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13/11/2007 | FRANCE | N°06DA01769

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 13 novembre 2007, 06DA01769


Vu la requête, enregistrée les 28 décembre 2006 et 10 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Evelyne X, demeurant ..., par Me Cotterelle ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401482 du 23 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui verser la somme de 30 500 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de la réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence liées à

la contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner ...

Vu la requête, enregistrée les 28 décembre 2006 et 10 janvier 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Evelyne X, demeurant ..., par Me Cotterelle ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401482 du 23 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui verser la somme de 30 500 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de la réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence liées à la contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 30 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence liées à la contamination par le virus de l'hépatite C ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Elle soutient que le tribunal administratif a rendu un jugement contraire à la loi en renversant la charge de la preuve ; que la preuve de l'imputabilité de la contamination est établie de manière certaine par le rapport de l'expert judiciaire ; qu'elle se trouve dans un état de stress permanent lié à la surveillance médicale à laquelle elle se trouve astreinte ; qu'elle est obligée par ailleurs de suivre un régime alimentaire contraignant et vit en permanence dans la crainte d'une évolution vers un état irrémédiable de sa santé ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai du 8 février 2007 accordant à Mme X l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2007, présenté pour l'Etablissement français du sang dont le siège est situé 20 avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93218), représenté par son président, par Me Schindler ; il conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à revoir dans de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice moral de la requérante ; il soutient que le Tribunal a fait une juste application de la loi ; qu'il n'est pas possible de faire la relation directe entre les transfusions et la contamination de Mme X ; qu'il existe une possibilité de transmission par voie percutanée et par voie nosocomiale ; qu'en ce qui concerne le préjudice, l'expert a conclu que la manifestation virale chez la requérante était asymptomatique et n'avait aucune incidence sur la vie de l'intéressée ;
Vu la mise en demeure adressée le 11 juin 2007 au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la mise en demeure adressée le 11 juin 2007 à la société Axa France IARD, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la mise en demeure adressée le 11 juin 2007 à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance en date du 28 août 2007 fixant la clôture d'instruction au 12 octobre 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 octobre 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'à la suite d'une sérologie pratiquée le 22 juillet 1994, Mme Evelyne X a été reconnue contaminée par le virus de l'hépatite C ; qu'elle soutient que cette contamination trouverait son origine dans les transfusions subies les 12 et 14 avril 1983 et le 18 septembre 1984 lors de deux séjours au centre hospitalier de Compiègne à la suite du grave accident de la circulation dont elle a été victime le 9 avril 1983 ; que Mme X relève appel du jugement du Tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande de mise en jeu de la responsabilité de l'Etablissement français du sang ;


Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion des produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur(…) » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données possibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits par les parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise prescrite par le juge des référés du tribunal administratif que Mme X a été admise au service des urgences du centre hospitalier de Compiègne le 9 avril 1983 à la suite d'un grave accident de la circulation lui ayant occasionné un traumatisme crânien, un traumatisme thoracique sans lésion osseuse, une fracture de la diaphyse de l'humérus droit, une fracture pluri-fragmentaire de l'extrémité supérieure du fémur droit ainsi qu'une entorse du ligament latéral externe du genou droit ; qu'elle a subi le 12 avril une première intervention chirurgicale aux fins de contention après réduction par plaque fémorale de la fracture pluri-fragmentaire de l'extrémité supérieure du fémur droit et le 14 avril une seconde intervention pour réduction de la fracture de la diaphyse humérale par deux vis transversales ainsi que la réduction du segment inférieur de la fracture par plaque ; qu'elle a bénéficié d'un apport sanguin à l'occasion de ces deux interventions ; qu'une nouvelle intervention nécessitant un autre apport sanguin a été rendue nécessaire le 18 septembre 1984 devant la persistance d'une pseudo-arthrose ayant entraîné une rupture de la plaque fémorale ; que le 27 mai 1986, Mme X a subi une dernière opération aux fins d'ablation du matériel de synthèse de la fracture ;

Considérant que l'expert relève que l'origine transfusionnelle de la contamination ne peut être exclue, tous les donneurs n'ayant pu être identifiés et l'origine nosocomiale du virus peut tout aussi bien être envisagée, notamment en raison du traitement orthopédique des fractures subies par Mme X en 1983 et 1984, mais aussi à raison du matériel endoscopique utilisé en novembre 1992 et mars 1994 pour établir le diagnostic de la maladie de Crohn dont elle souffre, à des périodes où le recours du matériel à usage unique n'était pas encore généralisé et où n'étaient pas mises en place les règles universelles de désinfection du matériel médico-chirurgical ; que la circonstance que l'un des lots de plasma frais congelé s'est révélé positif ne suffit pas à présumer de l'origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu du fait que le génotypage du virus du donneur n'a pu être déterminé et qu'un délai de près de dix ans, entrecoupé d'autres actes chirurgicaux, s'est écoulé entre les transfusions litigieuses et la révélation de la contamination ; que, dès lors, eu égard à ces différents séjours hospitaliers, interventions ou soins invasifs subis par la requérante et bien que le rapport ne relève pas qu'elle aurait été exposée à d'autres modes de contamination médicalement retenus et n'exclut pas l'hypothèse de la contamination transfusionnelle, Mme X n'apporte pas d'éléments permettant de présumer l'imputabilité de sa contamination par le virus de l'hépatite C aux transfusions qu'elle a reçues ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que l'Etablissement français du sang devait être tenu pour responsable, en sa qualité de gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine, de sa contamination par le virus de l'hépatite C, bien qu'il ne démontrât pas l'innocuité de tous ses produits ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;






DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme Evelyne X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Evelyne X, à l'Etablissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais, à la société AXA France IARD et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

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N°06DA01769


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : COTTERELLE VALERIE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Date de la décision : 13/11/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06DA01769
Numéro NOR : CETATEXT000018396176 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-11-13;06da01769 ?
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