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08/12/1995 | FRANCE | N°138873

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 08 décembre 1995, 138873


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 2 juillet 1992 et le 28 octobre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société "Sogéa", dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 avril 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 14 décembre 1988 rejetant sa demande tendant à ce que la communauté urbaine du Mans soit condamnée à lui verser deux

indemnités, l'une pour la liquidation du marché passé le 3 août 1976 pou...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 2 juillet 1992 et le 28 octobre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société "Sogéa", dont le siège est ... ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 avril 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 14 décembre 1988 rejetant sa demande tendant à ce que la communauté urbaine du Mans soit condamnée à lui verser deux indemnités, l'une pour la liquidation du marché passé le 3 août 1976 pour la réalisation d'un ouvrage d'évacuation des eaux pluviales sur le territoire de la commune du Mans, l'autre en réparation du préjudice subi par elle du fait de la résiliation de ce marché et, d'autre part, l'a condamnée à verser à la communauté urbaine du Mans une somme de 5 000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société "Sogéa", et de la SCP Gatineau, avocat de la communauté urbaine du Mans,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes ... toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai ..., les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue par : " ... Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance" ;
Considérant que la communauté urbaine du Mans a passé avec la société Eau et Assainissement, le 3 août 1976, un marché pour la réalisation d'un ouvrage d'évacuation des eaux pluviales sur le territoire de la commune du Mans ; qu'après qu'un ordre de service établi le 18 avril 1979 eut enjoint à la société de reprendre les travaux, qui avaient été interrompus en raison de difficultés inhérentes à l'état du sous-sol, le maître de l'ouvrage a fait connaître à son cocontractant, le 22 juin suivant, sa décision de résilier le marché ; que, le 28 juin 1979, la société a demandé au président du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs alors en vigueur, de désigner un expert pour faire constater les travaux qu'elle avait effectués en exécution de l'ordre de service susmentionné ainsi que les moyens et techniques mis en oeuvre à cette fin ; que ladite demande présentait le caractère d'un recours relatif au fait générateur, à l'existence ou au montant de la créance que la société estimait détenir envers la communauté urbaine en raison de l'exécution des travaux et de la résiliation du marché ; que, par suite, en se fondant, pour rejeter la demande d'indemnité formée contre la communauté urbaine par la société "Sogéa", substituée dans les droits et obligations de la Société Eau et Assainissement, sur ce que la demande de constat d'urgence introduite auprès du président du tribunal administratif ne pouvait, "eu égard à la nature même de cette procédure, tendre à la mise en jeu de la responsabilité de la collectivité publique" et donc interrompre le cours de la prescription instituée par la loi du 31 décembre 1968, la cour administrative d'appel de Nantes a méconnu les dispositions précitées de l'article 2 de cette loi ;
Considérant que, si la communauté urbaine du Mans soutient que la demande de la société Eau et Assainissement aurait été introduite devant le tribunal administratif plus de six mois après la notification du décompte général à la société et aurait ainsi été irrecevable en vertu des dispositions de l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant sur un pourvoi en cassation, de substituer un tel motif dont l'examen ne serait pas exclusif de toute appréciation de fait, au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué ;

Considérant que, si la communauté urbaine du Mans soutient aussi que la demande d'indemnité aurait également été irrecevable faute d'avoir été précédée d'une réclamation auprès du maître de l'ouvrage dans les conditions prévues aux articles 50-11 et 50-21 du cahier des clauses administratives générales, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'a pas été invoqué devant les juges du fond et ne peut donc justifier une substitution au motif énoncé par la cour administrative d'appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société "Sogéa" est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société "Sogéa", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer la somme que la communauté urbaine du Mans demande pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 30 avril 1992 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions de la communauté urbaine du Mans tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société "Sogéa", à la communauté urbaine du Mans et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 138873
Date de la décision : 08/12/1995
Sens de l'arrêt : Annulation renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - INTERRUPTION DU COURS DU DELAI - Interruption par une demande de constat d'urgence - Existence en l'espèce (1).

18-04-02-05, 39-04-02-03, 54-03-02 Maître de l'ouvrage enjoignant à une entreprise, par un ordre de service, de reprendre les travaux qui avaient été interrompus en raison de difficultés liées à l'état du sous-sol, puis procédant à la résiliation du marché. En demandant au président du tribunal administratif, sur le fondement de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs alors en vigueur, de désigner un expert pour faire constater les travaux qu'elle avait effectués, la société a formé un recours relatif au fait générateur, à l'existence ou au montant de la créance qu'elle estimait détenir envers le maître de l'ouvrage en raison de l'exécution des travaux et de la résiliation du marché. Ainsi, en estimant que la demande de constat d'urgence n'avait pas pu, eu égard à la nature de cette procédure, interrompre le cours de la prescription instituée par la loi du 31 décembre 1968, la cour administrative d'appel a méconnu les dispositions de l'article 2 de ladite loi.

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE - Prescription quadriennale (loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968) - Interruption par une demande de constat d'urgence portant sur les travaux effectués à la date de la résiliation (1).

- RJ1 PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - CONSTAT D'URGENCE - Demande tendant à la constatation des travaux effectués par une entreprise avant la résiliation du marché - Demande présentant le caractère d'un recours interrompant la prescription quadriennale (article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968) (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs R104
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Inf. CAA de Nantes, 1992-04-30, Société Sogéa, p. 523


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 1995, n° 138873
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: Mlle Lagumina
Rapporteur public ?: M. Chantepy
Avocat(s) : Me Choucroy, SCP Gatineau, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:138873.19951208
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