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06/04/2001 | FRANCE | N°208672

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 06 avril 2001, 208672


Vu le recours, enregistré le 7 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 mars 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy :
1°) annulant le jugement du 2 juin 1994 du tribunal administratif de Lille, a accordé à M. Bernard Y... la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des

années 1984 à 1986 ;
2°) a condamné l'Etat à verser à M. Y... la ...

Vu le recours, enregistré le 7 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 mars 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy :
1°) annulant le jugement du 2 juin 1994 du tribunal administratif de Lille, a accordé à M. Bernard Y... la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 ;
2°) a condamné l'Etat à verser à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Y..., médecin généraliste, a constitué en 1981 une société civile de moyens avec l'un de ses confrères ; qu'il a, en 1982, fait construire à Lys-Lez-Lannoy (Nord) des locaux qu'il a ensuite loués à la société civile de moyens et qui abritent son cabinet médical et celui d'un autre médecin ; que M. Y..., qui est soumis au régime de la déclaration contrôlée, a déclaré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les loyers et les charges d'intérêts et d'amortissements afférents auxdits locaux ; qu'il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1984 à 1986, à l'issue de laquelle le vérificateur, estimant que leur location à la société civile de moyens impliquait l'appartenance de ces locaux au patrimoine personnel de M. Y..., a réintégré dans les bénéfices non commerciaux déclarés par le contribuable au titre des années 1984 à 1986 le montant des déductions opérées pour amortissements et intérêts d'emprunts et requalifié en revenus fonciers les loyers perçus au titre de l'année 1984 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du 2 juin 1994 du tribunal administratif de Lille, a accordé à M. Y... la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été, du fait de ces redressements, assujetti au titre des années 1984 à 1986 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif aux bénéfices des professions non commerciales : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..." ; qu'aux termes de l'article 99 du même code : "Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime ... doivent ... tenir un document appuyé sur des pièces justificatives correspondantes, comportant la date de l'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments" ;
Considérant que le fait pour un contribuable se livrant à une profession non commerciale de donner en location les locaux dont il est propriétaire, à son entreprise personnelle ou à une société par l'intermédiaire de laquelle ou au moyen de laquelle il exerce sa profession, fait obstacle à ce que les locaux en cause puissent être regardés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession non commerciale au sens de l'article 93 du code général des impôts ;

Considérant qu'en louant les locaux qu'il venait de faire construire à une société civile de moyens constituée avec un confrère, M. Y... doit être regardé comme ayant, de ce seul fait, rattaché la propriété des locaux en cause à son patrimoine personnel, nonobstant la circonstance qu'il exerçait sa profession dans une partie de ceux-ci et les avait inscrits sur le registre des immobilisations prévu par l'article 99 du code général des impôts ; qu'il suit de là qu'en jugeant que les locaux dont M. Y... est propriétaire à Lys-Lez-Lannoy faisaient partie de son patrimoine professionnel, dès lors qu'il y exerçait son activité et qu'il les avait inscrits sur le registre des immobilisations et, nonobstant la circonstance qu'il les avait donnés en location à une société civile de moyens, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application desdispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient à titre principal M. Y..., c'est à bon droit que l'administration a, d'une part, réintégré dans les bénéfices non commerciaux déclarés par M. Y..., les charges d'amortissement et d'intérêts afférentes aux locaux donnés en location à la société civile de moyens, d'autre part, requalifié en revenus fonciers les loyers perçus au moins au titre de l'année 1984 par le contribuable en tant que propriétaire bailleur ; que la requalification en revenus fonciers desdits loyers entraîne l'admission en déduction de ces revenus des charges de la propriété constituées par les intérêts des emprunts contractés pour la construction des locaux et qui sont déductibles en application du d) du 1° de l'article 31 du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 35 du code général des impôts : "I- Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après ... 5° Personnes qui donnent en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation" ; que si le requérant soutient, à titre subsidiaire, que le loyer déclaré par lui comme un revenu professionnel aurait dû être requalifié en revenu commercial et non en revenu foncier, il ne résulte pas de l'instruction qu'antérieurement au nouveau bail conclu le 10 mars 1988, la location à la société civile de moyens des locaux dont M. Y... est propriétaire au ... à Lys-Lez-Lannoy ait également porté sur le mobilier et le matériel nécessaires à leur exploitation ; qu'ainsi le contribuable n'entrait pas, à raison de cette location, dans les prévisions du 5° du I de l'article 35 du code général des impôts ; que M. Y... ne se prévaut par ailleurs pas utilement de la réponse ministérielle faite le 1er février 1957 à M. X..., député, et de la documentation administrative de base 4 F-1112, lesquelles ne comportent pas d'interprétation formelle du texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il n'a pas requalifié en charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu foncier net les charges d'intérêts déduites par M. Y... de ses bénéfices non commerciaux au titre de chacune des années 1984, 1985, 1986 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 30 mars 1999 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : Les bases d'imposition de M. Y... dans la catégorie des revenus fonciers sont réduites des sommes de 76 606 F, 63 348 F et 65 299 F au titre, respectivement des années 1984, 1985 et 1986.
Article 3 : Dans la mesure où la réduction mentionnée à l'article 2 serait susceptible d'entraîner une réduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu, il est accordé à M. Y... la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986.
Article 4 : L'Etat versera à M. Y... la somme de 10 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et le surplus des conclusions d'appel et devant le Conseil d'Etat de M. Y... sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Bernard Y....


Sens de l'arrêt : Annulation réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS FONCIERS - Champ d'application - Inclusion - Revenus tirés par un contribuable se livrant à une profession non commerciale de la location de locaux lui appartenant à son entreprise personnelle ou à une société par l'intermédiaire de laquelle ou au moyen de laquelle il exerce sa profession (1).

19-04-02-02, 19-04-02-05-01 Le fait pour un contribuable se livrant à une profession non commerciale de donner en location les locaux dont il est propriétaire à son entreprise personnelle ou à une société par l'intermédiaire de laquelle ou au moyen de laquelle il exerce sa profession, fait obstacle à ce que les locaux en cause puissent être regardés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession non commerciale au sens de l'article 93 du code général des impôts. Le professionnel qui a loué les locaux qu'il venait de faire construire à une société civile de moyens constituée avec un confrère doit être regardé comme ayant, de ce seul fait, rattaché la propriété des locaux en cause à son patrimoine personnel, nonobstant la circonstance qu'il exerçait sa profession dans une partie de ceux-ci et les avait inscrits sur le registre des immobilisations prévu par l'article 99 du code général des impôts. Réintégration dans les bénéfices non commerciaux du contribuable des charges d'amortissement et d'intérêts afférentes aux locaux donnés en location à la société civile de moyens et requalification en revenus fonciers des loyers perçus par le contribuable en tant que propriétaire bailleur.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - PERSONNES - PROFITS - ACTIVITES IMPOSABLES - Eléments d'actifs affectés à l'exercice de la profession - Notion - Absence - Locaux appartenant à un contribuable se livrant à une profession non commerciale qui les a donnés en location à son entreprise personnelle ou à une société par l'intermédiaire de laquelle ou au moyen de laquelle il exerce sa profession - Conséquence - Locaux rattachés au patrimoine personnel - Imposition dans la catégorie des revenus fonciers des loyers perçus par l'intéressé en tant que propriétaire bailleur (1).


Références :

CGI 93, 99, 31, 35
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Code de justice administrative L821-2, L761-1

1.

Rappr. sur le transfert de locaux professionnels dans le patrimoine personnel de leur propriétaire du fait de leur location à une association constituée avec un confrère, CE 1992-07-08, n° 89841, Santier, RJF 11/92, n° 1500


Publications
Proposition de citation: CE, 06 avr. 2001, n° 208672
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Sauron
Rapporteur public ?: Mme Mignon
Avocat(s) : DCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Origine de la décision
Formation : 8 / 3 ssr
Date de la décision : 06/04/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 208672
Numéro NOR : CETATEXT000008043470 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-04-06;208672 ?
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