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31/07/1996 | FRANCE | N°126594

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 31 juillet 1996, 126594


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 1991 et 7 octobre 1991 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc, dont le siège est ..., représentée par ses représentants légaux en exercice ; la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, en premier lieu, donné acte du désistement de ses conclusions dirigées contre le jugement du 31 déce

mbre 1987 du tribunal administratif de Grenoble en tant que ce jugement a reje...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 1991 et 7 octobre 1991 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc, dont le siège est ..., représentée par ses représentants légaux en exercice ; la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, en premier lieu, donné acte du désistement de ses conclusions dirigées contre le jugement du 31 décembre 1987 du tribunal administratif de Grenoble en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la résiliation de la concession des remontées mécaniques concernant le secteur "Mont-d'Arbois", en second lieu, annulé ledit jugement en tant que ce jugement avait annulé la résiliation de la concession de remontées mécaniques du secteur dit de Bellevue et rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette résiliation ainsi que le surplus des conclusions de sa requête ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Nallet, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc et de Me Delvolvé, avocat de la commune de Saint-Gervais,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à la concession des remontées mécaniques du secteur dit "Mont-d'Arbois" :
Considérant qu'en interprétant la convention du 29 avril 1942, relative à la concession du secteur dit "Mont-d'Arbois", modifiée par l'avenant du 31 décembre 1984, comme conférant à la procédure de conciliation qu'elle prévoyait le caractère d'une procédure préalable obligatoire avant tout recours contentieux, la cour administrative d'appel de Lyon, qui n'a pas dénaturé la commune intention des parties, s'est livrée à une interprétation souveraine qui échappe au contrôle du juge de cassation ; que, dès lors, la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il concerne la concession du secteur dit "Mont-d'Arbois" ;
Sur les conclusions relatives à la concession des remontées mécaniques du secteur "Bellevue" :
Considérant, en premier lieu, que si, avant de prononcer la résiliation de la concession, attribuée à la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc (STMMB), des remontées mécaniques du secteur de Bellevue, le conseil municipal de la commune de Saint-Gervais, par délibération du 17 septembre 1986, confirmée le 17 décembre 1986, avait chargé le maire d'engager une procédure de rachat de ladite concession, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société concessionnaire s'est opposée à la mise en oeuvre de cette procédure et a, d'ailleurs, déféré la délibération du 17 septembre 1986 au tribunal administratif de Grenoble ; que, par suite, en jugeant que ces délibérations n'avaient pas privé la commune de la possibilité de procéder à la résiliation de la concession, la cour administrative d'appel de Lyon n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, ni dénaturé les faits de l'espèce, ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient à l'autorité concédante, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs et sous réserve des droits d'indemnisation du concessionnaire, de mettre fin avant son terme à un contrat de concession, dès lors qu'il existe des motifs d'intérêt général justifiant, à la date à laquelle elle prend sa décision, que l'exploitation du service concédé soit abandonnée ou établie sur des bases nouvelles ; qu'elle peut user de cette faculté alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle, n'en a organisé l'exercice ; que la décision de résiliation de la concession de Bellevue a été prise à la suite de la cession de 74 % des actions de la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc à la société d'économie mixte du Jaillet, contrôlée par la commune de Megève, limitrophe de celle de Saint-Gervais ; que la cour administrative d'appel de Lyon a pu légalement juger qu'une telle modification de la composition du capital de la société concessionnaire autorisait le concédant, à cause des risques de conflits d'intérêts qu'elle entraînait, à regarder son co-contractant comme ne présentant plus les garanties au vu desquelles la concession lui avait été attribuée et, pour ce motif d'intérêt général, à prononcer la résiliation de cette concession ;

Considérant, en revanche, que c'est en méconnaissance des règles relatives aux concessions, qu'après avoir relevé que cette cession d'actions n'avait pas à être soumise à la commune concédante et n'était pas constitutive d'une faute de la société concessionnaire, la cour administrative d'appel a, sans déduire cette solution d'une stipulation contractuelle expresse en ce sens, limité le droit à indemnité de cette dernière à la seule valeur des actifs que ladite société devait céder à la commune ; que, dès lors, la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il limite à la seule valeur des actifs le droit à indemnité de la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc à la suite de la résiliation de la concession du secteur de "Bellevue" ;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire sur ce point devant la cour administrative de Nancy ; que les conclusions de la société requérante tendant à ce que le Conseil d'Etat lui accorde la capitalisation des intérêts doivent, dès lors et en tout état de cause, être écartées ;
Article 1er : L'arrêt susvisé en date du 9 avril 1991 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il limite à la seule valeur des actifs le droit à indemnité de la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc à la suite de la résiliation de la concession du secteur de "Bellevue".
Article 2 : L'affaire est renvoyée sur ce point devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société des téléphériques du massif du Mont-Blanc, à la commune de Saint-Gervais-les-Bains, au Président de la cour administrative d'appel de Nancy et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 126594
Date de la décision : 31/07/1996
Sens de l'arrêt : Annulation partielle renvoi caa de nancy
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - Motifs - Changement dans la répartition du capital social du concessionnaire entraînant des risques de conflits d'intérêt avec le concédant - Légalité (1).

39-04-05-02 Il appartient à l'autorité concédante, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs et sous réserve des droits d'indemnisation du concessionnaire, de mettre fin avant son terme à un contrat de concession, dès lors qu'il existe des motifs d'intérêt général justifiant, à la date à laquelle elle prend sa décision, que l'exploitation du service soit abandonnée ou établie sur des bases nouvelles. Elle peut user de cette faculté alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu'aucune stipulation contractuelle, n'en a organisé l'exercice. La cession de 74 % des actions de la société titulaire d'une concession de remontées mécaniques attribuée par une commune à une société d'économie mixte contrôlée par une commune limitrophe autorisait la commune concédante, à cause des risques de conflits d'intérêt qu'elle entraînait, à regarder son co-contractant comme ne présentant plus les garanties au vu desquelles la concession lui avait été attribuée, et, pour ce motif d'intérêt général, à prononcer la résiliation de cette concession (1).

- RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE DU CONCESSIONNAIRE - Résiliation de la concession pour un motif d'intérêt général - Limitation du droit à indemnité à la valeur des actifs cédés par le concessionnaire au concédant - Absence (1).

39-04-05-02-02, 39-08-04-02(2), 54-08-02-02-01-01 Méconnaît les règles relatives aux concessions la cour administrative d'appel qui, après avoir relevé que les faits ayant motivé la résiliation de la concession n'étaient pas constitutifs d'une faute du concessionnaire, a, sans déduire cette solution d'une stipulation contractuelle expresse en ce sens, limité le droit à indemnité de ce dernier à la seule valeur des actifs qu'il devait céder au concédant. Annulation de l'arrêt en tant qu'il limite le droit à indemnité du concessionnaire (1).

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - VOIES DE RECOURS - CASSATION - Contrôle du juge de cassation - (1) Qualification juridique des faits - Caractère d'intérêt général du motif ayant justifié la résiliation d'un contrat administratif par l'autorité administrative - (2) - RJ1 Erreur de droit - Existence - Limitation du droit à indemnité à la valeur des actifs cédés par le concessionnaire au concédant en cas de résiliation de la concession pour motif d'intérêt général (1).

39-08-04-02(1), 54-08-02-02-01-02 Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l'appréciation portée par les juges du fond quant au caractère d'intérêt général du motif ayant justifié la résiliation d'un contrat administratif par l'autorité administrative.

- RJ1 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - ERREUR DE DROIT - Existence - Limitation du droit à indemnité à la valeur des actifs cédés par le concessionnaire au concédant en cas de résiliation de la concession pour motif d'intérêt général (1).

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - Caractère d'intérêt général du motif ayant justifié la résiliation d'un contrat administratif par l'autorité administrative.


Références :

1. Inf. CAA de Lyon, Plén., 1991-04-09, Société les téléphériques du massif du Mont-Blanc et autre, p. 513


Publications
Proposition de citation : CE, 31 jui. 1996, n° 126594
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Nallet
Rapporteur public ?: M. Delarue
Avocat(s) : Mes Choucroy, Delvolvé, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:126594.19960731
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