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01/04/2010 | FRANCE | N°09DA00934

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 01 avril 2010, 09DA00934


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean A, demeurant ..., par Me Guillemin, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602024 du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Nord du 28 juin 2004 relatif à la fermeture hebdomadaire de certains commerces de détail ;

2°) d'annuler cette d

écision implicite de rejet ;

Il soutient que l'activité qu'il exerce n'entre ...

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean A, demeurant ..., par Me Guillemin, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602024 du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Nord du 28 juin 2004 relatif à la fermeture hebdomadaire de certains commerces de détail ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;

Il soutient que l'activité qu'il exerce n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral du 28 juin 2004, dès lors qu'il exploite un magasin à commerces multiples ; que l'arrêté du 28 juin 2004 est irrégulier en raison de l'absence de participation de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution aux négociations préalables à la signature de l'accord du 9 octobre 2003 et de son refus d'apposer postérieurement sa signature à cet accord ; que cet accord ne correspond pas à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui, dans le département, exercent à titre principal ou accessoire leur activité dans le domaine de la vente au détail de produits alimentaires ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en intervention volontaire, enregistré par télécopie le 27 octobre 2009 et régularisé par la production de l'original le 28 octobre 2009, présenté pour la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, représentée par son président exécutif et dont le siège est 12 rue d'Euler à Paris (75008), par Me Langlois, avocat ; la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution demande à la Cour d'admettre son intervention et de faire droit à la requête de M. A ; elle soutient que son intervention est recevable ; que l'arrêté du 28 juin 2004 méconnaît les modalités du repos hebdomadaire dans les commerces multiples à prédominance alimentaire, qui constituent une profession distincte pour l'application de l'article L. 3132-29 du code du travail ; que cet arrêté ne peut régir plusieurs professions à la fois ; que l'accord du 9 octobre 2003 ne prévoit pas les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés ; que la consultation des organisations représentatives est irrégulière ; qu'à supposer qu'un arrêté puisse viser un ensemble de professions, il ne peut régir chacune de celles-ci que si l'accord sur la base duquel l'arrêté a été pris exprime l'accord des organisations patronales et syndicales représentatives de chacune d'entre elles ; que la substitution d'une simple consultation à un accord constitue une violation manifeste de l'article L. 221-17 du code du travail ; que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution n'a pas été régulièrement consultée ; que l'arrêté du 28 juin 2004 ne peut régir les commerces multiples à prédominance alimentaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2009, présenté par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, qui demande à la Cour de rejeter la requête de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ; il fait valoir que le moyen tiré d'une incompatibilité avec l'article L. 3132-13, anciennement L. 221-16, du code du travail est sans fondement ; que la profession considérée est la vente au détail à titre exclusif ou principal de produits alimentaires ; que l'accord du 9 octobre 2003 prévoit les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire doit être accordé aux salariés ; que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a été consultée et a participé à la négociation préalable à cet accord ; que la jurisprudence n'exige pas l'accord de chacune des organisations ayant pris part à cette négociation ; que l'arrêté du 28 juin 2004 a pu valablement régir les commerces multiples à prédominance alimentaire ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 18 février 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Guillemin, avocat, pour M. A et Me Langlois, avocat, pour la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ;

Sur l'intervention de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution :

Considérant que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;

Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 221-17 du code du travail, ensuite repris à l'article R. 3132-29 de ce code : Lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une région déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel suivant un des modes prévus par les articles précédents, le préfet du département peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la région pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement ou de paiement sont automatisées ;

Considérant que, par application de ces dispositions et par arrêté du 28 juin 2004, pris à la suite d'un accord sur la fermeture hebdomadaire des commerces de détail alimentaires dans le département du Nord signé le 9 octobre 2003 par différents syndicats d'employeurs et de travailleurs, le préfet du Nord a décidé que, dans toutes les communes de ce département, seront fermés au public un jour par semaine les commerces sédentaires et non sédentaires de détail suivants : bouchers, charcutiers, traiteurs, charcutiers-traiteurs, bouchers chevalins, triperies, épiciers, glaciers, chocolatiers, commerçants en épicerie, fruits et légumes et alimentation générale, produits laitiers, pâtissiers, poissonniers, conchyliculture et que, pendant la journée de fermeture est interdite la vente au public de tous produits faisant l'objet du commerce de ces professions, exercé à titre principal ou accessoire, cette interdiction visant les magasins, rayons et dépôts, la vente sur la voie publique ainsi que la vente et la livraison au domicile de la clientèle, n'étant cependant pas visée l'activité commerciale exercée sur des marchés non permanents et non couverts ; que M. A, qui exploite à Monchecourt, dans le département du Nord, un commerce à l'enseigne 8 à huit , a, par lettre du 17 novembre 2005 reçue le 6 décembre suivant, demandé au préfet du Nord d'abroger cet arrêté du 28 juin 2004, qui présente un caractère réglementaire ; qu'il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur cette demande ;

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 221-17 du code du travail, les commerces spécialisés de vente au détail de produits alimentaires et les magasins à commerces multiples, ces derniers ayant essentiellement pour objet d'offrir simultanément à la clientèle la possibilité d'acheter les produits les plus divers sans qu'aucun ait un caractère accessoire au regard des autres, constituent des professions distinctes ; que les surfaces généralistes de vente au détail à dominante alimentaire sont au nombre des magasins à commerces multiples ;

Considérant que, s'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-17 du code du travail que l'arrêté préfectoral prescrivant la fermeture au public des établissements d'une profession déterminée ne peut intervenir que pour valider un accord particulier préalablement conclu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs de cette profession, cette règle, contrairement à ce qui est soutenu, ne fait pas obstacle à ce qu'un arrêté unique comprenne des dispositions applicables à plus d'une profession, dès l'instant que cet arrêté ne fait que valider soit des accords distincts intervenus pour chacune de ces professions, soit un accord unique intervenu entre syndicats d'employeurs et de travailleurs de plusieurs professions, pourvu toutefois que, dans l'un comme l'autre cas, ces accords ou cet accord expriment la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés dans chacune de ces professions ;

Considérant qu'eu égard à la généralité de ses termes comme à l'avant-dernier des motifs dont il est assorti, l'arrêté du préfet du Nord du 28 juin 2004 s'applique non seulement aux commerces spécialisés de vente au détail des produits alimentaires qu'il énumère, mais aussi aux magasins à commerces multiples comportant un rayon de produits vendus par les commerces mentionnés à son article 1er ; qu'en particulier, ainsi d'ailleurs que le fait valoir le défendeur lui-même, cet arrêté s'applique aux surfaces de vente généralistes au détail à dominante alimentaire, dans leurs parties consacrées à la vente de ces produits alimentaires ; qu'il en résulte que le champ d'application de cet arrêté couvre plus d'une profession, au sens de l'article L. 221-17 du code du travail ;

Considérant que, s'il ressort des pièces du dossier que l'accord susmentionné du 9 octobre 2003, qui est le seul au vu duquel a été pris l'arrêté du 28 juin 2004, correspond à la volonté de la majorité indiscutable des établissements relevant de la profession constituée par les commerces spécialisés de vente au détail de produits alimentaires, il n'en ressort en revanche pas que cet accord correspondrait à la volonté d'une majorité indiscutable des établissements relevant de la profession, distincte, constituée par les magasins à commerce multiples comportant des rayons de produits alimentaires, dès lors qu'aucune des organisations professionnelles d'employeurs signataires de cet accord ne représente les exploitants de magasins à commerces multiples comportant des rayons de produits alimentaires, ce que ne conteste d'ailleurs pas le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et ce, alors même que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, qui n'est pas au nombre des signataires de cet accord, a été régulièrement consultée ; qu'ainsi et en méconnaissance de l'article L. 221-17 du code du travail, l'arrêté du 28 juin 2004 réglemente, à tout le moins, l'exercice de deux professions distinctes, alors qu'il n'existe d'accord intersyndical que pour l'une d'entre elles ; que cet arrêté étant, pour cette raison, illégal dans son ensemble, le préfet était tenu de faire droit à la demande de M. A tendant à son abrogation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite en litige ; que cette décision doit être annulée ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution est admise.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 0602024 du 7 mai 2009 et la décision implicite née du silence gardé par le préfet du Nord sur la demande de M. A tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Nord du 28 juin 2004 portant obligation d'une fermeture hebdomadaire des commerces de détail alimentaire sont annulés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean A et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Copie sera adressée au préfet du Nord et à la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 09DA00934
Date de la décision : 01/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : F. SAUTIER - J. GUILLEMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-04-01;09da00934 ?
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