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25/07/2007 | FRANCE | N°289054

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, 289054


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY, dont le siège est 12 boulevard Docteur Chantemesse à Le Puy-en-Velay (43012) ; le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 24 janvier 2001 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant la demande de M. et Mme A tendant à ce que le cent

re hospitalier Emile-Roux du Puy-en-Velay soit condamné à réparer ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY, dont le siège est 12 boulevard Docteur Chantemesse à Le Puy-en-Velay (43012) ; le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 24 janvier 2001 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant la demande de M. et Mme A tendant à ce que le centre hospitalier Emile-Roux du Puy-en-Velay soit condamné à réparer les préjudices résultant de l'accouchement de leur enfant le 29 avril 1992 et mis à sa charge diverses sommes en réparation ;

2°) statuant comme juge du fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A à l'encontre du jugement du 24 janvier 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE PUY-EN-VELAY, de Me Foussard, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la HauteLoire et de Me Odent, avocat de M. Jean-Luc A et autres,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A, administrateurs légaux de leur fils Benoît, ont recherché la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY du fait des fautes qui auraient été commises le 19 avril 1992 lors de la naissance du jeune Benoît, qui a présenté à sa naissance des signes de détresse respiratoire, et dont l'état neurologique a nécessité, en raison d'une hématome du cervelet, une intervention en urgence réalisée au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne ; que si le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a écarté la responsabilité de l'établissement public, la cour administrative d'appel de Lyon a mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY, par la décision attaquée du 15 novembre 2005, diverses sommes en réparation du préjudice causé à Benoît A, ainsi qu'à ses parents et à ses deux soeurs ;

Sur le recours du CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport de l'expertise diligentée par le tribunal administratif, que le choix thérapeutique d'un accouchement par voie basse alors que l'enfant se présentait par le siège n'aurait pas dû être envisagé, eu égard au fait que la pelvimétrie réalisée à l'hôpital avait montré que le bassin de Mme A était rétréci au détroit supérieur ; que, par suite, les juges du fond ont pu estimer, sans dénaturer les faits ni commettre d'erreur de qualification juridique, qu'en procédant, malgré les indications disponibles, à un accouchement par voie naturelle plutôt que par césarienne, l'établissement public a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'ils ont exactement qualifié les faits en jugeant que les insuffisances du suivi libéral de Mme A, dont la gynécologue n'avait pas préalablement indiqué la conduite à tenir, n'étaient pas de nature à atténuer ou à exonérer l'établissement public de sa responsabilité, dès lors que les examens médicaux réalisés lors de l'admission de la parturiente au centre hospitalier avaient porté à la connaissance du médecin accoucheur les éléments lui permettant de décider de la méthode d'accouchement appropriée ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requête fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré qu'en l'absence d'autres explications possibles, la présence d'un hématome cérébral, dont la cause doit généralement être recherchée dans une malformation vasculaire, devait être regardée comme trouvant son origine dans les conditions d'accouchement de Mme A ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond que, d'une part, des difficultés sont apparues lors de l'expulsion de l'enfant, qui a requis plusieurs manipulations susceptibles d'avoir affecté sa tête, et que, d'autre part, les examens médicaux réalisés par la suite n'ont pas pu établir de malformation vasculaire qui aurait pu expliquer la lésion hémorragique survenue ; que, compte tenu de ce rapprochement, et malgré le fait que le type d'hématome en cause n'est pas normalement connu comme étant la conséquence d'un accouchement par le siège, la cour administrative d'appel a pu juger, par une appréciation des faits souveraine et exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de qualification juridique, qu'un lien direct et certain de causalité était établi entre les conditions de la naissance de l'enfant et les troubles dont il est resté atteint et par suite condamner le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY à réparer les préjudices de la victime et de sa famille ;

Considérant, enfin, que les juges du fond n'ont pas commis d'erreur de droit en ne déduisant pas la somme de 71 905,75 euros déboursée de juillet 1996 à décembre 2001 par la caisse primaire d'assurance maladie pour la prise en charge des soins et des frais spécialisés d'éducation de la somme de 80 000 euros qu'ils ont allouée à Benoît A en réparation de son préjudice personnel ;

Sur le recours incident présenté par les consorts A :

Considérant que c'est par une appréciation souverain exempte de dénaturation que les juges du fond ont fixé à 80 000 euros la somme mise à la charge du requérant pour réparer le préjudice propre de Benoît A ; qu'en revanche, ils ont dénaturé les pièces du dossier qui leur était soumis en écartant comme non justifiée la demande de Mme A de réparation d'un préjudice professionnel alors qu'elle avait produit une attestation de la responsable des ressources humaines de l'entreprise qui l'employait précisant les dates de ses congés parental et sans solde consécutifs à la naissance de son fils, ainsi que des bulletins de salaire ; que l'arrêt du 15 novembre 2005 doit ainsi être annulé en tant qu'il a écarté la réparation du préjudice professionnel de Mme Granouillet ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A justifie d'un préjudice professionnel résultant des congés qu'elle a dû prendre pour s'occuper de son enfant pour les périodes du 7 décembre 1992 au 30 mars 1995 et du 1er avril 1995 au 31 mars 1996 ; qu'eu égard aux salaires que l'intéressée percevait avant sa mise en congé, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 27 000 euros ; que cette somme portera intérêts à compter du 26 avril 1996 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY la somme respective de 3 000 euros demandée, d'une part, par M. et Mme A et, d'autre part, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 novembre 2005 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il a écarté la réparation du préjudice professionnel de Mme A.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY versera à Mme A la somme de 27 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 26 avril 1996.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY versera en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. et à Mme Jean-Luc A la somme totale de 3 000 euros et la somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire.

Article 4 : Les conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Lyon par M. et Mme A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DU PUY-EN-VELAY, à M. et à Mme Jean-Luc A, à Mlle Céline A, à Mlle Blandine A, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 289054
Date de la décision : 25/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2007, n° 289054
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Olson Terry
Avocat(s) : LE PRADO ; FOUSSARD ; ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:289054.20070725
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