La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2002 | FRANCE | N°241187

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 18 décembre 2002, 241187


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 novembre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la société Signes, a annulé, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de concours de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet l'étude et la réalisation des travaux de restaurat

ion du Parc des Buttes Chaumont à Paris ;
2°) de rejeter les demandes...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 novembre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la société Signes, a annulé, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la procédure de concours de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet l'étude et la réalisation des travaux de restauration du Parc des Buttes Chaumont à Paris ;
2°) de rejeter les demandes présentées au juge des référés par la société Signes ;
3°) de condamner la société Signes à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 92/50/CEE du Conseil portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, ensemble la directive n° 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1997 qui l'a modifiée ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré présentée pour la VILLE DE PARIS ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bouchez, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Signes et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif ( ...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement ( ...)./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations" ;
Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication le 17 mars 2000, la VILLE DE PARIS a lancé un concours en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet l'étude et la réalisation des travaux de restauration du parc des Buttes-Chaumont ; que, saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Signes, qui avait participé à ce concours, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la procédure, par une ordonnance du 30 novembre 2001 dont la VILLE DE PARIS demande l'annulation ;
Sur l'intervention de Mme Laurence X... :
Considérant que Mme X..., dont l'équipe a été déclarée lauréate du concours, a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur le pourvoi de la VILLE DE PARIS :
Considérant qu'aux termes de l'article 17-1 de la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 modifiée portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services : "Les avis sont établis conformément aux modèles qui figurent aux annexes III et IV et précisent les renseignements qui y sont demandés" ; que l'annexe IV, relative aux avis de concours, prévoit que ceux-ci indiquent : "Le cas échéant, (les) noms des membres du jury qui ont été sélectionnés" ; que, nonobstant le fait que les règles nationales applicables à la procédure litigieuse ne prévoyaient pas une telle mention dans les avis de concours, la VILLE DE PARIS était tenue d'assurer une publicité de ses intentions compatible, sur ce point, avec les objectifs de la directive ;
Considérant, toutefois, qu'en se fondant sur l'omission dans l'avis de concours de la mention des noms des membres du jury ainsi exigée par la directive du 18 juin 1992 sans rechercher si ces membres avaient été désignés à la date de l'envoi à la publication de l'avis de concours, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que la VILLE DE PARIS est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris ;
Considérant que la requête présentée par la société Signes devant le juge du référé tendait, à titre principal, à ce que le groupement conduit par Mme X... soit mis hors concours et, à titre subsidiaire, à ce que la procédure du concours soit annulée ;
Sur les conclusions tendant à ce que Mme X... soit mise hors concours ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que si Mme X..., interrogée en juillet 2001 par le magazine Télérama sur les lieux de Paris qu'elle aime particulièrement, en sa qualité de paysagiste, a mentionné et brièvement décrit le parc des Buttes-Chaumont, elle n'a donné aucune information relative à sa participation au concours litigieux ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de telles conclusions au regard des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, que la société Signes n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que la règle de l'anonymat ayant été méconnue, le principe de l'égalité de traitement des candidats justifierait la mise hors concours de Mme X... et du groupement dont elle fait partie ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la procédure :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à la publication de l'avis d'appel public à la concurrence, il a été décidé de supprimer la condition de diplôme initialement exigée des paysagistes participant au concours en qualité de mandataires des groupements candidats et de reporter en conséquence la date limite de remise des candidatures ; que la société Signes soutient que les paysagistes non diplômés à qui le concours a ainsi été ouvert n'ont pas disposé du délai minimum de 37 jours pour répondre ;

Considérant que cette modification des règles du concours impliquait, en application des dispositions des articles 385 et 385-1 du code des marchés publics alors en vigueur, qu'un délai minimum de 37 jours soit respecté entre l'envoi à la publication au Journal officiel des Communautés européennes de l'avis rectificatif la faisant connaître et la date limite de réception des candidatures ; qu'aux termes de l'article 380 du même code : "La personne responsable du marché ou l'autorité compétente doit être en mesure de faire la preuve de la date d'envoi de ces avis" ; qu'en dépit d'une mesure complémentaire d'instruction, la VILLE DE PARIS n'a apporté aucun élément de nature à donner date certaine à l'envoi de cet avis rectificatif au Journal officiel des Communautés européennes ; qu'il en résulte que le délai minimum de 37 jours ne peut être regardé comme ayant été respecté ; que le non-respect de ce délai est constitutif d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui s'imposaient à la VILLE DE PARIS ; que, par suite, la société Signes est fondée à demander l'annulation de la procédure de concours organisée en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet l'étude et la réalisation des travaux de restauration du parc des Buttes-Chaumont ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Signes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la VILLE DE PARIS la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la VILLE DE PARIS à payer à la société Signes une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que Mme X..., intervenante en demande, n'est pas partie à la présente instance ; que, par suite, les conclusions présentées par elle et tendant à ce que la société Signes soit condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être écartées ;
Article 1er : L'intervention de Mme X... au soutien de la requête de la VILLE DE PARIS est admise.
Article 2 : L'ordonnance du 30 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 3 : La procédure de concours organisée en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre ayant pour objet l'étude et la réalisation des travaux de restauration du parc des Buttes-Chaumont est annulée.
Article 4 : La VILLE DE PARIS est condamnée à payer la somme de 2 500 euros à la société Signes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la VILLE DE PARIS est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS, à la société Signes, à Mme X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 241187
Date de la décision : 18/12/2002
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Référé

Analyses

39-02-005,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - FORMALITES DE PUBLICITE ET DE MISE EN CONCURRENCE - Concours en vue de la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre - Règles de publicité applicables à l'avis de concours - Mention des noms des membres du jury (annexe IV à la directive n° 92/50 du 18 juin 1992) - a) Caractère obligatoire - Existence, nonobstant le fait que les règles nationales ne prévoient pas une telle mention (1) - b) Contrôle par le juge du référé pré-contractuel - Obligation de rechercher si les membres du jury ont été désignés à la date de l'envoi de l'avis de concours, sans se borner à constater l'omission de la mention dans l'avis - Existence.

39-02-005 a) L'annexe IV à la directive n° 92/50 du 18 juin 1992 prévoit que les noms des membres du jury doivent être mentionnés dans l'avis de concours. Nonobstant le fait que les règles nationales applicables à la procédure de concours ne prévoient pas une telle mention, une collectivité publique est tenue d'assurer une publicité de ses intentions compatible, sur ce point, avec les objectifs de la directive. b) En se fondant sur l'omission dans l'avis de concours de la mention des noms des membres du jury ainsi exigée par la directive du 18 juin 1992 sans rechercher si ces membres avaient été désignés à la date de l'envoi à la publication de l'avis de concours, le juge du référé pré-contractuel a commis une erreur de droit.


Références :

Code de justice administrative L551-1, L821-2, L761-1
Code des marchés publics 385, 385-1, 380

1.

Cf. Assemblée, 1998-02-06 Tête et Association de sauvegarde de l'Ouest lyonnais, p. 30.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2002, n° 241187
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Bouchez
Rapporteur public ?: M. Piveteau
Avocat(s) : Me Foussard , SCP Coutard, Mayer, SCP Vier, Barthélémy, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:241187.20021218
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award