Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril 1993 et 9 juillet 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Daniel X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant a) à l'annulation de la décision du 10 octobre 1991 par laquelle le maire de la commune des Mesneux lui a refusé le bénéfice de l'article 30 du décret du 20 mars 1991 ; b) à la condamnation de la commune des Mesneux à lui verser la somme de 117 399 F représentant le montant de l'indemnité due ;
2°) d'annuler la décision du 10 octobre 1991 ;
3°) de condamner la commune des Mesneux à lui verser la somme de 117 399 F avec les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1991, ces intérêts devant eux-mêmes être capitalisés pour produire intérêt ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif au cumul de retraites, de rémunérations et de fonctions ;
Vu la loi du 26 janvier 1984, modifiée par la loi du 13 janvier 1989 ;
Vu le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Guinard, avocat de M. X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune des Mesneux,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 104 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Les dispositions de la présente loi sont applicables aux fonctionnaires nommés dans des emplois permanents à temps non complet, sous réserve des dérogations prévues par décret en Conseil d'Etat rendues nécessaires par la nature de ces emplois. Le même décret détermine :
... 2° Les conditions dans lesquelles le fonctionnaire à temps non complet dont l'emploi est supprimé ou dont la durée hebdomadaire d'activité est modifiée bénéficie, en cas de refus de l'emploi ainsi transformé, d'une prise en charge ou d'une indemnité compte tenu de son âge, de son ancienneté et du nombre hebdomadaire d'heures de service accomplies par lui" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 20 mars 1991 pris pour l'application de ces dispositions : "Le présent décret s'applique aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet et employés de manière continue." ; qu'aux termes du second alinéa du même article : "Ne sont pas considérés comme agents occupant des emplois pour l'application du présent décret les personnes : 1° Qui assurent leur service sous le contrôle et pour le compte d'une autre administration ; 2° Qui sont liées par un contrat de droit privé ; 3° Qui ne reçoivent une indemnité de la collectivité ou de l'établissement que pour les services qu'elles lui rendent dans l'exercice de leur profession principale ; 4° Qui sont rémunérées par des indemnités pour un travail qui ne présente aucun caractère de régularité" ; qu'aux termes de l'article 30 du même décret, applicable aux fonctionnaires dont le service horaire est inférieur à la limite fixée dans les conditions prévues par l'article 107 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, et qui, par suite, conformément à l'article 108 de la même loi, ne sont pas intégrés dans le cadre d'emploi correspondant de la fonction publique territoriale : "Lorsqu'il est décidé de modifier, soit en hausse, soit en baisse, le nombre d'heures de service hebdomadaire afférent à un emploi permanent à temps non complet, cette modification est assimilée à la suppression d'un emploi comportant un temps de service égal. Le fonctionnaire peut refuser cette transformation. Dans ce cas, ainsi que dans le cas où l'emploi a été supprimé, il perçoit une indemnité d'un montant égal à un mois de traitement par annuité de services effectifs. Il est majoré de 10 p. 100 en faveur du fonctionnaire qui a atteint l'âge de cinquante ans. Le montant de l'indemnité ne peut être ni inférieur à un mois ni supérieur à dix-huit mois de traitement" ;
Considérant que M. X..., instituteur public titulaire, a été recruté le 30 octobre 1974 par la commune des Mesneux (Marne) sur un emploi de secrétaire de mairiepour un service de vingt-trois heures hebdomadaires ; que, par délibération du 28 juin 1991 le conseil municipal a transformé en emploi à temps complet cet emploi auquel correspondait un nombre d'heures de service hebdomadaire inférieur à celui résultant de l'application de l'article 107 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ; que M. X... a refusé cette transformation ; qu'il a demandé à la commune des Mesneux le bénéfice des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 20 mars 1991, prévoyant le versement d'une indemnité au fonctionnaire qui refuse la transformation d'un emploi permanent à temps non complet ; que le maire de la commune, par décision du 10 octobre 1991 n'a pas fait droit à cette demande ; que M. X... a demandé l'annulation de cette décision ; qu'il fait appel du jugement rejetant ses conclusions ;
Considérant que le décret précité du 20 mars 1991 s'applique aux fonctionnaires nommés dans des emplois permanents à temps non complet et employés de manière continue ; que M. X... ne relevait d'aucun des cas d'exclusion prévus au deuxième alinéa de son article 1er ; que la seule circonstance qu'il était titulaire en position d'activité d'un emploi à temps complet d'instituteur, ne faisait pas obstacle à ce qu'il bénéficiât des dispositions de l'article 30 précité, applicables aux fonctionnaires territoriaux qui, nommés dans des emplois permanents à temps non complet, ne sont pas, compte tenu de la durée de leur service, intégrés dans les cadres territoriaux ; qu'en déniant à M. X..., qui avait refusé la transformation de l'emploi qu'il occupait, le bénéfice de l'article 30 précité du décret du 20 mars 1991, au motif qu'il occupait cet emploi à titre accessoire, le maire des Mesneux a entaché d'illégalité sa décision ;
Considérant que M. X... entrait, ainsi qu'il vient d'être dit, dans les prévisions de l'article 30 précité du décret du 20 mars 1991 ; que, compte tenu de son ancienneté dans l'emploi de secrétaire de mairie et du montant de la rémunération dont il justifie, l'indemnité à laquelle il a droit s'élève à la somme de 117 399 F en principal ; qu'il a également droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité due à compter du 11 décembre 1991, date de réception de sa demande par la commune ; que M. X... a demandé la capitalisation des intérêts le 9 avril 1993 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de la commune des Mesneux relatives aux frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune des Mesneux la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 22 décembre 1992, ensemble, la décision du maire de la commune des Mesneux en date du 10 octobre 1991, sont annulés.
Article 2 : La commune des Mesneux est condamnée à payer à M. X... la somme de 117 399 F avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1991. Les intérêts échus le 9 avril 1993 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X..., à la commune des Mesneux et au ministre de l'intérieur.