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08/07/1992 | FRANCE | N°90581

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 08 juillet 1992, 90581


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 août et 21 décembre 1987, présentés par la commune de Libourne, représentée par son maire en exercice ; la commune de Libourne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer à MM. A... Magne, Pierre Magne et à Mme Mireille X... la somme de 1 052 000 F, avec les intérêts, en réparation du préjudice subi par l'immeuble dont ils sont propriétaires, et a mis à sa

charge les frais d'expertise d'un montant de 12 196,82 F ;
2°) de rédu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 août et 21 décembre 1987, présentés par la commune de Libourne, représentée par son maire en exercice ; la commune de Libourne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 1987 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer à MM. A... Magne, Pierre Magne et à Mme Mireille X... la somme de 1 052 000 F, avec les intérêts, en réparation du préjudice subi par l'immeuble dont ils sont propriétaires, et a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 12 196,82 F ;
2°) de réduire le montant de l'indemnité due en réparation du préjudice subi par l'immeuble ;
3°) de déclarer commune à M. Y... Magne la décision à intervenir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de la commune de Libourne et de Me Choucroy, avocat des consorts Z...,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un jugement en date du 15 décembre 1961 du tribunal administratif de Bordeaux, devenu définitif sur ce point, la ville de Libourne a été déclarée responsable des dommages subis par l'immeuble appartenant à M. Y... Magne, à la suite des travaux d'assainissement qu'elle avait effectués, en 1962 et 1963, sur le cours des Girondins et a été condamnée à payer à M. Z... une indemnité représentant le coût des travaux nécessaires à la réparation des désordres ; que bien que lesdits travaux aient été réalisés conformément aux recommandations de l'expert commis par le tribunal, de nouveaux désordres ont affecté l'immeuble, qui a été démoli en application d'un arrêté du maire de Libourne, en date du 4 septembre 1985 ; que MM. A... et Pierre Z..., ainsi que Mme X..., devenus nus-propriétaires de l'immeuble, à la suite de la donation-partage faite par leur père, M. Y... Magne, par acte notarié du 5 avril 1984, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de déclarer la ville de Libourne responsable des nouveaux dommages subis par l'immeuble et de la condamner à leur payer une indemnité représentant, d'une part, la valeur vénale de l'immeuble, d'autre part, la somme qu'ils ont versée à la commune en remboursement des frais causés par la destruction de l'immeuble, à laquelle le maire de Libourne a fait procéder d'office ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, que les nouveaux désordres qui ont rendu nécessaire la destruction de l'immeuble ont également pour origine les travaux d'assainissement sus-mentionnés, dont les conséquences dommageables n'avaient pu être palliées, par les mesures préconisées par le premier expert ; que, contrairement à ce que soutient la commune, il ne résulte pas de l'instruction que ces dommages auraient été aggravés par un vice de construction de l'immeuble et, en particulier, par l'insuffisance de ses fondations ou par un défaut d'entretien de celui-ci, les seules insuffisances relevées par le sapiteur de l'expert ayant trait à l'aménagement intérieur de l'immeuble ; que, par suite, la ville de Libourne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle devait supporter l'entière responsabilité du préjudice résultant de la destruction de l'immeuble ;

Considérant que MM. A... et Pierre Z..., et Mme X..., qui, comme il a été dit, sont devenus nus propriétaires de l'immeuble par un acte de donation-partage en date du 5 avril 1984, ont droit à une indemnité qui ne saurait être supérieure à la valeur vénale de l'immeuble, telle qu'elle pouvait être appréciée à la date de la donation en l'absence d'améliorations apportées postérieurement à la donation ; qu'il sera fait une juste appréciation de la valeur vénale de l'immeuble au 5 avril 1984, en la fixant à 400 000 F ; qu'il convient de retrancher de cette somme la valeur de l'usufruit dont était grevé l'immeuble, à la hauteur de 10% de sa valeur, au profit de M. Y... Magne, père des requérants et d'y ajouter le remboursement des frais de démolition de l'immeuble, d'un montant non contesté de 65 000 F ;
Considérant que seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement ; que la présente décision n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits que pourrait détenir M. Y... Magne, à raison des créances dont la ville lui serait éventuellement redevable, en réparation de la part des dommages qui auraient affecté l'immeuble avant la date à laquelle ses enfants en sont devenus nus-propriétaires ou en raison de sa qualité d'usufruitier de l'immeuble en cause ; qu'ainsi, la présente décision ne saurait être regardée comme préjudiciant à M. Y... Magne dans des conditions ouvrant à ce dernier le droit de former tierce-opposition à ladite décision ; que, par suite, les conclusions de la ville de Libourne tendant à ce que cette décision soit déclarée commune à M. Henri Z... ne sont pas susceptibles d'être accueillies ;

Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de laisser la totalité de ces frais à la charge de la ville de Libourne ;
Article 1er : la somme que la ville de Libourne a été condamnée à verser à MM. A... et Pierre Z..., et à Mme X... par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 1987 est ramenée à 425 000 F..
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juin 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Libourne est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ville de Libourne, à MM. A... et Pierre Z..., à Mme X... et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX - Déclaration de jugement commun - Conditions (1).

60-04-03-02 MM. Raymond et Pierre M., ainsi que Mme B., devenus nus-propriétaires de l'immeuble appartenant à leur père, M. Henri M., à la suite de la donation-partage faite par celui-ci, par acte notarié du 5 avril 1984, ont demandé en première instance que la ville de Libourne soit déclarée responsable des dommages subis par l'immeuble suite à des travaux d'assainissement effectués par la ville et condamnée à leur payer une indemnité représentant, d'une part, la valeur vénale de l'immeuble, d'autre part, la somme qu'ils ont versée à la commune en remboursement des frais causés par la destruction de l'immeuble, à laquelle le maire de Libourne a fait procéder d'office. MM. Raymond et Pierre M., et Mme B., devenus nus-propriétaire de l'immeuble par un acte de donation-partage précité, ont droit à une indemnité qui ne saurait être supérieure à la valeur vénale de l'immeuble, telle qu'elle pouvait être appréciée à la date de la donation en l'absence d'améliorations apportées postérieurement à la donation. Il sera fait une juste appréciation de la valeur vénale de l'immeuble au 5 avril 1984, en la fixant à 400 000 F. Il convient de retrancher de cette somme la valeur de l'usufruit dont était grevé l'immeuble, à la hauteur de 10 % de sa valeur, au profit de M. Henri M., père des requérants et d'y ajouter le remboursement des frais de démolition de l'immeuble, d'un montant non contesté de 65 000 F. Condamnation de la ville de Libourne au paiement d'une somme de 425 000 F.

- RJ2 - RJ3 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - Destruction ou dégradation d'un bien - Préjudice subi par des nus-propriétaires - Valeur vénale de l'immeuble minorée de la valeur de l'usufruit dont il est grevé et majorée des frais de démolition de cet immeuble (2) (3).

54-07-03 Seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement. La présente décision, condamnant la ville de Libourne, à indemniser les nus- propriétaires de l'immeuble dont M. Henri M. est l'usufruitier, n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits que pourrait détenir M. Henri M., à raison des créances dont la ville lui serait éventuellement redevable, en réparation de la part des dommages qui auraient affecté l'immeuble avant la date à laquelle ses enfants en sont devenus nus-propriétaires ou en raison de sa qualité d'usufruitier de l'immeuble en cause. Ainsi, la présente décision ne saurait être regardée comme préjudiciant à M. Henri M. dans des conditions ouvrant à ce dernier le droit de former tierce-opposition à ladite décision. Par suite, les conclusions de la ville de Libourne tendant à ce que cette décision soit déclarée commune à M. Henri M. ne sont pas susceptibles d'être accueillies (1).


Références :

1.

Cf. 1960-01-20, Asso et Compagnie d'assurances générales, p. 44 ;

Section 1967-11-17, Sieurs Confortini et Piazza, p. 427. 2. Comp. 1946-05-22, Epoux Aubert, p. 146. 3.

Rappr. 1972-07-10, Demoiselle Castelli, p. 550 (pour un préjudice subi par le propriétaire de l'immeuble)


Publications
Proposition de citation: CE, 08 jui. 1992, n° 90581
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Morisot
Rapporteur ?: M. Salat-Baroux
Rapporteur public ?: M. Legal
Avocat(s) : Mes Spinosi, Choucroy, Avocat

Origine de la décision
Formation : 5 / 3 ssr
Date de la décision : 08/07/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90581
Numéro NOR : CETATEXT000007830887 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1992-07-08;90581 ?
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