Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 janvier 1986, présentée pour MM. Jean-Marie A... et autres, demeurant ... (62000) ; MM. A... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 en vue de la désignation des membres du conseil municipal d'Arras et a condamné M. A... à verser respectivement à M. X... et à M. Z... la somme de 4 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de rejeter les protestations présentées devant ce tribunal par M. X... et par M. Z... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Thiellay, Auditeur,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de M. Jean-Marie A... et de la SCP Monod, avocat de M. Y...
X...,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, lors du premier tour de scrutin pour l'élection du conseil municipal d'Arras, les listes "Union pour la gauche", "Arras pour tous" et "Changer pour réussir" ont obtenu un nombre de suffrages leur permettant de se maintenir au second tour de scrutin ; que M. Z..., qui dirigeait la liste "Changer pour réussir", a déclaré maintenir sa liste au deuxième tour, tout en ne faisant pas procéder à l'impression de bulletins de vote, et en appelant les électeurs à s'abstenir ; que c'est dans ces conditions que, l'avant-veille du second tour de scrutin, trois membres de la liste "Changer pour réussir" ont appelé par voie de presse à voter en faveur de la liste "Arras pour tous" ; que cette prise de position n'a pu, nonobstant le faible écart des voix, altérer la sincérité du vote, dès lors que cet appel, qui ne contenait aucune assertion mensongère, se présentait, non pas comme exprimant une position officielle de la liste "Changer pour réussir" mais, au contraire, comme formé "à titre personnel" par ses auteurs, et qu'au surplus le responsable de la liste "Changer pour réussir" avait, après la diffusion initiale de cet appel, la possibilité de faire à nouveau connaître sa position ; que la diffusion ultérieure du même appel, par voie de tracts et d'affichage, n'a pas davantage constitué une manoeuvre susceptible d'induire les électeurs en erreur ; que la circonstance que plusieurs affiches appelant à voter au premier tour de scrutin en faveur de la liste "Changer pour réussir" étaient, le jour du second tour de scrutin, recouvertes d'affiches blanches, n'a pu, en l'espèce, dans les circonstances rappelées ci-dessus, être de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ces griefs pour annuler les opérations électorales ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs invoqués en première instance ;
Considérant que la circonstance que M. A... a utilisé pour sa propagande des enveloppes portant la mention "Député européen" alors qu'il ne possédait plus cette qualité, ne saurait être regardée comme constituant en elle-même une manoeuvre de nature à altérer les résultats du scrutin, alors que le caractère massif de cette utilisation n'est pas démontré, et que les documents officiels de la liste conduite par M. A... faisaient état de sa qualité d'"Ancien député européen" ; que la circonstance, à la supposer établie, que les membres de la liste "Arras pour tous" auraient eu recours pour leur propagande à un fichier appartenant à la commune et recensant certains employés communaux n'est pas constitutive d'une rupture du principe d'égalité entre les candidats, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, d'une part, qu'une autre liste aurait été empêchée d'utiliser ce fichier aux mêmes fins, d'autre part, que cette opération de propagande aurait été effectuée aux frais de la commune ; que le grief tiré de ce qu'une personne chargée de l'établissement de procurations aurait exercé des pressions sur certains électeurs n'est pas assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 19 décembre 1995, le tribunal administratif de Lille a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées à Arras le 18 juin 1995 ;
Sur l'application des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante en la présente espèce, soit condamné à verser à M. X... et à M. Z... la somme demandée par ces derniers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 19 décembre 1995 est annulé.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 dans la commune d'Arras sont validées.
Article 3 : Les protestations de M. X... et de M. Z... sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. X... et par M. Z... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie A..., à M. X..., à M. Z... et au ministre de l'intérieur.