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01/03/1989 | FRANCE | N°67255

France | France, Conseil d'État, 5 /10 ssr, 01 mars 1989, 67255


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X..., demeurant 6, place de la Fontaine à Montaut, Nay-Bourdettes (64800), agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur Cédric, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Pau et du centre hospitalier régional de Toulouse au paiement de

diverses indemnités en réparation du préjudice résultant de brû...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1985 et 29 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X..., demeurant 6, place de la Fontaine à Montaut, Nay-Bourdettes (64800), agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur Cédric, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 mai 1984, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Pau et du centre hospitalier régional de Toulouse au paiement de diverses indemnités en réparation du préjudice résultant de brûlures constatées sur leur fils Cédric, à la suite d'une opération chirurgicale, brûlures ayant entraîné l'amputation partielle de la deuxième phalange de son pouce droit ;
2°) condamne le centre hospitalier de Pau et le centre hospitalier régional de Toulouse au paiement d'une indemnité de 70 000 F, pour le préjudice subi par leur fils Cédric et de 7 500 F pour leur préjudice personnel, avec les intérêts de droit à compter de leur demande et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. et Mme X..., de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat du Centre hospitalier régional de Toulouse et de Me Baraduc-Benabent, avocat du Centre hospitalier de Pau,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le jeune Cédric X... est né prématuré, le 10 juillet 1981, à 23 h 50 à la clinique "les Cigognes" à Pau ; que présentant de graves difficultés respiratoires, il fut admis au centre hospitalier de Pau, où il est arrivé le 11 juillet à 0 h 45 transporté en incubateur par le service d'aide médicale urgente (S.A.M.U.) dépendant dudit centre ; qu'au vu des examens et radiographies qui y furent effectués, une importante hernie diaphragmatique fut diagnostiquée, imposant une intervention chirurgicale d'urgence ; que, dirigé sur le centre hospitalier régional Purpan de Toulouse, il y fut conduit par le S.A.M.U. de Pau, accompagné jusqu'au bloc opératoire par l'interne qui avait reçu et examiné l'enfant à l'hôpital de Pau ; qu'à la sortie de la salle d'opération où l'intervention fut réalisée avec succès, des brûlures ont été constatées qui ont nécessité, le 18 août, l'amputation de la seconde phalange du pouce droit du jeune Cédric ; que l'action de M. et Mme X..., dirigée tant contre le centre hospitalier de Pau que contre le centre hospitalier régional de Toulouse, tend à la réparation des conséquences dommageables de ces brûlures ;
Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'examen du nouveau né auquel il a été procédé au centre hospitalier régional de Toulouse, lors de son admission dans cet établissement, aucune trace de brûlures n'a été constatée ; que même si, eu égard à la nature des troubles généraux dont souffrait l'enfant, des brûlures pouvaient ne pas se manifester immédiatement par des réactions cutanées facilement décelables, l'absence d'observation de trace de brûlure sur plusieurs parties du corps avant une intervention chirurgicale qui était nécessairement précédée d'un examen attentif du patient, suffit à établir que l'accident dont il a été victime n'a pas été provoqué par les soins qu'il avait reçus avant son arrivée à Toulouse et notamment au centre hospitalier de Pau ou par le matériel employé dans cet hôpital ou dans l'ambulance qui l'a transporté à Toulouse ; que c'est dès lors à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions dirigées contre cet établissement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les brûlures qui ont été constatées lorsque l'enfant a été examiné après son opération, n'ont pu être occasionnées que par le matériel du centre hospitalier régional de Toulouse soit lors de l'examen ayant précédé l'intervention soit lors de celle-ci ; que l'existence de ces brûlures révèle d'elle-même une faute dans le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager la responsabilité de ce centre hospitalier régional ; que M. et Mme X... sont par suite fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs conclusions dirigées contre le centre hospitalier régional de Toulouse ;
Sur le montant de l'indemnité :
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise ordonnée en première instance que la brûlure du pouce droit a provoqué l'amputation partielle de ce doigt, au niveau de la deuxième phalange ; que la cicatrisation a été bonne et que l'enfant, qui conserve une bonne force de serrage au moyen du pouce, peut se servir normalement de sa main, notamment pour l'utilisation d'un crayon ; qu'il conserve des cicatrices de brûlure au niveau de la face interne du genou et du deuxième orteil du pied droit ; que son incapacité permanente est évaluée à 8 % et qu'il a subi des souffrances physiques et un préjudice esthétique qualifié de modéré ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ce préjudice en allouant à la victime une indemnté de 15 000 F ;
Considérant que M. et Mme X... ont personnellement subi du fait de l'accident dont leur enfant a été victime, des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être évalués à 1 500 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. et Mme X... ont droit aux intérêts de la somme de 16 500 F à compter du jour de la réception par le directeur du centre hospitalier de Toulouse de leur demande d'indemnité en date du 23 février 1983 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 28 mars 1985 et 16 septembre 1986 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 1984 en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme X... contre le centre hospitalier régional de Toulouse et l'article 2 du même jugement, sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier régional de Toulouse est condamné à verser à M. et Mme X... en qualité de représentants de leur fils mineur, la somme de 15 000 F et à titre personnel, la somme de 1 500 F. Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par le directeur du centre hospitalier régional de Toulouse de leur demande d'indemnité, du 23 février 1983. Les intérêts échus les 28 mars 1985 et 16 septembre 1986 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge du centre hospitalier régional de Toulouse.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X..., au centre hospitalier régional de Toulouse, au centre hospitalier de Pau, à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule et au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 5 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 67255
Date de la décision : 01/03/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-05 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MAUVAISE UTILISATION ET DEFECTUOSITE DU MATERIEL -Faute révélée par l'existence même de la blessure (brûlure) causée par du matériel de l'hôpital.

60-02-01-01-01-01-05 Il résulte de l'instruction que les brûlures qui ont été constatées lorsque le jeune P. a été examiné après son opération, n'ont pu être occasionnées que par le matériel du centre hospitalier régional de Toulouse soit lors de l'examen ayant précédé l'intervention soit lors de celle-ci. L'existence de ces brûlures révèle d'elle-même une faute dans le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager la responsabilité de ce centre hospitalier régional.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 1989, n° 67255
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: Mme Maugüe
Rapporteur public ?: M. Fornacciari
Avocat(s) : Me Copper-Royer, S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, Me Baraduc-Benadent, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1989:67255.19890301
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