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10/07/2006 | FRANCE | N°266071

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 10 juillet 2006, 266071


Vu 1°/, sous le n° 266071, la requête, enregistrée le 30 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0401050 du 18 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 6 février 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme C... A, épouse B, et fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présen

tée par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu 2...

Vu 1°/, sous le n° 266071, la requête, enregistrée le 30 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0401050 du 18 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 6 février 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mme C... A, épouse B, et fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu 2°/, sous le n° 266351, la requête et le mémoire, enregistrés les 29 mars 2004 et 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Husseyin A..., demeurant ... ; M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0401049 du 18 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 février 2004 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination, en tant qu'il n'a pas statué sur sa demande tendant à enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

…………………………………………………………………………

Vu 3°/, sous le n° 266352, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars 2004 et 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C... A épouse A..., demeurant ... ; Mme X... épouse A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0401050 du 18 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 février 2004 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination, en tant qu'il n'a pas statué sur sa demande tendant à enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Capron, avocat de Mme Y..., épouse A..., et de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. et Mme A...,

- les conclusions de Mme B... de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 266071, 266351 et 266352 sont relatives à la situation de M. et Mme A... ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 266071 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B, ressortissante turque, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 8 décembre 2003, de la décision du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire national ; que l'intéressée était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mme A, épouse B, a donné naissance à un enfant le 27 janvier 2004 et si le 6 février 2004, date de la mesure d'éloignement prise à son encontre, son enfant n'était âgé que de 10 jours, il ne ressort pas des pièces du dossier, faute d'éléments apportés par l'intéressée, que la mesure ait, pour ce seul motif, comporté des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ; que dès lors, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 6 février 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, au motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A, épouse B, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le Conseil d'Etat ;

Considérant que Mme A, épouse B, n'est entrée en France que dans le courant de l'année 2002, âgée de 19 ans révolus ; que son mari, également de nationalité turque, était en situation irrégulière ; que Mme A, épouse B, dont les jeunes enfants ne sont d'ailleurs pas encore scolarisés, peut poursuivre sa vie familiale dans son pays ; que, par suite, la mesure de reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont donc pas été méconnues ;

Considérant que si Mme A, épouse B, conteste la mesure distincte fixant le pays de destination de la reconduite, contenue à l'article 2 de la décision contestée, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations relatives aux risques de persécutions courus en cas de retour en Turquie ; que, d'ailleurs, par décisions du 5 novembre 2003 la commission de recours des réfugiés a confirmé les rejets de reconnaissance de la qualité de réfugié opposés par l'office français de protection des réfugiés à Mme A, épouse B, et à son époux ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la mesure fixant le pays de destination de la reconduite eu égard aux risques de persécutions courus doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 6 février 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A, épouse B, et fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur la requête n° 266352 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, en outre, omis de statuer sur les conclusions de Mme Y..., épouse Z... B tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces dernières ;

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions d'excès de pouvoir de Mme Y..., épouse A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de Mme Y..., épouse A..., tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour doivent être rejetées ;

Sur la requête n° 266351 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son jugement du 18 février 2004, par lequel il a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 6 février 2004 dont M. A... a fait l'objet, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces dernières ;

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en vertu des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, applicable à la date de l'arrêté litigieux, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911 ;2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 0401050 du 18 février 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A, épouse B et de se prononcer sur la situation de celui-ci dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mme Sakine Y..., épouse A..., à M. Husseyin A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 2006, n° 266071
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : CAPRON ; SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 10/07/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 266071
Numéro NOR : CETATEXT000008243252 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-07-10;266071 ?
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