et de celui de son épouse, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, dès lors, méconnu, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 29 octobre 2007 décidant que

M. X serait reconduit à la frontière et désignant le pays de destination de cette mesure et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à M. Mohamed X.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01909 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01909
Date de la décision : 08/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : CABINET ESSIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-04-08;07da01909 ?
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